Al-Ahram Hebdo,Invité | Mona El Baradei ; « Notre première priorité est l’augmentation du rendement des ressources humaines »
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 17 au 23 mars 2010, numéro 810

 

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Invité

Mona El Baradei est directrice exécutive du Conseil national égyptien de la compétitivité (ENCC). Elle fait le point sur les faiblesses de l’économie égyptienne et expose les secteurs à développer pour rendre le pays plus concurrentiel sur le plan international.

« Notre première priorité est l’augmentation du rendement des ressources humaines »

Al-Ahram Hebdo : Comparée aux autres pays de la région, comment la crise mondiale a-t-elle influencé l’économie égyptienne ?

Mona ElBaradei : La crise a touché la majorité des secteurs de l’économie égyptienne, puisqu’elle a réduit la demande locale et internationale, ce qui a fait baisser les chiffres d’affaires de la plupart des sociétés. Mais l’impact de la crise est vraiment très léger par rapport aux autres pays de la région, comme ceux du Golfe. Ainsi, la crise a soutenu la position de l’Egypte en matière de compétitivité dans le rapport égyptien sur la compétitivité pour l’année 2009/2010. Pour la première fois, en raison du recul de plusieurs pays, le classement de l’Egypte avance pour occuper la 70e place sur 133 pays, contre 81 sur 134 pays en 2008. Le classement repose sur douze fondamentaux. Malheureusement, l’Egypte n’a connu aucune amélioration de ces fondamentaux, aucun secteur n’a vu sa performance consolidée. De manière générale et en raison de la mondialisation, aucun pays n’est à l’abri de l’impact de la crise mondiale. Par conséquent, les décisions doivent être prises non seulement pour traiter les problèmes actuels, mais aussi pour remédier aux inefficacités structurelles, en tenant compte des effets à plus long terme, afin d’être plus résistant aux crises futures.

— Pourquoi estimez-vous que l’Egypte n’est pas immune face aux crises futures ?

— L’Egypte est malheureusement précédée par presque tous les pays de la région, elle occupe une position très retardée et est suivie par Djibouti. La raison de ce retard revient à la défaillance dans les politiques macroéconomiques adoptées par le gouvernement, ayant mené au recul de tous les indices économiques. En fait, la stabilité de la politique macroéconomique représente le critère le plus détérioré en 2009/2010 pour l’Egypte. Elle arrive en 128e place sur un total de 133. Trois facteurs sont responsables : le niveau élevé de l’inflation en 2009, la hausse du déficit budgétaire et une énorme dette gouvernementale. Et pour résoudre toutes ces lacunes, il faut vraiment une révision sérieuse des politiques macroéconomiques. De plus, il faut une intervention de l’Etat pour resserrer la corruption administrative ainsi que la bureaucratie.

— Comment proposez-vous de réduire la corruption ?

— Il faut rendre plus effectif le rôle du ministère du Développement administratif, c’est la seule solution pour contrer la bureaucratie. Et cela, en facilitant l’obtention de licences ou d’autorisations. Cependant, la corruption reste un trait principal du système administratif égyptien. C’est l’une des causes de la détérioration de notre classement en matière de bureaucratie, nous sommes passés à la 70e place en 2009/2010 contre 57 et 51 les deux années précédentes.

— Parmi les problèmes structurels de l’Egypte, viennent en tête le chômage et la baisse de la productivité. Comment remédier à ces faiblesses ?

— Le fondamental de l’efficacité du marché de la main-d’œuvre représente le deuxième défi entravant la compétitivité du marché égyptien. En effet, le marché de l’emploi souffre d’un déséquilibre entre ses besoins pour certaines compétences de diplômés et leurs vraies capacités à se développer. Là, l’Egypte arrive en queue de la liste (126 sur 133). Les programmes éducatifs doivent être mis à jour annuellement pour remédier à ce déséquilibre afin de pouvoir emboîter le pas aux standards des marchés internationaux. L’Egypte a besoin aussi d’accéder à une technologie plus moderne dans le système éducatif. D’ailleurs, l’éthique de travail, de développement personnel, de ponctualité et du sérieux ainsi que l’excellence dans l’exécution sont également des domaines très à développer dans les ressources humaines égyptiennes. Il faut également un dialogue ouvert entre les experts économiques, les représentants du secteur privé, les décideurs, les institutions de la société civile et les organisations internationales pour développer de nouvelles politiques nationales qui contribuent efficacement à la réforme des systèmes d’éducation et de formation en Egypte.

— Que manque-t-il au secteur de l’enseignement pour qu’il soit compétitif ?

— L’enseignement en Egypte souffre d’un manque de ressources et de financement. La part de l’enseignement scolaire pour le primaire, préparatoire et secondaire dans le budget ne dépasse pas les 27,9 milliards de L.E. Les familles égyptiennes dépensent la moitié de cette somme pour les leçons particulières. Les besoins d’un enseignement universitaire moderne ne sont pas mieux servis. Donc, le budget attribué à l’enseignement est médiocre, devant être doublé ou même triplé. Pour comparer, la part actuelle d’un écolier égyptien du primaire est de quelque 280 dollars annuels. Ce chiffre est de 855 dollars pour la Jordanie, 1 552 dollars en Malaisie et monte à 5 832 dans les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). La part d’un étudiant universitaire est de 12 000 dollars annuels, tandis que celle de son homologue dans les pays de l’OCDE est du double. L’Egypte a besoin de créer plus de 40 grandes universités pour accueillir chacune 50 000 étudiants, et des milliers d’écoles. Il faut assurer un enseignement gratuit en faveur des catégories pauvres et démunies. Les expériences des pays voisins, comme la Turquie, doivent nous inspirer. Ce pays a récemment financé la hausse du montant alloué à l’enseignement afin de construire 150 universités grâce à la diminution du budget de la défense.

— L’économie égyptienne possède des sources de croissance assez variées. Quel est le secteur avec la plus mauvaise performance ?

— L’agriculture souffre de négligence et de manque de stratégie de la part du gouvernement. Bien qu’il soit le secteur le plus important pour réduire la pauvreté. Je considère que la négligence de son développement a été une énorme erreur. Employant plus de 17 % de la main-d’œuvre égyptienne, il peut être un catalyseur du développement industriel. Son énorme potentiel peut grandement aider à promouvoir l’économie égyptienne et améliorer sa compétitivité. L’ENCC a mené en 2009 une analyse SWOT (Strenghs, Weaknesses, Opportunities and Threats) du secteur. Elle sert à évaluer les points forts, les faiblesses, les opportunités et les menaces d’un secteur. La rationalisation des eaux d’irrigation et la fragmentation des terrains sont considérées comme les principales lacunes de ce secteur. Ce qui a mené l’ENCC à étudier comment contrecarrer ces défis. Et ce, à travers un dialogue qui comprend des experts, des représentants d’entreprises privées et publiques, les décideurs et la société civile.

— Certains affirment que le concept de la compétitivité nous noie dans les classements. Qu’en dites-vous ?

— L’objectif principal de l’ENCC est d’être un outil de sensibilisation pour le peuple et de fournir des recommandations aux décideurs politiques. Nos indicateurs de compétitivité ont montré que le manque de compétitivité du marché du travail et de l’éducation affecte tous les autres aspects de l’économie. Par conséquent, notre première priorité est l’augmentation du rendement des ressources humaines. C’est pour cela que l’ENCC a créé le Conseil subsidiaire de la compétitivité des ressources humaines. Nous avons également créé celui du tourisme et de l’agriculture pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés ces secteurs. La définition la plus simple de la compétitivité par le Forum économique mondial en 2008 est la suivante : l’ensemble de facteurs, politiques et institutions qui déterminent le niveau de productivité d’un pays et, par conséquent, déterminent son niveau de prospérité.

— Comment le gouvernement reçoit-il vos critiques ?

— Au début, ce n’était pas facile pour les Egyptiens d’absorber les indicateurs d’alerte et de chiffres que l’ENCC fournit. Ils doutaient de la validité des chiffres et de l’objectivité des résultats recommandés par le Forum économique mondial. Notre réponse a été que ces chiffres sont basés sur des études et des analyses. Le Forum économique mondial ne peut pas privilégier 133 autres pays. Et en fin de compte, je crois que les classements que présente l’ENCC devraient être utilisés comme indicateurs de notre performance et pour savoir où nous nous situons dans le monde.

— Quelle est la plus grande réussite de l’ENCC à ce jour sur le chemin du développement de l’Egypte ?

— En septembre dernier, le premier ministre, Ahmad Nazif, a chargé l’ENCC d’élaborer une stratégie de développement de la compétitivité des différents secteurs de l’économie égyptienne. Ce qui mène l’ENCC à marier les stratégies des différents ministères pour parvenir, d’ici au mois de septembre prochain, à définir cette stratégie qui proposera de classifier les différents gouvernorats selon leur compétitivité. Je rêve d’un réseau de conseils de compétitivité dans la région arabe. Ma vision pour l’ENCC est d’avoir un impact majeur avec des recommandations qui sont largement acceptables et pouvant être adoptées aussi bien par le gouvernement que les organisations civiles.

Propos recueillis par Dahlia Réda

 




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