Gasoil .
Très
utilisé dans les transports et les boulangeries du pays, la
pénurie actuelle conduit à se poser des questions sur
l’avenir des subventions dont bénéficie ce carburant.
Eléments de réponse.
Une
hausse des prix se fait sentir
Quel
sera l’avenir des subventions à l’énergie ? Une question qui
se pose dès qu’une pénurie d’un produit pétrolier sur le
marché égyptien apparaît, mais à laquelle personne ne donne
jamais de réponse claire. Cette fois, c’est le manque de
gasoil depuis le début du mois qui anime les discussions,
alimentées par la mort d’un homme lors d’une bagarre dans
une station-service. Dans celles-ci, des microbus, camions,
toc-tocs et quelques véhicules particuliers font des queues
interminables pour obtenir quelques litres de gasoil. « On
nous donne seulement quelques litres », se plaignent les
chauffeurs devant une station de Bachtil, près du Caire.
Cette pénurie et les rumeurs de hausse prochaine des prix
qui l’ont accompagnée ont créé un marché noir du gasoil : il
se vend maintenant entre 24 et 35 L.E. le bidon de 20 litres,
alors qu’officiellement, son prix est de 22 L.E.
Mais
quelle est l’origine de cette crise ? Les responsables du
ministère du Pétrole assurent que les quantités disponibles
sur le marché n’ont pas diminué et accusent les
propriétaires des stations d’essence de provoquer la crise.
Ceux-ci, de leur part, assurent que les quantités de gasoil
reçues ont baissé. « Pendant deux jours, nous n’avons pas
reçu une goutte de gasoil. Là, on obtient 20 000 litres par
jour au lieu de 30 000 normalement », explique le directeur
de la station Misr pour le pétrole.
L’effet
de cette courte crise sur l’économie et les ménages n’a pas
été négligeable avec les prix des moyens de transport qui
ont augmenté. « On a dû augmenter les prix au client, on ne
peut pas endosser la hausse que les stations nous imposent
», explique un chauffeur de camion. Les chauffeurs de
microbus ont fait de même. Certaines usines et boulangeries,
consommatrices de gasoil, ont recouru au chômage technique
dans certains cas.
Cette
crise du gasoil n’est pas la première en son genre. Il y a
quelques semaines, le marché égyptien a connu une pénurie
plus grave des bonbonnes de gaz, elles aussi subventionnées.
Leurs prix sont passés de quelque 5 L.E. à 70 L.E. dans
certains quartiers et des bagarres ont fait plusieurs
blessés. De tels incidents sont souvent accompagnés de
rumeurs autour d’une prochaine hausse des prix, qui se sont
révélées exactes sur plusieurs produits subventionnés ou
monopolisés par l’Etat. Des déclarations du ministre du
Développement économique, Osmane Mohamad Osmane, il y a
quelques jours, favorisent les prévisions d’une proche
hausse des prix, contrairement au discours de plusieurs
responsables du gouvernement depuis le début de la crise
économique. « Les améliorations introduites depuis 2004 dans
le système des subventions ont été timides. Nous serons plus
courageux à l’avenir. Nous ne nous attendons pas à deux
prochaines années exceptionnelles », a par exemple affirmé
le ministre en faisant allusion aux élections législatives
qui auront lieu en 2010 et aux présidentielles en 2011. Il a
ainsi prévu que le gouvernement pourra commencer à changer
avant 2011 le système de subvention actuel par une aide
mensuelle en espèce aux plus pauvres. Un système qui
pourrait réduire les subventions des deux tiers environ.
Mohamad Farid Khamis, président du comité de l’énergie au
Conseil consultatif, et Mohamad Aboul-Einein, président du
Comité de l’industrie et de l’énergie au Parlement, tous
deux membres du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir),
sont pour une révision du système des subventions afin
qu’elles bénéficient davantage aux pauvres. Cependant,
Aboul-Einein exclut une hausse des prix des produits
subventionnés dans l’année en cours et estime qu’il est
possible d’y procéder en 2011. « Il faut d’abord commencer
par sensibiliser les citoyens et étudier les alternatives.
Une large tranche de la société pourra être affectée par une
telle décision sur le court et moyen terme », explique-t-il.
Aboul-Einein estime aussi qu’il serait plus facile de
diminuer ou de changer le système de subvention des denrées
alimentaires comme le sucre, le riz, ou l’huile. « Les
subventions sur le gasoil et le butane ne peuvent diminuer
que graduellement, cela prendra du temps. Il est très
difficile de les supprimer tout de suite », annonce-t-il.
Solution
idéale
En fait,
suite à la crise économique mondiale, le gouvernement a
suspendu depuis la fin 2009 son plan de diminution des
subventions à l’énergie qu’il avait entamé en 2004, après
environ 14 années lors desquelles les prix n’avaient pas
bougé. Mais les pressions budgétaires qui ont accompagné la
crise ont été fortes, ce qui a incité le gouvernement à
changer d’avis. Ainsi le déficit budgétaire devrait
atteindre 8,4 % du PIB en 2009/2010, contre 6,9 % en
2008/2009. Cela malgré la baisse des subventions à l’énergie
en conséquence de celle des prix internationaux du pétrole.
Mais les revenus étatiques ont eux aussi baissé. Alors pour
le gouvernement, diminuer les subventions à l’énergie semble
être la solution idéale pour lutter contre le creusement du
déficit budgétaire. Dans ce contexte, le gasoil et le butane
semblent les plus visés, car il s’agit des produits
pétroliers les plus subventionnés. Ainsi, une hausse de leur
prix aura un effet plus patent sur le déficit budgétaire, si
l’on sait qu’avec 23,5 milliards de L.E. en 2008/2009, le
gasoil s’accapare d’environ 40 % des subventions à l’énergie.
Il est suivi par le butagaz qui a absorbé 11,1 milliards de
L.E. au cours du même exercice. Or, malgré les déclarations
du ministre du Développement économique, certains ont des
doutes que le gouvernement prenne une telle décision dans
une année d’élections. « Toute décision qui pourra provoquer
des problèmes ne sera pas prise tout de suite à cause des
élections. Le diesel touche tout le secteur du transport,
une hausse de son prix pourra générer une forte colère
sociale. Je ne crois pas qu’une telle décision sera prise
avant les élections », estime Abdallah Chéhata, professeur
d’économie à l’Université du Caire.
Une
hausse du prix du gasoil aura un effet décisif sur
l’inflation, car elle provoquera une hausse du prix des
transports et donc celui des produits alimentaires. Et selon
une étude du Centre des études économiques, les effets d’une
hausse du gasoil sur le transport sont deux fois plus
importants que ceux d’une hausse du prix de l’essence. En
2004 et 2005, quand le gouvernement a procédé à des hausses
générales des prix des carburants, l’inflation a
considérablement augmenté, pour atteindre près de 18 % en
2005. Il en a été de même en mai 2008 et rien n’empêche que
le même scénario se répète à nouveau. Avec l’approche des
élections, le gouvernement sera vigilant, mais la hausse des
prix des carburants restera dans l’air.
Marwa
Hussein