Israël frappe encore
Wahid
Abdel-Méguid
Le
nombre d’universités qui accusent Israël d’Etat raciste qui
ressuscite la politique de l’apartheid ne cesse d’augmenter.
En effet, à peine quelques semaines après que des
universités britanniques eurent appelé au boycott d’Israël
au niveau académique, plus de 50 universités dans 40 pays
ont organisé Une semaine de l’apartheid israélien,
comprenant des colloques, des films et des activités
médiatiques anti-sionistes. Ceci a coïncidé avec l’annonce
de 500 artistes canadiens de leur solidarité avec le peuple
palestinien contre le racisme israélien.
Depuis
la guerre israélienne contre la bande de Gaza en 2008,
l’image d’Israël aux yeux du monde devient de plus en plus
laide. Cette question inquiète beaucoup l’Etat hébreu, bien
que rien n’ait changé dans les positions des gouvernements
occidentaux qui le soutiennent. Alors qu’Israël semble
occuper une position tout à fait confortable sur terre dans
le contexte de la faiblesse arabe et de la division
palestinienne, son image est un point faible dont il craint
les conséquences dans un avenir pouvant être proche. Il se
peut qu’Israël craigne surtout de perdre graduellement sa
force douce qui lui avait toujours permis de justifier les
attaques et les violations commises en recourant à la force.
Le
rapport du comité d’investigation de l’Onu qui s’est chargé
de la guerre de Gaza, sous la présidence de Goldestone, n’a
pas été l’unique à montrer le mécontentement sans précédent
au sein de la communauté internationale envers Israël. De
nombreux autres indices démontrent que le niveau mondial de
soutien à Israël est en baisse, alors que son image est
devenue associée à des crimes de guerre douloureux. Il ne
faut pas prendre à la légère qu’aujourd’hui, certaines
directions politiques israéliennes, et non pas seulement
militaires, craignent de se rendre dans des pays européens,
qu’ils considéraient comme des refuges et non seulement un
allié. Dans ces pays, l’opinion publique sympathise de plus
en plus avec les Palestiniens, qui sont soumis à un blocus
étranglant dans la bande de Gaza et qui sont exposés aux
feux d’une occupation qui semble sans fin.
Et
puisqu’il est difficile pour Israël de changer cette image
sombre en changeant ses politiques, il ne lui reste plus
qu’à essayer de pousser les Palestiniens vers des positions
qui nuisent à leur image. Il est vrai que la faiblesse arabe
encourage Israël à commettre encore plus de violations. Mais
il est également vrai que la crainte envers son image
négative est devenue un motif essentiel qui dirige sa
stratégie dans la gestion du conflit avec les Palestiniens.
En effet, l’objectif de l’escalade actuelle vise à pousser
les Palestiniens vers des réactions violentes qu’Israël peut
employer dans sa propagande médiatique contre les
Palestiniens.
C’est
peut-être cette conception qui constitue le fil conducteur
entre l’assassinat de Mahmoud Al-Mabhouh, le commandant au
Hamas, l’annexion de l’Esplanade des mosquée et du caveau
des patriarches à la liste du patrimoine israélien et
l’augmentation du nombre de visites effectuées par des juifs
extrémistes à la mosquée d’Al-Aqsa.
Effectivement, rien ne peut mieux aider Israël dans sa
tentative d’améliorer son image et de nuire à celle des
Palestiniens que de se concentrer sur la dimension
religieuse dans le conflit, au détriment du caractère
national et de libération de ce conflit. Le monde sympathise
avec les Palestiniens parce qu’ils luttent pour la
libération de leur patrie comme l’ont précédemment fait de
nombreux peuples, y compris des peuples européens qui
étaient tombés sous l’emprise de l’occupation nazie, bien
que leurs pays aient un long parcours colonial. De ce fait,
si Israël réussit à convaincre le monde que le peuple
palestinien lutte pour des raisons religieuses et s’il
réussit à isoler ces objectifs loin du contexte national
général de leur lutte, ceux qui soutiennent les Palestiniens
peuvent tomber dans la confusion. Israël avait déjà eu
recours à cette méthode en exploitant le recours des
Palestiniens aux bombes humaines ou opérations martyres pour
leur attribuer le caractère de terroristes et les accuser de
déclencher une guerre religieuse. De plus que quand les
Palestiniens avaient donné le nom d’« Intifada Al-Aqsa » à
leur deuxième intifada, Israël en avait profité pour
convaincre de larges catégories de la communauté
internationale que les Palestiniens luttaient pour des
causes religieuses. C’est ainsi qu’aux yeux de ceux-là, les
Palestiniens ne sont plus des victimes et l’image devient
celle de deux parties en conflit religieux et non pas d’une
partie qui occupe les territoires et opprime l’autre. Et
voilà qu’Israël tente de provoquer le Hamas pour le pousser
à sortir de l’accalmie qu’il a gardée depuis la guerre
contre Gaza. Malgré les déclarations variées des dirigeants
du Hamas après l’assassinat de Mabhouh, les médias
israéliens se sont concentrés sur l’appel de Hanieh à une
troisième intifada et sur les déclarations du président
Mahmoud Abbass mettant en garde contre l’éventualité du
déclenchement d’une guerre religieuse. Rappelons que la
deuxième intifada s’était déclenchée après l’invasion
provocante d’Ariel Sharon et de ses alliés armés de
l’Esplanade des mosquées en 2000. Et bien que cet événement
ne soit que le facteur direct qui a déclenché une colère
retenue après l’échec des négociations finales de Camp David
2, l’image qui régnait alors était celle des Palestiniens
qui se sont soulevés pour sauver Al-Aqsa, alors que peu sont
ceux qui ont compris que c’est une intifada nationale avant
tout.
Le cas
est similaire aujourd’hui. Dans chaque discours et à chaque
occasion, c’est ce que l’autorité (ou plutôt les deux
autorités), ainsi que les dirigeants et les factions doivent
dire et redire. Ce n’est pas du tout le moment de parler
d’une troisième intifada et de mettre en garde contre une
guerre religieuse. Il serait même utile que Abbass corrige
ce qu’il a dit concernant la guerre religieuse face au
Parlement belge le 23 février dernier et qu’il a répété au
cours de sa visite en Jordanie le 28 du même mois. De plus
que les dirigeants du Hamas doivent eux aussi cesser de
parler de cette troisième intifada pour ne pas faciliter la
mission israélienne de convaincre le monde que les motifs
palestiniens sont purement religieux, c’est-à-dire des
motifs antisémitistes. Et ce, dans une tentative d’améliorer
une image qui n’a jamais été aussi laide.