Al-Ahram Hebdo, Evénement | Des indépendances minées
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 10 au 16 mars 2010, numéro 809

 

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Afrique. Le bilan des 50 ans d’indépendance de la plupart des pays du continent témoigne d’un retour en force des anciennes puissances coloniales et de graves troubles politiques. Au moment l’Egypte, ancienne pionnière des mouvements de libération, ne joue plus de rôle majeur.

Des indépendances minées

2010. Année jubilé pour l’Afrique, 50 ans d’indépendance de la plupart des pays du continent qui sont célébrés. Il s’agit notamment de 17 pays, dont 14 anciennes colonies françaises. Le Cameroun, le premier, l’a fêté le 1er janvier dernier de manière un peu silencieuse. Et le 4 avril prochain ce sera le tour du Sénégal, la liste suivra avec le Togo le 27 avril, le Madagascar le 26 juin jusqu’à la Mauritanie le 28 novembre. Les célébrations devront se poursuivre, mais l’analyse et la réflexion aussi. Quel bilan de cette indépendance ? Le continent a-t-il vraiment acquis sa libération au sens propre du terme ? Et aussi qu’en est-il de l’Egypte, la première à obtenir l’indépendance officiellement en 1922 et qui fut la pionnière des mouvements de libération nationale africaine (Lire page 5) ? Maintient-elle son rôle à l’avant-garde du panafricanisme, ou au contraire, elle subit de plus en plus de reculs comme le disent la plupart des spécialistes dans ce domaine ? Certes, il faut reconnaître d’emblée un changement radical entre les années 1960 et la période actuelle. Le colonialisme, dans le sens classique du terme, face auquel se sont déroulées les guerres d’indépendance, n’existe plus. Il s’est muté en diverses formules bien différentes et plus compliquées avec l’économie comme principal moteur. La mondialisation tente, plus ou moins, de lever les barrières, mais évidemment, elle a lieu sans réelle parité. L’Occident, auquel se joint une Chine qui n’est guère celle de Mao, détient toutes les clefs en main. A cela s’ajoutent des faiblesses structurelles dans les pays africains : échecs économiques et d’autres politiques par manque de démocratie, par le retour en force du tribalisme dans plusieurs Etats et aussi par l’inefficacité des institutions qui se sont données dès le départ un rôle sauveteur mais qui, au bout du compte, n’ont pas présenté grand-chose, il s’agit de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ensuite de l’Union Africaine (UA). De plus, la croissance est jugulée par la pauvreté et les pénuries alimentaires, sans oublier les problèmes de l’eau. Un constat qui ne donne pas beaucoup d’enthousiasme 50 ans après. Mais est-ce la réalité des choses qui émerge après les rêves euphoriques des premières années ?

Un retour des puissances coloniales

Voire, il y a eu une évolution assez complexe. Si par exemple les premières années d’indépendance ont marqué une volonté d’indépendance très radicale, par la suite, il y a eu une évolution vers un retour de coopération entre certains et les anciens colonisateurs envisagés sous un autre angle. Or, même cette reprise s’est trouvée marginalisée. A titre d’exemple, l’Afrique francophone. La France n’est plus le partenaire exclusif et la figure tutélaire qu’elle est restée durant de longues décennies. Pour autant, ce vieux couple perdure, fort de ses liens passés, en quête d’une nouvelle relation. C’est Pékin qui a offert le prochain centre de conférences de l’Union africaine à Addis-Abeba. Un complexe sera discuté l’avenir du continent. Tout un symbole. L’époque Paris régnait sans rival sur son « pré-carré », principalement l’Afrique occidentale et centrale, est révolue. L’AFP cite à cet égard le journaliste Antoine Glaser, co-auteur de Comment la France a perdu l’Afrique : « Le système franco-africain était totalement intégré : politique, militaire, financier ». Et d’ajouter : « Franc CFA, interventions militaires, cooptation des dirigeants africains, réseaux occultes, chasses gardées commerciales, accès aux ressources … La France dirigeait ces pays comme des néo-colonies », poursuit Glaser.

De son côté, à partir des années 2000, l’Afrique a été de plus en plus convoitée par des puissances émergentes, Pékin en tête, pour ses richesses, notamment en pétrole.

« De relations bilatérales privilégiées post-coloniales, on est passé à une diversification de partenaires », résume Philippe Hugon, de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Selon la Documentation française, la Chine est désormais, devant la France et après les Etats-Unis, le deuxième partenaire commercial de l’Afrique les entreprises françaises gardent toujours la main dans certains domaines (barrages, câbles sous-marins).

Indépendances conditionnées

Ainsi, le politologue égyptien directeur du Centre d’études arabo-africaines du Caire, Helmi Chaaraoui, affirme que pour les années 1960, « lorsque les pays colonialistes ont craint la vague d’indépendance de cette période, ils ont donné une indépendance de pure forme aux pays africains. De Gaulle a accordé l’indépendance à 16 pays entre 1960 et 1961 ». Cette indépendance faite de liens économiques et autres n’a donc pas survécu de cette manière. En 2007, le très critiqué « discours de Dakar » du président Nicolas Sarkozy a mis en lumière le ressentiment d’une partie des Africains à l’égard de l’ex-puissance coloniale, à qui elle reprochait déjà ses restrictions en matière de visas.

Un rôle perdu du moins qui souffre de grande rivalité pour les anciens colonisateurs et des crises en série pour les pays indépendants.

Cette mainmise occidentale ou mondiale n’a guère apporté de stabilité à l’Afrique. Le continent a connu de 1960 à 1990, les trente premières années de son indépendance, 79 coups de force au cours desquels 82 dirigeants ont été tués ou renversés. En comparaison, le monde arabe, dans l’œil du cyclone depuis la découverte du pétrole, dénombre pour la même période dix-huit coups d’Etat. Instabilité réciproque.

 

L’Egypte en position difficile

C’est à l’image de la complexité du monde actuel. Mais somme toute, les rapports entre les Africains et les pays occidentaux et puis les nouveaux venus, comme la Chine, restent solides. Mais qu’en est-il de l’Egypte ? L’âge d’or est bien dépassé, celui le pays des pharaons a œuvré pour l’indépendance de l’Afrique. L’Egypte a aussi été la pionnière en matière de solidarité et d’action commune africaine (lire page 5). Le premier sommet africain a eu lieu au Caire en 1965. Une réunion qui a témoigné du lancement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Le Caire, par la suite, s’est concentré surtout sur plusieurs rassemblements régionaux dans la partie orientale du continent qui est le prolongement géographique et historique le plus proche de l’Egypte. A cet égard, il se charge du dossier agricole du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique). L’activité diplomatique est allée sur la bonne voie, mais plutôt dans la théorie. On relève les propositions égyptiennes dans les sommets de 1992 et 1994 pour résoudre la question de la dette africaine et notamment militaire afin d’assurer le rééchelonnement à des conditions plus faciles. L’Egypte a participé aux forces de maintien de la paix en Somalie dans les années 1990 dans le Darfour et au Sud Soudan. Mais ce rôle a commencé à faire face à des problèmes, en plus d’un recul général en matière de politique internationale. Le Caire semble n’avoir plus les moyens de faire face aux défis et exigences nombreuses du continent. Certains analystes parlent même d’une débâcle due à une négligence du continent. Entre autres, le fait que l’Egypte n’a même pas participé aux négociations entre le gouvernement du Soudan et le Mouvement Populaire de Libération du Soudan (MPLS) en 2005 à Nairobi. Son rôle est très faible dans la crise du Darfour en dépit du voisinage territorial du Soudan. Pour des questions tout aussi vitales que l’eau du Nil, l’Egypte souffre aussi d’une véritable incurie diplomatique. Ses négociations avec les pays du Bassin du Nil avancent à pas de tortues.

Reconnaître la réalité ?

Un recul qui a attiré à l’Egypte des accusations de certains pays africains, selon lesquelles l’Egypte a négligé l’Afrique au profit de ses relations arabes et ses rapports avec l’Occident. Mais n’est-il peut-être pas vrai que les problèmes africains ont pris une extension immense face à laquelle l’Egypte n’a pas les moyens de faire face. Il faut des armes pour résoudre les guerres civiles, des assistances pour contribuer au développement, des aides financières pour affronter les catastrophes, la technologie pour réaliser le progrès. Des domaines l’Egypte n’a pas de grandes capacités par rapport aux grandes puissances. Helmi Chaaraoui relève d’ailleurs que le rôle de l’Egypte s’est réduit, parce que nous n’avons pas d’influence au sein de l’UA et des autres rassemblements régionaux. « Même le commerce est devenu réduit. Il ne reste rien de la flotte commerciale égyptienne destinée à l’Afrique. Il ne reste que les missions et déplacements diplomatiques, ce qui est très peu », conclut-il. Des voies et des moyens restent disponibles, les intérêts des pays du Sud sont quand même solidaires.

Ahmed Loutfi
Chaimaa Abdel-Hamid

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