Bioénergie.
Alors
que le
ministère égyptien de
l’Environnement
plaide pour la culture des
plantes
comme le Jatropha et le
Jojoba afin de
produire du
biocarburant,
Wafaa
Amer,
spécialiste en
botanique,
estime qu’il
s’agit
d’une perte
d’argent, de
terre et
d’eau.
Entretien.
«
L’alternative sera
l’énergie
solaire »
Al-ahram
hebdo
: Pensez-vous
que
l’avenir est
à la
bioénergie en Egypte ?
Wafaa
Amer
:
Absolument
pas. Je
ne pense
pas que la
bioénergie résultant des
sources botaniques
soit l’une
des solutions à la
crise de
l’énergie en Egypte.
Primo, parce
que la
superficie des terrains
agricoles
est très
limitée
dans notre pays.
Et si
on pense à
cultiver le
désert, cela
exige beaucoup
d’investissements.
Secondo, le
recul des précipitations
sur la Côte-Nord
est
un fait qui menace l’élargissement
des agricultures pluviales
dans cette
zone de l’Egypte.
Tertio, on
ne peut pas
dépendre de
ces plantes
sauvages pour
produire
une source de bioénergie
en raison de la rareté des
pluies et
la limitation de leur
production. Enfin,
il y
a la limitation de la quantité
de déchets
agricoles et ceux de
l’industrialisation
agricole à
même de
produire du
bioéthanol. En fait, la
quantité
estimée par les spécialistes
est
de 33 millions de tonnes. Déjà,
les déchets
du maïs,
du blé,
du soja
et de la
lentille sont
broyés et
ajoutés aux fourrages.
Il y a aussi
des déchets qui
sont
utilisés dans
l’industrialisation
du compost (engrais
formé par le mélange
fermenté de
déchets organiques avec
des matières
minérales)
comme les déchets des
pommes de
terre. Pour
ce qui est de la
paille de
riz, la quantité
estimée est
de 3 millions de tonnes par an.
Sans oublier
qu’il
existe déjà des projets
pour la traiter et
l’exploiter.
Je veux
dire que tout
ce
qui résulte en
Egypte des
déchets agricoles
ne peut,
en aucun
cas, suffire pour
produire de la
bioénergie.
Je dois
préciser
également que
si, selon
les scénarios
prévus et
comme conséquence des
changements
climatiques, l’eau
du Nil ne
suffira pas pour
que 80 millions
d’individus
puissent boire,
je me
demande pourquoi on
l’utiliserait pour
irriguer ce
genre de plantes.
—
Mais les partisans de la culture
de ces
plantes pensent les
irriguer avec
l’eau du
drainage agricole
...
—
Même l’eau
du drainage
agricole n’est pas
durable, elle
est
menacée de
rareté parce
qu’on peut
voir à
l’horizon
une crise de
l’eau qui
poussera l’Etat
à traiter
cette eau
afin d’irriguer les
céréales et
notre alimentation. Je
dois à
cet
égard
mentionner qu’il
existe déjà des pays qui
traitent ce
genre d’eau et
utilisent
une technologie de
pointe pour
l’utiliser comme eau
potable. Citons
à titre
d’exemple la Chine, la
Tunisie et
la Palestine. L’eau
du Nil ne
va
pas nous
suffire en 2050 ou 2100.
Nous
avons
besoin d’un autre Nil.
Je pense
vraiment
que l’on
doit
réexaminer le dossier des terrains
consacrés aux
plantes de la
bioénergie
et les remplacer par le
blé, le
maïs et ce
dont nous
avons
besoin d’alimentation,
après le traitement de
l’eau. Déjà, le prix de
l’eau
va augmenter
dans les
années à
venir. Il
s’agit pour
nous de bénéficier au
maximum de chaque
goutte
d’eau pour la sécurité
alimentaire.
—
Pensez-vous
qu’il existe des
alternatives à
ce genre
d’énergie
?
—
Je pense
que
l’alternative sera l’énergie
solaire,
même si
elle
est
actuellement chère.
Mais en la
comparant à la
bioénergie (prix des terrains,
de l’eau, de la main-d’œuvre,
des engrais,
du soin
et de la
récolte ainsi
que les
usines), elle
est la plus durable, la plus
sécurisée et la plus
sûre pour
l’environnement. Il suffit
de savoir que la
quantité de
maïs utilisée pour
produire de
l’éthanol est
équivalente
à celle qui
suffit à
la consommation
d’une
personne pour un an. C’est
la raison pour laquelle le
rapport des Nations-Unies
sur
l’impact prévu
du marché
de la bioénergie menace la
sécurité
alimentaire.
—
Quels sont
les défis qui se
présentent
à la production de la
bioénergie
?
— Il y a
l’augmentation des prix des
produits
alimentaires et
du fourrage.
Pas seulement
en Egypte,
mais dans le monde
entier. A
cet
égard, je
dois
mentionner que la
production de l’éthanol aux
Etats-Unis a
eu son impact
négatif sur
plusieurs pays
dans le monde. Elle a
causé
l’augmentation des prix du
maïs au
Mexique
; de même, le prix
d’une tonne
de blé a
doublé en Egypte. La
Chine, également grand
exportateur des
céréales, a
été touchée.
Tous ces
impacts provoquent
l’augmentation de la
pauvreté et
de la faim,
notamment dans les pays
qui dépendent de
l’aide
américaine du
blé et du
maïs.
Penser à
produire de la
bioénergie aura des impacts
négatifs
sur les droits des
générations
à venir.
Nécessité oblige.
L’Egypte et
les pays du
bassin du Nil
doivent
tirer au maximum les bénéfices
de l’eau.
Ils ne
doivent pas
répondre aux pressions
étrangères qui
interviennent,
notamment de la part des pays
riverains
du Nil, pour cultiver de
larges superficies des plantes
pour la bioénergie.
Propos recueillis par
Racha
Hanafi