Politique
Réfaat
Al-Saïd,
président
du parti
du
Rassemblement, revient
sur les
défis posés par les
prochaines
présidentielles de 2011.
«
Je crains
qu’ElBaradei
ne soit
une
déception »
Al-Ahram
Hebdo
: Vous
réclamez un
nouvel amendement
constitutionnel pour
garantir des
élections
libres et transparentes
en 2011, mais le
président
Moubarak a déclaré
que ce
scrutin aura lieu en accord avec
la Constitution actuelle.
Et son fils
Gamal a
écarté l’idée
d’autres
amendements. Quelle
est votre
réaction
?
Réfaat
Al-Saïd
:
Il est normal
que la candidature aux
présidentielles
s’effectue en
fonction de la Constitution.
Mais en
fonction de quelle
Constitution ?
Une Constitution
dont les articles
ont été
modifiés pour
favoriser
une personne en
particulier,
une Constitution qui
prive
l’opposition de toute
opportunité de
participer
à ces
élections
? Je
suis
d’accord avec Gamal
Moubarak
lorsqu’il dit
que
l’actuelle Constitution est
la meilleure
qu’on ait
jamais eue,
mais cela
uniquement pour le PND, et
certainement pas pour
l’alternance
du pouvoir
en Egypte.
— Il
est
clair que
le régime n’a
aucune intention de modifier la
Constitution avant les
prochaines
présidentielles. L’opposition
a quand
même annoncé
une
conférence le 13 mars sur
la réforme
constitutionnelle.
Pourquoi
?
—
L’amendement des articles de la
Constitution qui mettent
tous les
pouvoirs entre les mains
du
président, qui permettent
de falsifier la volonté
du peuple,
qui font du
parti au pouvoir le
seul
acteur
politique
sur la scène est un
combat que
nous menons au
parti du
Rassemblement
depuis 1981.
L’obstination
du régime
n’a jamais
cassé notre
volonté et
nous
poursuivrons notre
lutte pour
une véritable
démocratie.
C’est un combat
que nous
mènerons
jusqu’au bout, c’est
pourquoi
nous avons
décidé de
nous réunir pour
étudier les
moyens de concrétiser
ce projet
de réforme
politique. Que le régime
refuse, mais
cela ne
nous
empêchera pas de poursuivre
le combat, et
l’histoire des
peuples
prouve qu’à la fin,
c’est la
volonté populaire qui
gagne,
quelle que
soit
l’intransigeance du
régime. Le
changement viendra sans
le moindre
doute.
—
Vous croyez
qu’il
viendra avant les
prochaines
élections
présidentielles ?
—
Nous le
souhaitons, évidemment.
— La
tenue de
cette conférence
sur
l’amendement constitutionnel
est
intervenue
quelques heures après la
création par
Mohamad
ElBaradei d’un comité
national pour la réforme.
Est-ce un
hasard ou
est-ce que
l’opposition
ne veut
pas laisser le champ
libre à
ElBaradei
?
— La
coalition des partis
d’opposition
existe et
travaille
sur le dossier de la réforme
politique
depuis plus de quatre
ans déjà,
c’est-à-dire bien
avant
qu’Elbaradei fasse son
apparition sur la scène
politique.
Cette conférence
est
sur notre
agenda depuis des
semaines, et
cela n’a
aucun rapport avec le front
d’Elbaradei.
—
Mais
ElBaradei a réussi
à créer
une sorte
de mouvance
politique sans précédent
depuis la
création du
mouvement
Kéfaya en 2004.
Elbaradei
n’a-t-il pas réussi
là où
vous avez
échoué
?
— La
mouvance
politique dont
vous parlez
existe
depuis longtemps
et n’a
aucun rapport avec
Elbaradei qui
veut se
présenter comme un
héros national. Le
vrai leader
c’est celui qui
est
capable de mobiliser les
gens et de les
rassembler
autour de lui.
Mais la
plupart des partisans
d’ElBaradei
sont des jeunes
internautes
appartenant à un monde
hypothétique, qui le
soutiennent par un
clic de
souris. Je
crains
qu’ElBaradei ne
soit à
la fin qu’une
déception,
un peu
comme le
mouvement Kéfaya qui a
motivé les
gens avec des slogans qui
sonnent, mais qui
n’avait
aucun plan de travail.
— La
coalition de l’opposition et le
front d’ElBaradei
œuvrent
finalement pour le même
but, celui de la
réforme
politique et de l’amendement
constitutionnel.
Pourquoi
donc refusez-vous de
coopérer avec
lui
?
—
C’est lui
qui a commencé par la rupture en
annonçant
qu’il ne
coopérera pas avec des
partis
politiques, mais avec des
groupes et
des individus.
C’est une
attitude que
je trouve
fort bizarre pour
une
personne qui prétend
être
démocrate. Il ignore le
pluralisme
politique. Je
dois
souligner que
nous sommes
d’accord
sur la nécessité
du
changement et non pas
sur la nature et le fond de
ce
changement. Oui, les
gens en ont
assez du
PND et de
ses politiques et
aspirent à
un changement,
mais cela
doit être
pour le mieux.
Autrement
dit, nous
ne sommes
pas d’accord
sur l’idée
du
changement pour le changement.
—
Quelle est
votre lecture
du
programme d’ElBaradei
pour les élections
présidentielles
? Et comment jugez-vous
sa
stratégie
?
—
Je crois
qu’il parie
sur
l’impossible. Il
veut
rassembler toutes les
tendances et
plaire à
tout le monde sans prendre en
considération les divergences
idéologiques.
C’est ce
qui s’est passé en Iran
dans les
années 1970, lorsque
tous les
courants se sont
unifiés pour porter un coup au
Shah, mais
ce changement
subit sans
fondement idéologique a
connu un
repli et a ouvert le pays
à des
conflits internes
désastreux. Le
problème
d’ElBaradei
est qu’il
est entouré
de gens de
différents bords et de
différentes
tendances. Comment tous
ces gens
peuvent-ils
s’entendre
? ElBaradei a
déclaré par
exemple qu’il
n’était pas
opposé à la
création d’un
parti sur
des bases religieuses.
Ceci
signifie-t-il qu’il
est pour un
Etat
islamique ? Et
si oui,
les gauchistes et les
libéraux qui
sont autour
de lui
seront-ils d’accord
sur cette
conception ?
C’est
ça le
problème d’ElBaradei.
Il veut
rassembler tout le monde,
mais ce
ne sera pas possible.
C’est
pourquoi je
suis
convaincu
que ce
rassemblement
autour de
lui est mort-né,
parce qu’il
manque de
cohérence et de logique.
Ensuite,
il
faut dire que
ce qu’on
ne connaît
pas d’ElBaradei
est beaucoup plus important
que ce
qu’on
connaît de lui.
Ses
conceptions politiques
sont vagues
et imprécises. A
titre
d’exemple,
il est
arrivé en
Egypte quelques
semaines après les
événements de Nag
Hammadi, sans dire un
seul mot
sur l’unité
nationale et la
citoyenneté.
Il n’a pas
commenté non plus la
discrimination contre les femmes
par le Conseil
d’Etat qui a
refusé de
désigner des femmes comme
juges. Bref,
s’il se
présente aux présidentielles,
il
devra
mettre sur la table, et
avec beaucoup de franchise, sa
politique et
ses convictions.
—
Avez-vous
l’intention de vous
présenter aux
présidentielles
?
—
Je ne
jouerai pas le
rôle de figurant. Pour disputer
de telles
élections,
il faut
avoir des
garanties de transparence,
d’équité, de chances, et surtout
une
véritable compétition
électorale.
Ce n’est pas de la
passivité
ou de l’incapacité, le
parti du
Rassemblement
seul
est capable de
présenter 20
candidats qui
auront de
bonnes chances de réussir.
Mais
il
est prématuré
d’évoquer
cette question.
Mieux
vaut
attendre.
—
Votre position vis-à-vis des
élections
législatives n’est-elle
pas encore
déterminée ?
—
Nous allons
disputer ces
élections,
parce ce
que je
pense
qu’elles seront
décisives pour la
décennie à
venir. Les
résultats de ces
élections
pourraient bouleverser la
donne
et contribuer au
changement.
—
Même si
ces
élections se déroulent
sous les
mêmes conditions que
celles de
2005 ?
—
Nous ne
devons
ni
nous retirer de la scène,
ni se
laisser dominer par la
déception.
—
Concrètement,
quelle chance a un
candidat
indépendant aux élections
présidentielles
?
—
Aucune.
Propos recueillis par May Al-Maghrabi