Entretien avec Magued Chawqi,
président de la Bourse égyptienne,dans lequel il souligne
que la nouvelle législation et les mesures de contrôle
entreprises par son administration ont réussi à la protéger
des fortes fluctuations dues à la crise monétaire
internationale.
«
D’ici quatre ans, le marché égyptien pourrait devenir un des
grands centres financiers mondiaux »
Al-Ahram
Hebdo : Les marchés boursiers arabes ont souffert d’une
extrême volatilité au cours des deux dernières années, dans
le contexte de la crise mondiale et celle de Dubaï. Quelles
sont vos prévisions de la performance de la Bourse
égyptienne cette année ?
Magued
Chawqi :
Les années 2008 et 2009 ont été difficiles, ayant fortement
frappé non seulement les échanges des marchés arabes, mais
aussi les places boursières du monde entier. Mais en dépit
de ces fortes fluctuations, des analyses approfondies
révèlent que les marchés arabes ont été les plus rapides à
se redresser. Bien que frappés par la crise mondiale à la
fin de 2008, presque tous les marchés arabes ont bien
résisté, enregistrant des hausses considérables en 2009. Ils
pourraient bien connaître un nouvel essor cette année. En
2010, le redressement du climat économique des pays
européens et des Etats-Unis sera le facteur décisif qui
indiquera le sort des marchés émergents
—
Comment évaluez-vous la performance de la Bourse égyptienne
par rapport aux autres marchés émergents d’actions ?
— Bien
que l’indice boursier égyptien ait connu une hausse de 35 %,
j’estime qu’il verra une croissance plus significative en
2010. Déjà, il a marqué un essor de 12 % au cours des 6
premières semaines de la nouvelle année. Selon les
indicateurs de Morgan Stanley, la Bourse égyptienne vient en
premier lieu ; son deuxième concurrent arabe a marqué 4 %
seulement de hausse. (La Bourse égyptienne est donc bien
placée parmi les autres marchés arabes ; elle n’a pas de
rivale).
—
Comment la Bourse égyptienne a-t-elle pu absorber l’impact
de la crise financière mondiale depuis son déclenchement ?
— La
crise révèle la puissance des marchés. C’est ainsi que
j’explique la situation particulière du marché égyptien au
cours de la crise, bien que celle-ci fût vraiment violente,
son influence n’a pu s’étendre sur la Bourse égyptienne que
pendant quelques mois. Le marché a pu récupérer son activité
de nouveau en février 2009 et se renforce depuis,
enregistrant une hausse de 83 % en 10 mois jusqu’à la fin de
l’année 2009. Cet essor de la performance boursière était
principalement dû à plusieurs mesures importantes qui ont
contribué à réduire la volatilité de la demande comme
l’application de la mesure de la séance d’exploration qui a
réduit les fortes fluctuations, empêchant ainsi
l’enregistrement de plus de limites de prix déjà appliqués.
De plus, les campagnes de promotion à l’étranger et sur le
marché local ont mis en évidence le potentiel et les chances
d’investissements disponibles. L’administration de la Bourse
a aussi fait le point sur les campagnes de sensibilisation
afin de rassurer les investisseurs terrifiés en les
encourageant à ne pas vendre leurs actions pour éviter de
nouveaux reculs de l’indice. On a aussi refusé la suspension
des échanges ou même des mesures d’intervention
administrative pour contrer le fléchissement de l’indice.
Tout cela a donné plus de confiance aux investisseurs,
notamment les étrangers. Le marché égyptien a connu, en
dépit de la crise financière internationale, une hausse
d’environ 36 % au cours de l’année précédente.
—
Comment le marché égyptien pourrait-il récupérer son
activité en 2010 malgré la poursuite du ralentissement
économique prévu par la Banque mondiale jusqu’à la fin de
l’année ?
— Le
marché a déjà récupéré une grande partie de son activité.
Permettez-moi de vous surprendre en révélant que le nombre
des transactions en 2009 ont été supérieures de 40 % par
rapport à 2008. La baisse de la valeur des échanges ne
revient pas à la baisse de l’activité boursière, mais elle
est due à la baisse des prix des actions à des niveaux qu’on
n’avait jamais connus. Je pense que l’activité va se
poursuivre et l’indice va enregistrer des hausses continues
à chaque fois que l’économie se redresse. La Banque mondiale
ainsi que le Fonds monétaire international ont estimé des
niveaux de croissance qui dépasseront les attentes.
—
Croyez-vous que l’essor relatif des marchés arabes pourrait
être un moteur de la reprise des Bourses mondiales ?
— Les
économies et les marchés émergents vont jouer un rôle
important, tout le monde est bien conscient des possibilités
offertes par ces marchés. Nous faisons de notre mieux pour
tirer partie de ce point et attirer le plus possible
d’investissements étrangers. En 2009, on a réussi à attirer
plus de 5 milliards de L.E. d’investissements étrangers, et
avec l’aide des campagnes de promotion, j’attends que 2010
rapporte plus d’investissements. D’ici 4 ans, le marché
égyptien pourrait devenir un des grands centres financiers
mondiaux.
—
Comment les accords de coopération entre la Bourse
égyptienne et les autres Bourses internationales
contribuent-ils à maintenir une position forte ?
— Depuis
mon arrivée à la tête de la Bourse, une attention
particulière a été faite à la coopération internationale.
Cela permet de se développer et de s’ouvrir au monde en
profitant de l’évolution des marchés financiers ainsi que de
suivre les normes les plus récentes et les règles régissant
les marchés ; un critère très important pour évaluer un
marché. Il nous a, en fait, permis de rejoindre la
Fédération mondiale des échanges comme le premier pays arabe
à recevoir une totale adhésion. L’Egypte a été désignée pour
être un des membres du Conseil d’administration de la
Fédération mondiale, preuve qu’elle est appréciée par la
communauté internationale. Nous avons signé en 2009 cinq
accords d’entente avec Oman, l’Iraq, Shenzhen (Chine), la
Libye et Casablanca, portant ainsi le nombre de mémorandums
de coopération signés par la Bourse à près de 25.
—
Comment la création de l’Autorité égyptienne des marchés
financiers (EFSA) peut-elle aider au développement de la
Bourse égyptienne ?
— La
création de l’Autorité de contrôle des marchés financiers
est une mesure très importante prise par le ministère de
l’Investissement pour développer le secteur financier. Elle
sera un excellent ajout concernant le cadre législatif et de
contrôle, non seulement en ce qui concerne le marché des
capitaux, mais aussi l’axe de la finance immobilière et
d’assurance. Et ce, pour atteindre notre objectif d’être un
des grands centres mondiaux de la région.
— Le
marché de gré à gré affecte beaucoup les échanges en Bourse.
Est-ce qu’il y aura une stratégie pour limiter son impact ?
— J’ai
averti plusieurs fois les investisseurs d’effectuer des
transactions sur des actions appartenant à des sociétés dont
leurs propriétaires se sont enfuis à l’extérieur du pays.
Ces investisseurs vont définitivement perdre leur argent à
cause de la forte spéculation de ce marché. Puisqu’ils
investissent leur argent dans des sociétés qui ne respectent
pas les règles de divulgation et de transparence. La
stratégie de la Bourse tend à resserrer ce marché en
réduisant la durée de l’échange d’une heure à une
demi-heure, qui commence juste après l’échange boursier
quotidien. La Bourse a également fixé la durée du règlement
des actions à 4 jours (t+4) à partir du début de 2010,
contre un règlement qui durait deux jours (t+2) à la fin de
2009. Puis, la durée du règlement s’allongera à partir
d’avril prochain à six jours (t+6). A mon avis, le seul
avantage de la présence d’un tel marché est sa capacité à
assimiler les sociétés qui n’ont pas pu s’adapter aux règles
de cotation jusqu’à ce qu’ils puissent s’ajuster.
—
Etes-vous satisfait des réalisations de la Bourse des
petites et moyennes entreprises Nilex, ou vous attendez-vous
à un rôle plus accru ?
— Un an
et demi après son lancement, la Bourse de Nilex a seulement
attiré 8 petites et moyennes sociétés pour être cotées.
L’important n’est pas l’enregistrement, mais le processus de
restructuration et de reformulation que les sociétés
familiales cotées dans Nilex ont pu entreprendre. Et ce, en
faisant un changement au niveau des membres de leur Conseil
d’administration, afin de pouvoir s’accommoder aux nouvelles
règles de cotation. Donc, par cet enregistrement au Nilex,
ces sociétés s’entraînent à réagir avec les investisseurs
sur le marché. Au début du lancement de Nilex en 2008, je ne
m’attendais pas à des échanges en Bourse. Aujourd’hui, je
peux déclarer qu’on verra en 2010 des lancements de parts de
ces sociétés pour être échangées.
— Quels
sont les nouveaux produits financiers qui seront introduits
en Bourse en 2010 ?
— Le
système de vente a découvert des actions (short selling) qui
devaient être introduites en Bourse depuis l’année 2009,
mais il aura besoin de beaucoup de temps pour pouvoir bien
couvrir tous ses aspects. Il sera prochainement introduit en
2010. Ce système dispose d’activer le mécanisme de l’emprunt
pour pouvoir acheter des actions. La crise financière a
retardé son lancement sur le marché qui n’était pas prêt à
recevoir ce nouveau système. Par contre, la Bourse, en
coopération avec l’Autorité égyptienne de surveillance
financière (EFSA), a entrepris un long parcours afin
d’activer le marché secondaire des obligations. Ces
dernières ont un rôle très important à fournir le
financement requis par les sociétés et les institutions
financières. La Bourse égyptienne a vécu pendant les années
1920 et 1930 du siècle dernier une période de gloire grâce
aux obligations lancées pour la fondation de l’aqueduc ainsi
que pour la création du tramway d’Alexandrie. Finalement, on
va introduire des contrats dérivés qui seront lancés
exceptionnellement pour promouvoir les produits agricoles.
Or, leur création aidera les paysans à connaître les prix
des produits avant même de les cultiver.
Propos recueillis par Dahlia Réda