Al-Ahram Hebdo, Idées |
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 17 au 23 février 2010, numéro 806

 

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Idées
Salon du Livre du Caire. Ibrahim Al-Moallem, vice-président de l’Union mondiale des éditeurs, et Helmi Al-Namnam, vice-président de l’Organisme général égyptien du livre, livrent leur bilan de la 44e édition.

« Il faut créer une société professionnelle indépendante pour gérer le salon »

Al-Ahram Hebdo : Comment percevez-vous l’avenir du Salon international du livre du Caire en tant qu’éditeur et vice-président de l’Union mondiale des éditeurs ?

Ibrahim Al-Moallem : Il est exagéré d’appeler cette rencontre, basée sur l’idée de salon et d’agora, d’« internationale ». Même si le Salon du livre du Caire est une véritable occasion de répondre à cette demande, il reste éloigné d’une dimension internationale. Il s’agit certes de la plus grande rencontre entre le public et le livre dans le monde arabo-musulman. Mais le ministère de la Culture se trompe de rôle. Je regrette amèrement le fait que cette occasion peine à se placer au premier rang de ce genre d’événements internationaux.

— Pourquoi, selon vous, le ministère de la Culture se trompe-t-il de rôle ?

— Le ministère de la Culture insiste à jouer un rôle comme il se doit dans la coutume démocratique et comme l’impose le contexte du XXIe siècle et la mondialisation : celui de contrôleur de la qualité du service culturel présenté aux citoyens et de régulateur du marché de l’industrie culturelle. Pourtant, il adopte la politique de l’autruche. Il veut tout faire. Le prix de cet amateurisme est d’être marginalisé, de ne plus compter dans les contextes culturels significatifs. Inutile d’expliquer que le Salon du livre devrait inclure des rencontres entre professionnels du livre, c’est-à-dire écrivains, éditeurs, bibliothécaires, documentalistes, professeurs, chercheurs, libraires ... Dans le passé, on voyait par exemple le fondateur de Gallimard, la Maison Française d’Edition, venir participer au Salon du livre du Caire. Vendre des livres au public, comme cela se fait au Salon du Caire, est important. Mais c’est une activité autre. De plus, les colloques auxquels sont invités des personnalités politiques n’ont pas beaucoup de sens.

— Dans quelle direction ce salon devrait-il évoluer pour bénéficier à l’industrie culturelle du livre ?

— Cette rencontre est aussi un marché, économiquement parlant, pour les droits d’auteurs, des créateurs et des détenteurs des droits d’auteurs. Cela permet de traduire des auteurs locaux dans différentes langues, d’intégrer les œuvres et créations du monde dans la culture locale et de partager les expériences. Sans cela, le mouvement d’échange et de partage interculturel perd son dynamisme. Aujourd’hui, le Salon du livre d’Abou-Dhabi est internationalement plus reconnu que celui du Caire, après son partenariat avec le Salon de Frankfort. Il y a quelques années, j’ai organisé une rencontre entre le ministre égyptien de la Culture et Herman P. Spuijt, le président du Salon de Frankfort. Enthousiaste, ce dernier a proposé au ministre une coopération sous la forme qui lui semblerait adéquate. Mais rien n’a été fait depuis du côté égyptien. En proposant ce partenariat, M. Spuijt a montré qu’il était conscient du potentiel du Salon du Caire. Aujourd’hui, le salon rate l’occasion d’être parmi les meilleurs.

— Le ministère égyptien de la Culture s’appuie cette année sur de nouveaux cadres plus jeunes et plus ouverts pour l’organisation du salon. Ne voyez-vous aucune amélioration ?

— Malheureusement, non. Cela n’a rien changé. Le système administratif gouvernemental ne s’appuie sur ces cadres que dans une infime mesure. Le cadre bureaucratique majoritaire manque de capacité à organiser cet événement à un niveau international. Depuis quelques années, ils dopent les chiffres de l’affluence et des participations. Il y a quelques années, le mensonge était tellement flagrant que cela est devenu comique. En déclarant que les titres des livres présentés ont atteint le nombre de 15 millions alors que la production écrite de l’humanité depuis l’invention de l’alphabet et de l’écriture n’a pas atteint ce chiffre, une erreur a été commise. Ce qui est grave, c’est qu’il est difficile de savoir s’il s’agit de mauvaise foi, d’ignorance, ou encore d’incompétence avec un chiffre choisi au hasard et qui sonne prestigieux. Dire aussi que les visiteurs dépassent le million de personnes n’a pas de sens. Certes, ils dépassent les 100 000 par jour et c’est déjà un bon chiffre. Le salon est grand par nature, il n’est pas nécessaire de gonfler ces chiffres. Donner un chiffre exact refléterait du professionnalisme.

— Quelle solution préconisez-vous ?

— Il faut donner du temps à la nouvelle équipe, mais je pense qu’il est inévitable de créer une société professionnelle indépendante pour gérer et organiser le salon, et dont le but ne serait pas la réalisation de bénéfices financiers. Elle mènerait un vrai travail d’organisation d’un salon international digne de ce nom sans pour autant écarter le soutien du ministère, s’il le faut, pour gérer les colloques, les concerts et autres rencontres. Mais surtout pour s’assurer du niveau et de la qualité du service culturel, et du bon déroulement du salon à ses différents niveaux et, pourquoi pas, développer l’esprit d’agora recréé à cette occasion, mais sur des bases liées à l’actualité du livre.

— Et à ce niveau, en quoi se trompe l’Etat ?

— Il veut faire tout à la fois. Organiser, accueillir, éditer ... Mais en fin de compte, ce travail n’est ni fait ni à refaire. Les participations internationales sont devenues étatiques. Elles se limitent aux ambassades et centres culturels étrangers au Caire et non plus aux éditeurs, écrivains et professionnels du livre des quatre coins du monde comme cela devrait avoir lieu. C’est là qu’il faut réagir. 

« Il faut préserver le caractère populaire de l’événement »

Al-Ahram Hebdo : En tant que nouveau vice-président du GEBO, quel est votre bilan du salon de cette année ?

Helmi Al-Namnam : Le bilan de cette année est plutôt positif. On a réussi à installer l’ordre et la propreté, comme on a lutté contre les marchands ambulants. Nous nous sommes engagés à donner les chiffres exacts pour en tirer des analyses précises et objectives qui reflètent la réalité de la scène culturelle égyptienne. Pour l’anecdote, j’étais parmi ceux qui ont soulevé la question des chiffres dans le passé, et je trouve cela inadmissible, mais c’est du passé. Quant à la production de l’Organisme du livre cette année, on a présenté 93 nouveaux titres, et les ventes ont beaucoup augmenté par rapport aux années précédentes. D’un autre côté, aucun livre n’a été censuré au Salon du livre.

— Mais, qu’en est-il du roman d’Idriss Ali qui semble être accusé de diffamation et atteinte à l’honneur d’un chef d’Etat ami, vraisemblablement du leader libyen, et qui remet en usage un délit banni dans le monde entier ?

— Cela est une autre question loin du salon. J’ai lu le roman, il ne mérite pas ce sort. Mais c’est l’éditeur lui-même qui a informé la police et l’a visiblement orientée pour faire appliquer ce texte de loi dans la jurisprudence égyptienne qui protège les homologues étrangers du chef de l’Etat. Cet acte — qu’on dénonce de toute façon comme tout autre acte qui limite la liberté d’expression — n’a aucune relation avec le Salon du livre.

— Que dites-vous à propos du désengagement de la participation internationale et que ce salon ne constitue pas de station internationale de partage des droits d’auteurs ?

— Cela est lié plutôt à la faible lecture des Egyptiens en langues étrangères. Cette année, le Centre culturel britannique a fermé sa bibliothèque, cela est pour l’anglais, et pour le français, on dénombre les titres des journaux et magazines en français qui ont mis les clefs sous les portes. Donc, le retour commercial de la participation internationale n’est pas garanti. D’un autre côté, les prix de ces livres venant d’Europe sont exorbitants. Imaginer que le public du Salon du livre, comme pour un salarié égyptien, puisse acheter un livre à 500 ou 600 L.E., dans le contexte économique actuel, est très optimiste et semble se rapprocher de la fiction et de l’imaginaire qu’à la réalité. En tant que détenteur des chiffres, je peux te dire que le pavillon qui a le plus de succès est celui de la bibliothèque de la famille, où le livre est vendu entre une et trois L.E., de même pour le fameux espace de bouquinistes, Sour Al-Azbekiya, en plein air, où se vendent les livres anciens et les bon marché.

— Et les espoirs d’un salon international ne se sont-ils pas dirigés vers Abou-Dhabi et d’autres foires plus dynamiques dans la région ?

— A titre d’exemple, une version de la Foire de Francfort s’est déplacée à Abou-Dhabi à la demande de l’Emirat. Dans ce genre de pays, comme en Arabie saoudite, ce sont  les universités et les institutions qui s’engagent à prendre des exemplaires des éditeurs, par nombre décimal au mieux. Mais le véritable public du livre ne peut se trouver que dans des villes où l’on compte les habitants par millions. Mais cela n’empêche que dans la région, en général, la crise de la lecture est réelle. Aux pays du Golfe, et plus au Caire, l’hégémonie de la culture orale est de plus en plus la règle. Les gens écoutent le Coran et ne le lisent pas. Avec la parabole et les chaînes satellites, la situation se rétrograde et s’empire de jour en jour. Il en faut un véritable plan pour inciter à la lecture, et cela est ce que nous sommes en train de faire.  

— L’Etat n’assume-t-il pas trop de responsabilité, sans un résultat satisfaisant pour la culture ? N’est-il pas le moment pour compter sur le secteur privé ? Que pensez-vous de l’idée d’une société indépendante pour gérer l’événement ?

— Le Salon du livre était créé par l’Etat, et je pense qu’il faut qu’il reste à l’Etat. Parce qu’il y en a dedans l’idée aussi de subventionner la culture des masses. Si le secteur privé veut organiser son événement, il n’a qu’à le faire. Il faut créer de nombreuses formes de coopération, ils ont à participer activement, par exemple, dans le programme national de la traduction. Mais le Salon représente l’Etat quand elle fête la culture, son rôle est de présenter les livres à bas prix et s’assurer de l’accessibilité du livre aux plus démunis, toutes activités autres en dépit de leurs importances restent secondaires.

Propos recueillis par Amr Zoheiri 

 




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