Iran.
Alors que les Six tentent de s’unir pour imposer de
nouvelles sanctions, Téhéran crée la surprise en affirmant
se rapprocher d’un accord sur l’échange d’uranium. Une
annonce accueillie avec scepticisme par la communauté
internationale.
Téhéran entretient les doutes
Alors
que les négociations entre l’Iran et l’Occident sont
enlisées dans un dialogue de sourds, Téhéran adopte toujours
la même stratégie axée sur les détours, les atermoiements,
les ambiguïtés et les promesses alléchantes. Objectif :
gagner du temps pour terminer son programme nucléaire.
Sentant l’épée des sanctions tout près de son cou, le régime
iranien a surpris le monde, cette semaine, en affirmant sa
disposition à se conformer aux obligations internationales
en matière nucléaire. Samedi, le ministre iranien des
Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a déclaré avoir eu
une « très bonne rencontre » avec le directeur de l’Agence
Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), Yukiya Amano,
alors que ce dernier a affirmé n’avoir reçu aucune nouvelle
proposition sur le programme nucléaire iranien au cours de
la rencontre. Devant la 46e Conférence sur la sécurité de
Munich, M. Mottaki a affirmé que l’Iran se rapprochait d’un
accord « définitif et final » qui pourra être accepté par
toutes les parties sur l’échange d’uranium. « Au regard des
discussions avec les différentes parties, je pense
personnellement que nous avons créé les conditions
favorables pour un échange dans un avenir assez proche »,
assure-t-il.
Semant
l’espoir en une solution rapide à la crise, Mahmoud
Ahmadinejad, le président iranien, a expliqué pour sa part
que la République islamique était finalement disposée à
envoyer son uranium faiblement enrichi (3,5 %) à l’étranger
pour qu’il soit transformé en combustible hautement enrichi
(20 %) pour un réacteur médical iranien. Un jeu bien ciblé
de la part du président iranien qui a promis une « bonne
nouvelle » début février. Car, en annonçant être prêt à
échanger une partie de son uranium faiblement enrichi contre
du combustible hautement enrichi, le président iranien joue
sur la corde de la division qui fissure les Six, qui, depuis
mi-janvier, peinent à se mettre d’accord sur un renforcement
des sanctions internationales, à cause de l’opposition de la
Chine.
Selon
les experts qui ne croient pourtant pas à la crédibilité des
promesses iraniennes, si Téhéran tient ses paroles cette
fois-ci, cet accord constituerait une « avancée majeure »
dans le bras de fer qui l’oppose aux pays occidentaux. En
Iran même, d’aucuns sont sceptiques quant à l’imminence d’un
tel accord. « Les Occidentaux disent : vous devez suivre la
voie que nous avons définie pour la fourniture du
combustible pour le réacteur de Téhéran, sinon nous vous
punirons », a réagi le chef du Parlement iranien, Ali
Larijani. « Mais ils savent qu’il s’agit d’une tromperie
politique et ils veulent nous enlever l’uranium enrichi par
l’Iran », a-t-il ajouté.
Soufflant le chaud et le froid comme d’habitude, le régime
iranien a sorti ses griffes une fois de plus, troublant
davantage la planète. Le président iranien veut faire preuve
de bonne volonté à résoudre la crise, mais en même temps, il
a demandé dimanche au chef de l’Organisation Iranienne de
l’Energie Atomique (OIEA), Ali Akbar Salehi, de « commencer
à produire de l’uranium enrichi à 20 % ». La veille, Téhéran
inaugurait deux sites de production de missiles. Le premier
site produit un missile sol-air baptisé Qaëm (ascension),
capable de frapper des hélicoptères ennemis. Le second
fabrique un missile antichar appelé Toufan (tempête).
Dénonçant le déploiement de missiles américains dans le
Golfe pour parer à une éventuelle attaque iranienne, l’Iran
a affirmé avoir mis au point un nouveau type de missile
sol-air capable de frapper les hélicoptères américains
Apache. « Nos ennemis ne doivent pas s’imaginer que leurs
hélicoptères Apache seraient aussi efficaces en cas
d’agression contre l’Iran qu’ils le sont en Iraq et en
Afghanistan », a menacé un responsable du Corps de gardiens
de la Révolution, le colonel Naser Arah-Begi. « Nous serions
certainement en mesure de mettre fin au pouvoir de ces
Apaches avec nos moyens », a-t-il ajouté sans donner de
précisions sur la nature de ce nouveau missile. En effet,
les Etats-Unis ont accéléré le déploiement de systèmes
antimissiles dans le Golfe afin de parer à une éventuelle
attaque iranienne dans le cadre d’un regain de tension lié
au dossier nucléaire, outre le déploiement des navires
spécialisés au large des côtes iraniennes ainsi que des
intercepteurs de missiles dans quatre pays : le Qatar, les
Emirats arabes unis, le Bahreïn et le Koweït.
Tirer
profit du désaccord sino-américain
Face aux
mille et un détours iraniens, les six puissances ont durci
le ton, appelant à des sanctions immédiates, à l’exception
de la Chine. Pour la France et son premier ministre,
François Fillon, « le moment est venu d’agir ». Le
secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, estime que
l’Iran doit s’exposer à de « fortes sanctions ». Pékin, a
contrario, juge contre-productif de parler de sanctions. Il
ne perçoit pas la menace iranienne avec la même urgence que
Washington, au moins pour protéger ses intérêts économiques
et géopolitiques en Iran. Décidés à s’unir à tout prix pour
alourdir les sanctions contre Téhéran, de hauts diplomates
des six puissances (Etats-Unis, Russie, France,
Grande-Bretagne, Chine et Allemagne) se sont à nouveau
concertés vendredi par vidéoconférence sur une attitude
commune envers Téhéran. Les diplomates ont évoqué les deux
pistes suivies à l’égard de la République islamique : la
voie diplomatique et les pressions, sans parvenir pourtant à
une décision commune.
Comme de
coutume donc, les capitales occidentales ont réagi avec
prudence à la main tendue par Téhéran et lui ont demandé de
traduire les paroles en actes. Samedi, le secrétaire à la
défense américain, Robert Gates, a dit ne pas croire à la
possibilité d’un accord prochain entre l’Iran et les
Occidentaux sur un échange d’uranium avec l’étranger. « La
réalité, c’est qu’ils n’ont rien fait pour rassurer la
communauté internationale sur le fait qu’ils sont prêts à
respecter le Traité de non-prolifération ou à arrêter de
progresser vers la fabrication d’une arme nucléaire ». Lors
de sa rencontre avec son homologue iranien Manouchehr
Mottaki en marge de la conférence de Munich, le ministre
allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a
accusé l’Iran d’« obstruction systématique » dans le dossier
nucléaire et a exigé de Téhéran des actions concrètes et non
de simples promesses.
Auparavant, Téhéran avait refusé, sans le dire clairement,
l’offre qui prévoyait le transfert à l’étranger de 1 200
kilos d’uranium, quantité minimale nécessaire pour créer une
bombe atomique. Il avait soumis une contre-offre en
proposant 400 kilos. Aujourd’hui, il revient sur sa décision,
affirmant être prêt à discuter l’offre. Entre ces « oui » et
ces « non », la communauté internationale reste pourtant les
poings liés car toutes les circonstances jouent en faveur du
régime iranien, surtout au moment où les relations entre
Washington et Pékin se sont brusquement tendues ces derniers
jours suite au contrat d’armement conclu par le gouvernement
de Barack Obama avec Taiwan. Selon les experts, Pékin
pourrait bien s’en venger en entravant un renforcement de
sanctions contre Téhéran au Conseil de sécurité de l’Onu,
revendication pressante de Washington. Une affaire à suivre,
le dossier iranien est loin d’être clos.
Maha
Al-Cherbini