Hépatite C .
D’après l’Institut national des maladies hépatiques, 10 %
des Egyptiens sont atteints du virus, soit environ 8
millions d’individus qui sont de plus en plus marginalisés.
Faire face à l’isolement
«j’ai
choisi de travailler dans un hôtel qui ne demande pas de
check-up médical avant le recrutement. Une fois, j’ai parlé
de ma maladie à mon ancien employeur pour prendre un congé
et me faire soigner, il m’a mis à la porte », se souvient
Réda, 31 ans, encore choqué par cette attitude. Réda a donc
décidé de ne plus révéler qu’il a le virus C, il préfère
plutôt garder ce secret pour lui.
« C’est rare de trouver un hôtel 5 étoiles qui accepte
d’embaucher une personne sans lui demander des analyses de
sang. Car certaines maladies comme l’hépatite C nécessitent
un long traitement, ce qui n’arrange pas les employeurs »,
dit-il. Réda a décidé d’arrêter de se faire soigner car
n’importe quel employeur privé refuse de recruter ou de
prendre en charge un malade atteint d’hépatite C. « Je suis
pleinement conscient des conséquences de ma décision. C’est
vrai que si mon cas s’aggrave, je risque dans quelques
années de ne plus pouvoir supporter la maladie, mais ce qui
compte pour le moment c’est de subvenir aux besoins de ma
famille », ajoute-t-il.
Réda est marié. Il a deux enfants à sa charge et ses parents
sont âgés. En Egypte, il n’est pas le seul à devoir
supporter les conséquences de cette maladie. Des millions
d’Egyptiens souffrent à cause de l’hépatite C.
Cette semaine, une décision du Parquet a privé un papa de la
garde de sa fille en la confiant à sa mère remariée. Alors
que la loi donne ce droit de garde au père en cas de
remariage de l’ex-épouse. Mais celle-ci a présenté un
document prouvant qu’il était atteint d’hépatite C. Un fait
qui démontre une certaine ignorance par rapport à cette
maladie.
Les personnes atteintes du virus C se sentent de plus en
plus marginalisées et même incapables de profiter de leurs
droits les plus élémentaires. « Priver l’un des conjoints de
son enfant parce qu’il est atteint de l’hépatite C est
inacceptable. Il aurait été plus approprié de le faire à
l’époque où la tuberculose faisait rage et que la contagion
était bien plus facile », explique Dr Hicham Al-Khayat,
vice-président de l’association Les Nouveautés en matière
des maladies hépatiques et digestives.
D’après Al-Khayat, il est
tellement simple d’éviter la contagion, surtout lorsqu’on
vit sous un même toit. Il suffit d’avoir sa propre
serviette, sa paire de ciseaux, son rasoir et sa brosse à
dents. Et vivre avec un malade atteint du virus C ne pose
aucun problème, puisque à l’origine, chacun dispose de son
couvert. Malheureusement, beaucoup de gens éprouvent des
difficultés à vivre avec l’hépatite C.
Zeinab, femme de ménage, a perdu graduellement son
travail à partir du moment où la famille qui l’employait a
appris sa maladie. Au début, elle s’occupait de la cuisine.
Mais après avoir appris la nouvelle, la maîtresse de la
maison l’a chargée du repassage pour éviter qu’elle soit en
contact avec la nourriture. Quelques mois plus tard, cette
famille lui a fait comprendre qu’elle ne pouvait plus
continuer à travailler pour elle. Et comme le père de cette
famille était un homme charitable, il lui a conseillé de
rester chez elle tout en lui envoyant son salaire de 1 500
L.E. chaque fin de mois. « Les gens confondent entre A et C.
La première est contagieuse si on utilise le même couvert
que le malade (assiette, verre, fourchette, cuillère,
couteau, etc.) », précise le Dr Gamal
Chiha, président de l’Association de la surveillance
des malades du foie. Et d’ajouter que même la contagion due
à l’hépatite A n’arrive que rarement.
Malheureusement, nombreux sont ceux qui prennent des
distances vis-à-vis des malades atteints de l’hépatite C,
craignant d’être contaminés. « Lorsque mon beau-frère vient
pour déjeuner ou dîner à la maison, je javellise tous les
couverts en faisant la vaisselle », dit
Nagwa qui sait pourtant qu’il y a peu de risque de
contagion par rapport à l’hépatite C. A cet égard, le Dr
Chiha pense que les gens
manquent de connaissance médicale. Il précise que l’hépatite
C ne se transmet pas à travers l’air ambiant.
Ismaïl, jeune médecin, qui travaille dans une société
pétrolière, a découvert sa maladie en faisant un check-up
pour aller travailler en Arabie saoudite. « J’ai été
contaminé en faisant quelques points de suture à un ouvrier
qui s’était blessé en travaillant. Une erreur d’inattention
de ma part m’a coûté bien cher, l’aiguille m’a piqué »,
relate ce médecin. Le rêve de partir à l’étranger pour
améliorer ses conditions de vie s’est évaporé.
En fait, c’est au début des années 1990 que les pays du
Golfe ont décidé que les travailleurs étrangers désirant
travailler sur leur territoire doivent présenter un
certificat de santé qui prouve qu’ils ne sont atteints ni du
sida ni de l’hépatite C. Une décision qui a privé des
milliers d’Egyptiens de l’opportunité d’améliorer leurs
conditions de vie. Et même en Egypte, Ismaïl se sent un peu
isolé. « Je sens que ma femme a peur d’être contaminée car à
chaque fois que je me rase, elle évite de m’embrasser sur le
visage », explique-t-il. Ismaïl ne cache pas que ce
comportement le vexe, mais il affirme qu’il est obligé de
prendre quelques précautions. Lui-même fait très attention
quand il joue avec ses deux enfants jumeaux âgés d’un an et
demi : « Je ne me sens jamais à l’aise lorsque je joue avec
mes enfants. J’ai peur que l’un d’eux me griffe, et là, ce
serait la catastrophe si mon sang venait à souiller l’un
d’eux ».
En effet, c’est un fardeau supplémentaire sur les épaules
d’un père malade. Et être atteint d’une hépatite C peut
aggraver la situation au sein d’une famille. Ce fut le cas
pour Hassan, originaire du Delta. Sa tante a accepté de le
recevoir au Caire afin qu’il prépare son dossier de
recrutement à la Société des entrepreneurs arabes. Hassan a
découvert qu’il était atteint du virus C en faisant ses
analyses de sang et il a tenu à dire à ses proches qu’en
raison de cette contamination, il n’allait probablement pas
être recruté dans cette société. « Du coup, mon cousin ne
voulait plus dormir dans la même chambre que moi et ma tante
a commencé à me servir mes repas à part », dit Hassan qui a
reçu plusieurs chocs à la fois. Non seulement il avait perdu
sa chance de travailler, mais en plus il a appris qu’il
était malade et ses proches ne comprenaient pas ce qu’est
une hépatite C. Cette situation a poussé Hassan à cacher à
sa dulcinée le fait qu’il est malade, craignant d’essuyer un
refus de sa part. Se taire est donc devenu la règle d’or
chez certains patients de l’hépatite pour éviter les
mauvaises surprises. Et certains malades qui désirent guérir
rapidement et retrouver leur place dans la société tombent
malheureusement entre les mains de charlatans. « J’étais
comme ce noyé qui cherchait à tout prix à être secouru pour
effacer rapidement les traces de la maladie, je me suis
dirigé vers un médecin qui a prétendu me soigner en deux
mois », souligne Tareq qui a été
victime d’escroquerie. Ce soi-disant médecin lui a pris 3
000 L.E. et il n’a pas été guéri.
D’après Dr Khaled Montasser,
dermatovénérologue et
présentateur d’une émission médicale sur la chaîne
Dream, il faut commencer à
sensibiliser la société autour de cette maladie. Créer une
chaîne médicale qui explique la réalité de la maladie et ses
dimensions pourrait être la bonne solution. « Inclure dans
le programme scolaire des leçons sur la maladie serait
souhaitable », conclut-il, tout en mettant l’accent sur
l’importance de lancer une campagne médiatique sur les
droits de ces malades de plus en plus marginalisés.
Dina
Ibrahim