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 Semaine du 22 au 28 décembre 2010, numéro 850

 

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Société

Hépatite C . D’après l’Institut national des maladies hépatiques, 10 % des Egyptiens sont atteints du virus, soit environ 8 millions d’individus qui sont de plus en plus marginalisés.

Faire face à l’isolement

«j’ai choisi de travailler dans un hôtel qui ne demande pas de check-up médical avant le recrutement. Une fois, j’ai parlé de ma maladie à mon ancien employeur pour prendre un congé et me faire soigner, il m’a mis à la porte », se souvient Réda, 31 ans, encore choqué par cette attitude. Réda a donc décidé de ne plus révéler qu’il a le virus C, il préfère plutôt garder ce secret pour lui.

« C’est rare de trouver un hôtel 5 étoiles qui accepte d’embaucher une personne sans lui demander des analyses de sang. Car certaines maladies comme l’hépatite C nécessitent un long traitement, ce qui n’arrange pas les employeurs », dit-il. Réda a décidé d’arrêter de se faire soigner car n’importe quel employeur privé refuse de recruter ou de prendre en charge un malade atteint d’hépatite C. « Je suis pleinement conscient des conséquences de ma décision. C’est vrai que si mon cas s’aggrave, je risque dans quelques années de ne plus pouvoir supporter la maladie, mais ce qui compte pour le moment c’est de subvenir aux besoins de ma famille », ajoute-t-il.

Réda est marié. Il a deux enfants à sa charge et ses parents sont âgés. En Egypte, il n’est pas le seul à devoir supporter les conséquences de cette maladie. Des millions d’Egyptiens souffrent à cause de l’hépatite C.

Cette semaine, une décision du Parquet a privé un papa de la garde de sa fille en la confiant à sa mère remariée. Alors que la loi donne ce droit de garde au père en cas de remariage de l’ex-épouse. Mais celle-ci a présenté un document prouvant qu’il était atteint d’hépatite C. Un fait qui démontre une certaine ignorance par rapport à cette maladie.

Les personnes atteintes du virus C se sentent de plus en plus marginalisées et même incapables de profiter de leurs droits les plus élémentaires. « Priver l’un des conjoints de son enfant parce qu’il est atteint de l’hépatite C est inacceptable. Il aurait été plus approprié de le faire à l’époque où la tuberculose faisait rage et que la contagion était bien plus facile », explique Dr Hicham Al-Khayat, vice-président de l’association Les Nouveautés en matière des maladies hépatiques et digestives.

D’après Al-Khayat, il est tellement simple d’éviter la contagion, surtout lorsqu’on vit sous un même toit. Il suffit d’avoir sa propre serviette, sa paire de ciseaux, son rasoir et sa brosse à dents. Et vivre avec un malade atteint du virus C ne pose aucun problème, puisque à l’origine, chacun dispose de son couvert. Malheureusement, beaucoup de gens éprouvent des difficultés à vivre avec l’hépatite C. Zeinab, femme de ménage, a perdu graduellement son travail à partir du moment où la famille qui l’employait a appris sa maladie. Au début, elle s’occupait de la cuisine. Mais après avoir appris la nouvelle, la maîtresse de la maison l’a chargée du repassage pour éviter qu’elle soit en contact avec la nourriture. Quelques mois plus tard, cette famille lui a fait comprendre qu’elle ne pouvait plus continuer à travailler pour elle. Et comme le père de cette famille était un homme charitable, il lui a conseillé de rester chez elle tout en lui envoyant son salaire de 1 500 L.E. chaque fin de mois. « Les gens confondent entre A et C. La première est contagieuse si on utilise le même couvert que le malade (assiette, verre, fourchette, cuillère, couteau, etc.) », précise le Dr Gamal Chiha, président de l’Association de la surveillance des malades du foie. Et d’ajouter que même la contagion due à l’hépatite A n’arrive que rarement.

Malheureusement, nombreux sont ceux qui prennent des distances vis-à-vis des malades atteints de l’hépatite C, craignant d’être contaminés. « Lorsque mon beau-frère vient pour déjeuner ou dîner à la maison, je javellise tous les couverts en faisant la vaisselle », dit Nagwa qui sait pourtant qu’il y a peu de risque de contagion par rapport à l’hépatite C. A cet égard, le Dr Chiha pense que les gens manquent de connaissance médicale. Il précise que l’hépatite C ne se transmet pas à travers l’air ambiant.

Ismaïl, jeune médecin, qui travaille dans une société pétrolière, a découvert sa maladie en faisant un check-up pour aller travailler en Arabie saoudite. « J’ai été contaminé en faisant quelques points de suture à un ouvrier qui s’était blessé en travaillant. Une erreur d’inattention de ma part m’a coûté bien cher, l’aiguille m’a piqué », relate ce médecin. Le rêve de partir à l’étranger pour améliorer ses conditions de vie s’est évaporé.

En fait, c’est au début des années 1990 que les pays du Golfe ont décidé que les travailleurs étrangers désirant travailler sur leur territoire doivent présenter un certificat de santé qui prouve qu’ils ne sont atteints ni du sida ni de l’hépatite C. Une décision qui a privé des milliers d’Egyptiens de l’opportunité d’améliorer leurs conditions de vie. Et même en Egypte, Ismaïl se sent un peu isolé. « Je sens que ma femme a peur d’être contaminée car à chaque fois que je me rase, elle évite de m’embrasser sur le visage », explique-t-il. Ismaïl ne cache pas que ce comportement le vexe, mais il affirme qu’il est obligé de prendre quelques précautions. Lui-même fait très attention quand il joue avec ses deux enfants jumeaux âgés d’un an et demi : « Je ne me sens jamais à l’aise lorsque je joue avec mes enfants. J’ai peur que l’un d’eux me griffe, et là, ce serait la catastrophe si mon sang venait à souiller l’un d’eux ».

En effet, c’est un fardeau supplémentaire sur les épaules d’un père malade. Et être atteint d’une hépatite C peut aggraver la situation au sein d’une famille. Ce fut le cas pour Hassan, originaire du Delta. Sa tante a accepté de le recevoir au Caire afin qu’il prépare son dossier de recrutement à la Société des entrepreneurs arabes. Hassan a découvert qu’il était atteint du virus C en faisant ses analyses de sang et il a tenu à dire à ses proches qu’en raison de cette contamination, il n’allait probablement pas être recruté dans cette société. « Du coup, mon cousin ne voulait plus dormir dans la même chambre que moi et ma tante a commencé à me servir mes repas à part », dit Hassan qui a reçu plusieurs chocs à la fois. Non seulement il avait perdu sa chance de travailler, mais en plus il a appris qu’il était malade et ses proches ne comprenaient pas ce qu’est une hépatite C. Cette situation a poussé Hassan à cacher à sa dulcinée le fait qu’il est malade, craignant d’essuyer un refus de sa part. Se taire est donc devenu la règle d’or chez certains patients de l’hépatite pour éviter les mauvaises surprises. Et certains malades qui désirent guérir rapidement et retrouver leur place dans la société tombent malheureusement entre les mains de charlatans. « J’étais comme ce noyé qui cherchait à tout prix à être secouru pour effacer rapidement les traces de la maladie, je me suis dirigé vers un médecin qui a prétendu me soigner en deux mois », souligne Tareq qui a été victime d’escroquerie. Ce soi-disant médecin lui a pris 3 000 L.E. et il n’a pas été guéri.

D’après Dr Khaled Montasser, dermatovénérologue et présentateur d’une émission médicale sur la chaîne Dream, il faut commencer à sensibiliser la société autour de cette maladie. Créer une chaîne médicale qui explique la réalité de la maladie et ses dimensions pourrait être la bonne solution. « Inclure dans le programme scolaire des leçons sur la maladie serait souhaitable », conclut-il, tout en mettant l’accent sur l’importance de lancer une campagne médiatique sur les droits de ces malades de plus en plus marginalisés.

Dina Ibrahim

 




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