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 Semaine du 22 au 28 décembre 2010, numéro 850

 

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Opinion

L’autre Soudan
Abdel-Moneim Saïd

Ce n’est un secret pour personne que le Soudan se trouvera confronté à un tournant historique décisif dans les quelques semaines qui viennent, précisément le 9 janvier 2011, date du référendum sur l’autodétermination pour les Sudistes. L’autodétermination est l’une des clauses fondamentales de l’Accord de paix global signé entre le gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de la libération du Soudan à Naivasha au Kenya en 2005. Les deux parties s’étaient entendues à accorder aux Sudistes le droit à l’autodétermination par le biais d’un vote pour l’union du Soudan ou pour la séparation du Sud. Le vote pour l’indépendance donnera naissance à un Etat sudiste souverain avec un nom, un hymne national, un drapeau, une armée, une monnaie, des ambassades à l’étranger et une adhésion aux Nations-Unies et aux organisations internationales et régionales.

Tous les indices portent à croire que les Sudistes opteront pour la séparation et diront que les Nordistes n’ont rien fait pour faire prévaloir l’unité du Soudan. D’une certaine manière, le Mouvement populaire pour la libération du Soudan s’est totalement investi pour créer cet Etat du Sud, avec tout ce qui en découle, y compris les intérêts et les relations internationales, les influences à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils ont fait en sorte que la partition soit leur lot et leur destin. Dès le départ, il y avait une tendance de la part du mouvement des Frères musulmans à se débarrasser du Sud qui, à leurs yeux, entrave l’islamisation fondamentale et rigoriste de l’Etat. Un rêve longtemps caressé par les esprits des groupes fascistes, amateurs des unités politiques « pures » réunissant exclusivement une ethnie, une religion ou une idéologie. Ce qu’ils détestent le plus c’est cette diversité qui réunit en son sein musulmans et non musulmans, ou même des musulmans de différentes ethnies.

Pour être plus précis, je dirais que nos frères sudistes sont sur le point de faire face à la naissance d’un vide stratégique énorme engendrant des tourbillons susceptibles de changer les choses de fond en comble. Le vide stratégique est une situation où le pouvoir, qui maintient l’équilibre et qui gère l’état de coalition et d’animosité, est absent.

Nous ne savons probablement pas ce qui adviendrait dans le Nord-Soudan après le référendum et la séparation. Il est certain qu’un acteur politique donné devra payer le prix, surtout que tout pouvoir politique est appelé à préserver l’intégration économique de l’Etat. Car c’est bien là que réside l’essence de la sécurité de l’Etat. C’est une réalité que l’on ne retrouve pas dans l’agenda des Frères musulmans, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, chez ceux qui sont toujours au pouvoir ou ceux qui l’ont abandonné. De même, personne ne peut prévoir les événements qui auront lieu dans le Sud entre les différentes tribus qui connaîtront le pouvoir et l’Etat pour la première fois, et qui sont contrôlés par un mouvement politique qui n’avait pas pour vertu la tolérance et qui ne dispose que de l’unique ressource de l’Etat, à savoir le pétrole, soit 98 % du revenu du nouvel Etat.

Bien entendu, nous ne savons pas encore comment se dérouleront les choses entre les deux Etats, d’autant plus que de nombreux dossiers restent en suspens. Le Nord qui souffrira de douleurs au terme de cette opération « chirurgicale » pour la séparation politique et économique aura à affronter des pressions sur des questions, telles que la région d’Abyei. Les Nordistes voient d’un mauvais œil les coalitions conclues par le Sud avec des puissances étrangères et qui lui ont permis d’obtenir ce qu’il ne devait pas obtenir. Le Sud, de son côté, ne trouvera aucun inconvénient à blâmer le Nord pour tout ce qui est arrivé. Ce Sud vivra les calvaires d’un Etat dépourvu des fondements modernes et qui a réuni des réfugiés venus de tous bords. Ceux-ci se demanderont toujours si les cérémonies de célébration de l’indépendance seraient à elles seules suffisantes pour dissiper la douleur de vivre dans des camps de réfugiés.

Ce qui complique davantage la situation est que le Soudan est un pays très pauvre, classé n° 154 sur 169 sur la liste du développement humain de 2010 publiée par le PNUD.

Le vrai problème est que la partition et la nouvelle naissance des deux Etats ont lieu dans un climat d’extrême pauvreté, de violence et de propagation d’armes, résultant de nombreuses guerres civiles, au Sud, comme dans l’Est et l’Ouest. Ceci outre les guerres avec le Tchad et les tensions qui seront exacerbées par le séisme soudanais.

Il est possible que le Nord et le Sud puissent réaliser un transfert pacifique du pouvoir et donner naissance à deux Etats voisins coopératifs pour leurs intérêts communs et qu’ils puissent bénéficier des expériences des pays ayant connu la division après une union de longue date. Mais ce scénario n’est pas vraiment envisageable à la lumière de la situation au Soudan et de son arrière-plan de pauvreté, de pressions internes et externes et de règlement de comptes politiques. L’autre scénario prévoit une ingérence internationale. En d’autres termes, une tutelle internationale s’impose pour que les conditions de vie du nouveau-né soient acceptables. Mais qui dans le monde payera le prix de cette nouvelle situation au Soudan, surtout avec une économie mondiale en récession, des Etats-Unis sous le poids de la crise mondiale, et une Chine, un Japon et une Russie parlant d’un rôle mondial sans qu’aucun d’eux ne soit prêt à payer un seul dollar ou à sacrifier un soldat ? L’Europe, quant à elle, ainsi que les Etats-Unis ne sont pas disposés à s’engager dans des méandres politiques, à la suite du chaos de l’Iraq et de l’Afghanistan.

Doit-on faire assumer tout le fardeau à la Ligue arabe pour gérer cette opération soudanaise avec les moyens de bord dont dispose son secrétaire général Amr Moussa ? D’autant plus que la Ligue arabe, depuis sa création, a toujours été noyée jusqu’au cou dans la cause palestinienne et qu’elle investit le reste de son temps à peine à la réconciliation libanaise ou palestinienne ou autres réconciliations du Machreq arabe.

Je crois que l’Egypte est le pays le mieux placé pour mener à bien la question soudanaise. Il est vrai qu’il y a des susceptibilités et que les options sont difficiles et fatales au sens propre du terme. Dans ce cas-là, la mission ne relève pas uniquement de l’Egypte en tant qu’Etat, mais de toutes les forces responsables devant mettre en avant la pensée et la politique nécessaires à une réalité complexe.

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