Iraq .
Les tractations sur la formation du nouveau gouvernement
prennent plus de temps que prévu. Le retard est la
conséquence de litiges persistants quant à l’attribution des
postes.
La guerre des portefeuilles
La
formation du nouveau gouvernement
iraqien sera retardée, a prévenu le premier ministre
Nouri Al-Maliki.
Il s’agit d’un conflit entre les différents camps sur le
partage des postes de la sécurité. Chaque camp revendique
les mêmes ministères-clés concernés de sécurité et aussi les
vice-premiers ministres. « Déjà, le camp de
Allaoui voit qu’il a présenté
beaucoup de concessions et en revanche, il doit prendre plus
de privilèges. De l’autre côté, le camp de
Maliki ne veut rien céder pour
pouvoir diriger le nouveau gouvernement facilement »,
explique le Dr Mohamad Abdel-Qader,
analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques
(CEPS) d’Al-Ahram. Avis partagé
par des responsables iraqiens
qui ont participé aux réunions de la formation du
gouvernement et qui racontent que ces différends ont
perpétué les idées de Maliki. En
effet, ce dernier a prévenu dès le début de la semaine qu’il
annoncerait son nouveau gouvernement le lundi 20 décembre,
mais les discussions l’ont obligé à reporter l’annonce de
son gouvernement. « L’agenda de la séance d’aujourd’hui ne
prévoit pas de présentation du gouvernement », a indiqué
lundi pour sa part Omar Al-Machhadani,
porte-parole du président du Parlement Oussama Al-Noujaifi.
Ainsi, l’attribution de nombreux portefeuilles fait l’objet
d’âpres discussions. Des déclarations partagées par
plusieurs députés présents au sein du Parlement
iraqien. Selon Khaled Al-Assadi,
un député proche de Nouri Al-Maliki
: « Seulement la moitié des ministres ont été choisis
jusqu’à présent. Les trois ministères chargés de la sécurité
et peut-être les trois vice-premiers ministres ne seront pas
annoncés aujourd’hui ». « Il n’y a pas d’accord jusqu’à
présent car les groupes politiques réclament tous les mêmes
postes », a-t-il souligné. « La cause du retard tient à des
litiges au sein du bloc Iraqiya
et au sein de l’Alliance nationale (de
Maliki) concernant l’attribution des portefeuilles
ministériels », a expliqué Ahmad Al-Oraibi,
député membre du bloc interconfessionnel
Iraqia, soutenu par les
sunnites.
En premier lieu, le premier ministre
Maliki a voulu annoncer son gouvernement, dont il
dirigera par intérim les trois ministères chargés de la
sécurité, en dépit d’accusations dont il fut l’objet
concernant sa mainmise sur ce secteur. Il voulait occuper
ces fonctions dans l’attente de la nomination des ministres
de l’Intérieur et de la Défense et du secrétaire d’Etat à la
sécurité nationale. Le retard dans ces nominations
s’explique par le caractère névralgique de ces postes, dont
les titulaires doivent faire l’objet d’un consensus. « Pour
éviter la politisation de ces postes, ce ne sont pas les
partis qui présentent leurs candidats, mais c’est le premier
ministre qui doit obtenir auprès d’eux un consensus sur son
choix », a détaillé Al-Machhadani.
A cet égard, Maliki, qui se
targue d’avoir rétabli l’ordre dans le pays en mettant au
pas les miliciens chiites et en frappant durement
Al-Qaëda, a souvent été accusé
par ses adversaires de contrôler directement les services de
sécurité sans se référer au cabinet.
En tout cas, il est certain que le premier ministre a
jusqu’à samedi prochain pour former son cabinet selon la
Constitution. Pour sa part, l’Alliance kurde ne participera
pas au gouvernement tant que M. Maliki
n’aura pas avalisé les contrats signés par la région
autonome kurde avec les compagnies pétrolières. Une décision
qui était négociée avec Maliki.
42 ministres et secrétaires d’Etat
Au côté du premier ministre, le nouveau gouvernement devrait
compter 42 ministres et secrétaires d’Etat, soit
sensiblement le même nombre que le gouvernement précédent.
Parmi ces 42, trois vice-premiers ministres appartenant à
l’Alliance Nationale (AN, regroupement des formations
religieuses chiites dont celle de M.
Maliki), à la liste laïque
Iraqiya et au bloc kurde. L’AN, qui occupe 159 des
325 sièges du Parlement, aura 17 ministères et secrétariats
d’Etat. La liste Iraqiya de
l’ancien chef du gouvernement Iyad
Allaoui (91 députés) en aura 9,
les partis kurdes, qui disposent de 57 sièges, en auront 7,
Wassat qui regroupe des sunnites
et des laïcs (10 députés) n’aura droit qu’à un ministre,
tout comme les minorités (8 sièges). Selon un membre d’Iraqiya,
il a précisé que son bloc occupera les portefeuilles des
Finances, de l’Education, de l’Agriculture, des
Communications et de l’Electricité et de l’Industrie. L’AN
sera en charge du Pétrole, de la Justice, des Ressources
hydrauliques et du Transport. Les Kurdes devraient garder
les Affaires étrangères et prendre aussi la Santé et le
Commerce, Wassat s’occupera des
Sciences et de la Technologie, et un chrétien devrait
s’occuper de l’Environnement.
L’Iraq est sans gouvernement depuis les élections
législatives du 7 mars, qui n’ont pas dégagé de majorité
claire. Après des mois de tractations acharnées, un accord
de partage du pouvoir a finalement été conclu le 10 novembre
entre les grandes trois communautés d’Iraq : chiites,
sunnites et Kurdes. Selon cet accord,
Maliki, qui est chiite, a été reconduit pour un
second mandat à la tête du gouvernement, tandis que Jalal
Talabani, un Kurde, a été maintenu à la présidence de l’Etat
et qu’Ossama Al-Noudjaifi,
sunnite, a été nommé président du Parlement.
L’ancien premier ministre Iyad
Allaoui, dont le bloc
interconfessionnel Iraqiya a
obtenu le plus grand nombre de sièges aux législatives (91),
a réaffirmé qu’il participerait au nouveau gouvernement
formé par Maliki. Auparavant,
Allaoui a annoncé qu’il ne
participerait pas à un gouvernement formé par
Maliki. En effet, la décision de
Allaoui, prise après plusieurs
semaines de tergiversations, lève un obstacle potentiel dans
les négociations près et longues entre les blocs chiites,
sunnites et kurdes pour mettre sur pied une nouvelle
coalition de gouvernement. Elle pourrait contribuer à éviter
un nouveau bain de sang en Iraq, d’où les troupes
américaines doivent se retirer totalement d’ici la fin 2011.
Allaoui souhaitait initialement
ravir le poste de premier ministre à
Maliki. Et il avait averti que toute tentative de
marginaliser son bloc risquait de relancer une insurrection
affaiblie, mais encore en mesure de porter des coups
mortels. Washington, tout comme les pays sunnites arabes
voisins de l’Iraq, ont à cœur de voir le bloc de
Allaoui représenté au
gouvernement. Ainsi, il exerce plus de pression sur
Maliki pour lui céder certains
postes de la sécurité.
Pour réaliser leur souhait, les deux principaux rivaux,
Maliki et
Allaoui, se sont rencontrés samedi dernier pour la
seconde fois en une semaine. « La principale question que
nous avons abordée est la manière de construire l’Etat. Nous
avons également discuté de la formation du gouvernement », a
dit pour sa part M. Allaoui.
Maha
Salem