Récompenses
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Le prix du 5e Forum du roman arabe est allé au Libyen
Ibrahim Al-Kouny, alias
l’écrivain du Sahara. Il se montre plus que jamais conforme
à ses principes d’un écrivain ascète.
Le Fakir du désert est primé
Annoncer
le prix du roman arabe, allant au grand écrivain Ibrahim Al-Kouny,
n’a pas mis fin à l’atmosphère de suspense et d’attente qui
l’avait précédé. La nomination n’ayant pas été divulguée que
lors de la soirée même, le public du roman était resté
perplexe entre 23 différents noms arabes, une fois le prix
annoncé, les balbutiements ne cessent de se propager,
surtout lorsque Al-Kouny annonce
qu’il consacre le prix de 100 000 L.E. (12 000 euros) aux
enfants des Touaregs du Mali et du Niger. A la stupeur de
tous avec des insinuations dans les coulisses « et pourquoi
ces deux pays ? ». En fait, Ibrahim Al-Kouny
s’est montré fidèle à ses propres convictions.
Dans son allocution, au cachet à la fois poétique et
philosophique, témoignant de ce goût profond au «
renoncement » et à l’hermétique, il a dit : « Est-ce que la
fortune du monde pourrait-elle être l’amulette servant à
soigner le mal causé par l’existence dans ce même monde ? ».
Son allocution alors intitulée Des Martyrs encore en vie,
désignant non seulement l’intellectuel mais aussi notre
condition humaine en général.
Après une introduction sur l’essence de la créativité dans
cette partie du monde et de la liberté, Al-Kouny
rappelle qu’en 2002, en recevant à Paris le prix de l’amitié
franco-arabe, il a demandé au comité de dédier la valeur du
prix pour soutenir les causes arabes : « Je vous supplie
aujourd’hui de dédier la valeur de ce prix arabe au soutien
des enfants du Mali et du Niger, parce qu’ils représentent
la génération privée même de l’eau. Qu’en serait-il de la
nourriture, des soins médicaux et de l’enseignement ? ».
Sans laisser son acte aux vents des interprétations, il
précise : « Je pense que c’est un acte qui n’est pas vide de
significations symboliques : sur cette terre noble, qui
était la Mecque de la nation de l’émigration depuis des
millénaires, l’ancêtre de ces enfants, le militant Mohamad
Ali Al-Ansari, a lancé son fameux appel au sein de
l’Association internationale des travailleurs ou première
internationale, invitant la conscience mondiale à mettre fin
au drame des Touaregs en 1864 ». La seule signification
capable de sauver la conscience de l’écrivain créateur est
de le transformer d’une simple proie en un prophète
apportant le salut qui triomphe pour les siens, construit un
édifice pour les faibles et unifie les cultures.
Quelle que soit la valeur du prix, en l’attribuant aux
enfants du Sahara, Al-Kouny
reste intègre, fidèle à l’univers du désert qu’il a glorifié
dans son œuvre pour plus de 45 ans. Le désert, décrit comme
un monde de mystères qui infante sa propre mythologie et sa
propre sagesse, revêt dans l’œuvre d’Al-Kouny
un aspect identitaire et culturel. L’écrivain privilégie
dans son univers cette minorité humaine qui vit loin des
codes établis dans les cités. Que ce soit dans
Nazif al-hagar
(le saignement de la pierre) ou Al-Tibr
(poussière d’or) entre autres, c’est le lieu infini,
central, le premier lieu, là où les lois tribales dictent
les devenirs. Et voilà que le « Fakir » du roman reçoit le
prix après cinq ans en tête de liste du Prix du roman arabe
décerné par le Conseil suprême de la culture égyptien, après
son homologue, écrivain du désert également, le Saoudien
Abdel-Rahman Mounif, l’Egyptien
Sonnallah Ibrahim, qui l’a
refusé pour des raisons politiques, le Soudanais Al-Tayeb
Saleh et l’Egyptien Edouard Kharrat.
Dina
Kabil