Corées .
Alors que la tension persiste laissant présager l’éclatement
d’un conflit armé, le ballet diplomatique se poursuit de
plus belle pour tenter de trouver une solution.
L’épreuve des nerfs
La
crise de la « poudrière » coréenne a occupé cette semaine le
devant de la scène, mobilisant les efforts d’une communauté
internationale soucieuse de stopper le spectre d’une guerre
devenue « inéluctable ». Dans une tentative de contenir la
crise, l’ancien diplomate américain de haut rang, Bill
Richardson, s’est rendu cette semaine à Pyongyang où il a
transmis, samedi et dimanche, une série de propositions à la
Corée du Nord pour résoudre la crise. M. Richardson, ancien
ambassadeur des Etats-Unis à l’Onu, a appelé dimanche les
responsables nord-coréens à faire preuve d’une « extrême
retenue » et a proposé la mise en place d’un téléphone rouge
militaire entre les deux Corées, à utiliser en cas
d’incidents à leur frontière commune. L’émissaire américain
a également proposé la création d’une commission militaire
comprenant des membres nord-coréens et sud-coréens, auxquels
s’ajouteraient les Etats-Unis, afin de surveiller les zones
dont la souveraineté est contestée en mer Jaune. M.
Richardson a été invité en Corée du Nord par Kim
Kye-Gwan,
négociateur en chef nord-coréen des pourparlers
multipartites sur le programme nucléaire nord-coréen.
Dans le cadre des efforts internationaux visant à en finir
avec la crise coréenne, la Russie a demandé, samedi, à Séoul
de ne pas procéder aux exercices d’artillerie qui étaient à
l’origine de la détérioration de la crise cette semaine. Ces
exercices, qui devaient commencer samedi dernier en mer
Jaune, ont été retardés à cause du mauvais temps, selon des
responsables sud-coréens. Face à la réticence de Séoul qui
insiste à tenir ses manœuvres les jours à venir, Moscou a
tenté d’éviter une « escalade », appelant les deux Corées à
la reprise du dialogue et au règlement de tous les
contentieux par des moyens politiques et diplomatiques. La
Russie a, en outre, convoqué les ambassadeurs sud-coréen et
américain à Moscou pour « exhorter avec insistance la
République de Corée et les Etats-Unis à s’abstenir
d’effectuer les exercices de tir prévus ». Sur le qui-vive,
Moscou a placé ses forces stationnées dans l’est de son
territoire en état d’alerte, en raison de ces tensions, a
déclaré le chef d’état-major de l’armée russe. La Russie
partage une petite frontière avec la Corée du Nord et elle a
déjà exprimé son inquiétude en raison des essais nucléaires
et balistiques du régime de Pyongyang.
Partageant la même inquiétude, la Chine, unique allié de
Pyongyang, a de sa part appelé samedi au calme sur la
péninsule et demandé à toutes les parties d’éviter
l’escalade. « La Chine s’oppose fermement à toute action qui
pourrait causer de la tension et aggraver la situation, et
demande aux deux parties de la péninsule de faire preuve de
calme et de modération », a déclaré le ministre chinois des
Affaires étrangères, Yang Jiechi.
Cette semaine, Pékin était plus inquiète que jamais,
qualifiant la situation sur la péninsule « d’extrêmement
précaire » et appelant à la tenue de discussions afin
d’éloigner le cauchemar de la guerre. La Chine est le seul
autre pays qui appelle à une reprise des pourparlers à Six
(Corées du Nord et du Sud, Chine, Etats-Unis, Russie, Japon)
sur la dénucléarisation de la Corée du Nord. La Corée du Sud
et les Etats-Unis refusent de reprendre ce dialogue à brève
échéance. Ils considèrent que cela reviendrait à récompenser
Pyongyang pour son comportement belliqueux.
Menaces de part et d’autre
En effet, cet intense ballet diplomatique a été motivé par
la détérioration rapide de la situation dans la péninsule
coréenne ces derniers jours. En début de semaine, Séoul
avait menacé de procéder à des manœuvres militaires avec des
munitions réelles sur l’île de
Yeonpyeong bombardée en novembre par Pyongyang (4
morts et 18 blessés). Bien que retardées à cause des
conditions météorologiques, ces manœuvres ont irrité la
Corée du Nord qui a promis « un désastre » à toute la
région, mettant en garde contre un risque de conflit
nucléaire en cas de nouvelle guerre entre les deux Corées. «
La situation dans la péninsule coréenne explosera et une
issue désastreuse ne pourra pas être évitée si la Corée du
Sud mène les manœuvres militaires prévues dans les jours à
venir sur l’île de Yeonpyeong »,
a mis en garde le ministère nord-coréen des Affaires
étrangères, rajoutant qu’une deuxième et une troisième
frappes d’autodéfense, imprévisibles, seront déclenchées si
le Sud mène ses exercices à tirs réels, après une première
frappe menée le 23 novembre contre l’île sud-coréenne de
Yeonpyeong. « L’intensité et la
portée des frappes seront plus grandes que le 23 novembre »,
date du bombardement sur l’île située en mer Jaune dans une
zone frontalière disputée, a ajouté l’armée nord-coréenne.
Se rangeant aux côtés de son allié sud-coréen, les
Etats-Unis ont fourni cette semaine un « bouclier humain » à
la Corée du Sud pour les nouvelles manœuvres en cours de
préparation. Selon Washington, ces exercices « n’ont rien de
provocant, d’inhabituel ou de menaçant », a déclaré le
porte-parole du département d’Etat Philip Crowley, rajoutant
que Pyongyang ne doit pas en tirer le prétexte de «
nouvelles provocations ». « Il est difficile de comprendre
comment des exercices de routine qui ont déjà eu lieu dans
le passé pourraient constituer une menace quelconque contre
la Corée du Nord. En fait, ils n’en posent pas », a estimé
Philip Crowley. En effet, les Etats-Unis redoutent une
possible « réaction en chaîne » entre Pyongyang et Séoul à
la suite des exercices d’artillerie à tirs réels que va
mener la Corée du Sud.
Mettant de l’huile sur le feu, la Corée du Nord a relevé le
défi cette semaine en creusant un tunnel de plus de 500
mètres de profondeur sur son site d’essai nucléaire, en
préparation d’un nouvel essai, a affirmé un grand quotidien
sud-coréen, citant des sources au sein des services de
renseignements. Les travaux en cours sont dans le district
de Punggye, dans la province de
Hamgyong du Nord (nord-est du
pays), là où le pays a procédé à deux essais nucléaires, en
octobre 2006 et mai 2009. Le mois dernier, la Corée du Nord
a également provoqué l’inquiétude de la communauté
internationale en révélant un site d’enrichissement
d’uranium sur son sol de plus de 1 000 centrifugeuses. Les
Etats-Unis, comme la Corée du Sud, soupçonnent d’en avoir
d’autres. Selon le New York Times, citant anonymement des
responsables de l’administration Obama,
les Etats-Unis jugent la Corée du Nord « beaucoup plus
avancée » que l’Iran dans son programme nucléaire.
Selon les analystes, la Corée du Nord agite de temps en
temps la menace d’un conflit nucléaire afin d’obtenir
davantage de concessions en cas de reprise des pourparlers à
six. Car, à l’encontre de Téhéran, l’arme nucléaire n’est
pas une fin en soi pour Pyongyang, mais c’est plutôt un
moyen de faire chantage, une carte de pression pour obtenir
le maximum de gains possibles. N’oublions pas que les
tensions actuelles serviraient à affermir la position de Kim
Jong-un, fils cadet du dirigeant nord-coréen Kim Jong-II,
promis à la succession de son père.
Maha
Al-Cherbini