Al-Ahram Hebdo, Littérature | Le collier du pigeon

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 Semaine du 15 au 20 décembre 2010, numéro 849

 

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Littérature

Walid Mounir, à l’opposé des poètes de sa génération des années 1970, explore un univers lyrique, d’une légèreté insoutenable. En voici quelques vers tirés de son recueil de poèmes Taam qadim lel helm (un ancien goût du rêve), au 1er anniversaire de sa mort.

Le collier du pigeon

Toutes les femmes de la terre sont en une femme

Une seule femme

Ses arbres la nomment

Sa source est pure, profonde, et son vin coule à l’infini

Ses oiseaux sont très hauts

Plus hauts que le ciel, peut-être,

Son temps est un et il dure

Une femme comme un coquillage

Et son âme est la perle du coquillage

Je ne peux la décrire comme mon oreille la voit

Parce qu’elle est la musique

Ou bien telle que l’écoutent mes doigts

Parce qu’elle est le velours de la rosée

Ni comme mes yeux la sentent

Car elle est blanche comme l’éclair

Et elle ne dure pas

Toutes les femmes de la terre sont en une femme

Tous les astres de l’espace

Tous les nuages suspendus

Tous les jardins qui possèdent le miel de la reine

Tout l’univers tourne ici comme une bague

Au doigt d’une femme.

Cadeau perdu

Par le courrier rapide

On m’a envoyé beaucoup de papillons

Et beaucoup de coquillages

J’ai tant souhaité que les amis m’envoient

Beaucoup de pays

Pour choisir entre eux une patrie

Où les jardins ne sont pas un mirage

Et je m’y promènerais pour le simple plaisir

Et ses potences seraient de soie

J’ai tant souhaité que les deux femmes

Dont la tendresse déchaîne en moi tant de tempêtes

M’envoient des livres sur les vêtements des cosmonautes

Et des ailes pour voler

J’ai tant souhaité que le fleuve m’envoie

Beaucoup de pensées

J’en choisirais pour lui la volonté de la dernière crue

J’ai tant souhaité que le soleil m’envoie

Dans le courrier rapide

Un ruban délicat

Que je poserais dans les ténèbres sur le corps de ces roses

Qui se retournent, nues, avec le murmure de l’eau

Des présents si nombreux

J’ai tant souhaité avoir seulement un anneau

Et quand je l’effleure

Je disparais

Comme l’éther.

 

Un joli pari

Le pari sur ta présence avec moi

Comme les étoiles du ciel

C’est un joli pari

Le pari sur ta présence avec moi

Comme le parfum qui voyage chaque été

Est un joli pari

Les étoiles seulement

Et le parfum seulement

Sont le secret de ce qui est plus loin de tout

Et plus près de tout, ensemble,

Les étoiles seulement

Et le parfum seulement

Preuves de la fusion des détails de notre expérience réaliste

Dans l’impossible

Et moi, à vrai dire, les seules femmes qui me conviennent

Vont et viennent selon mon besoin de battements d’ailes

D’oiseaux sur les rameaux des palmiers

Je n’aime pas les femmes qui font un nid

Eternellement dans mes poumons

Et qui m’entourent en chaque saison comme fait la mer

Avec l’archipel

Et je t’aime quand l’air est léger comme mon âme

Et quand les nuits sont enveloppées

D’une transparence qui blesse le safran

Et s’en vont lentement vers la source du nectar

Et je t’aime comme le feu aux froides demeures et la paix

Sur un amoureux portant des nuages

En extase toujours, comme un amant,

Le pari que la passion deviendra

Une chance pour découvrir la rosée

En harmonie avec ses pensées

Pour définir à nouveau le sens du jour

Et rendre au crépuscule sa vraie valeur,

Le pari que l’on verra le sabot du poulain

Se refermer comme l’espace sur la forme de ce hennissement.

Pour tout ceci, madame,

Parier sur toi

Est un joli pari.

 

La tentation du saint

L’amour pardonne toujours

Malgré cela, il n’a pas trouvé ceux qui vont le pardonner

Le vent demande encore :

Ses mains ont embrasé combien de feux ?

Et combien de lunes ont été baptisées en son nom dans le sang ?

Combien de saules ont été coupés ?

Et combien d’oiseaux sont tombés de sa haute tour

Pour que la poussière les jette à la poussière ?

Une amoureuse gémit comme si elle était la flûte solitaire,

Et un amoureux pleure longtemps, puis n’hérite pas les nuages.

Quand le vent deviendra-t-il plus clément

Et les amoureux croiront-ils moins aux sens des miracles ?

Simplement l’amour est un saint

Qui a appris des pirates des mers le courage de l’oubli.

Il n’a pas achevé ses connaissances en tant que saint,

A la fin, il n’est pas devenu meurtrier,

Mais il est devenu une part de nous

Avec ses erreurs

Et ses vertus.

Et il pardonne toujours

Et il veut que ses yeux qui ont marché durant des années derrière les illusions

Le guident vers ceux qui pourront lui pardonner.

 

Une chambre avec vue

Même si la vie est brève

La vague doit demeurer longtemps, comme les rêves,

Et la rose : la couleur de la rose

Le parfum de la rose

L’épine de la rose

Doivent sortir du corps de la rose

Pour que la goutte tremble avec sa substance.

Le balcon est vaste,

Et les jours passent là-bas comme des nuages

Et un jardin oublie son manteau sur le trottoir

Du vent,

Une mer s’étend jusqu’aux confins du monde,

Deux amoureux sont heureux,

Un wagon, garé dans un coin, est en panne

Et une femme qui se retourne pour se rappeler l’adresse de la maison oubliée

Quelque chose ne divulgue pas son essence

Et répand dans l’atmosphère l’odeur des arbres en fuite.

 

Quand il faut cacher des secrets

Parce que l’histoire est abrégée

Et parce que ce qui se perd on ne le retrouve pas

Parce qu’on a tué des anges

Et des vents soufflent et les palmiers ne les bravent pas

Parce que le jeune homme ne se pose plus des questions sur son cœur

Et la jeune fille qui a oublié chez lui hier

La clé de ses rêves

N’a pas tenu à reprendre l’objet confié

Parce que les poèmes de Jahine l’ont inondé avec leurs pluies

Et parce que Avicenne va le reconnaître

Quand il frappera à la porte avant le coucher du soleil

Il s’est mis à boire son café en silence

Il a ignoré le bruit que faisaient ses amis

Puis il s’est levé, leur a dit adieu, et s’en est allé brûlé comme un papillon.

Capturer la lune

Vas-tu retourner avec moi ?

Il est rare que deux êtres enlèvent une seule mer.

Il est rare que les poissons captifs écrivent

De la poésie.

L’amour est rare ici.

Ce qui se passe maintenant c’est le premier miracle

De cette mer.

Ce qui arrive n’est pas arrivé

Et n’arrivera pas

La victoire de la rose blanche nous suffit

L’embrasement de la lune éteinte sous l’eau nous suffit

Il nous suffit que dix années se lèvent de leur couchant.

Tu retourneras avec moi

Il faut seulement appeler notre voix perdue

Dans les noms créés.

Il n’y a plus que nous deux.

Que penses-tu de prendre un thé,

A une table cassée de l’hôtel de la vie ?

Nous nous raconterons nos débuts

Et nos passions

Et nos ambitions

Et nous chanterons quand nos mains vont se tenir,

Nous chanterons,

Et nous verrons nos murs tomber d’eux-mêmes.

Il est si rare que les amoureux possèdent l’amour donc

Les murs ne sont pas tombés, madame,

Allons,

Car pour capturer, on n’attend pas l’appât du piège

Plus d’une seconde.

Traduction de Suzanne El Lackany

 

 

Walid Mounir

Né au Caire en 1957, il est décédé en 2009. Il aurait entamé une carrière d’ingénieur après un diplôme obtenu à la faculté d’Al-Azhar en 1980, mais il se tourne finalement vers la poésie et la critique littéraire. En 1990, il fait un magistère à l’Académie des arts du Caire autour des caractéristiques du langage poétique dans le théâtre de Salah Abdel-Sabour. Il commence à publier ses poèmes au milieu des années 1970 dans la prestigieuse revue Al-Kateb, faisant, depuis, partie de cette génération qui s’est proclamée contre la poésie existante en se rebellant contre les tabous de l’écriture poétique. Avec ses homologues, poètes des années 1970, il lance la revue de renom  Idaa 77. Parmi ses recueils de poèmes : Wal Nil al-akhdar fil oyoune (et le Nil vert dans les yeux) en 1985, Qassaed lil baeid el-baeid (poèmes au loin lointain) en 1989, Baed el-waqt li dahcha saghira (des bribes de temps pour un petit étonnement) en 1993, Taem qadim lil helm (un ancien goût du rêve) aux éditions de l’Institution palestinienne de guide national en 2004, puis aux éditions GEBO du Caire en 2006.

 

 




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