Législatives .
Se déroulant globalement dans un calme relatif, les
élections de dimanche ont été marquées par les magouilles «
classiques ». Reportages dans des circonscriptions-clés.
Les Frères affaiblis
Gouvernorat
d’Alexandrie, circonscription Al-Raml,
fief des islamistes. Le ministre du Développement local,
Mohamad Abdel-Salam Al-Mahgoub (PND),
fait face à seize candidats indépendants dont le plus
redoutable est Sobhi Saleh,
candidat affilié aux Frères, qui se présente en indépendant.
Les premières heures des élections sont marquées par un
désordre manifeste. Jusqu’au jour du vote, les Alexandrins
n’étaient pas sûrs de la tenue du scrutin. En fait, le
Tribunal administratif d’Alexandrie a décidé, le 26
novembre, l’annulation des élections dans les onze
circonscriptions du gouvernorat, du fait qu’un nombre de
candidats, dont quatre islamistes, qui répondaient à toutes
les conditions ont été exclus par la commission électorale.
Suite à un recours présenté la veille des élections par le
PND, les demandes de la justice d’annuler les opérations ont
été suspendues et les bureaux de vote ont ouvert leurs
portes.
Pour ajouter à la confusion, un faux tract assurant le
retrait de Sobhi Saleh a circulé
à travers la ville. « Je me retire des élections pour voir
comment les choses vont se passer sans les Frères en Egypte
», lit-on dans ce papier distribué devant les 280 bureaux de
vote d’Al-Raml. Les Frères ont
dénoncé « une mascarade ».
Mais cet intérêt à s’assurer de la tenue ou non du scrutin
n’est pas partagé par la majorité des résidents de cette
ville côtière. C’est l’indifférence qui est de mise. La
plupart ont déjà pris la décision de s’abstenir pour éviter
une mésaventure. On n’a pas oublié les affrontements
sanglants qui ont eu lieu ici lors des élections de 2005 et
qui ont fait une vingtaine de blessés.
Mais cette fois-ci, il n’y a rien à voir avec les masses que
la confrérie des Frères musulmans a pu mobiliser en 2005.
Les Frères manifestent les symptômes d’un affaiblissement
évident.
Pour prendre le risque, il fallait une motivation. Et c’est
justement là que les moyens du PND entrent en jeu. Pour
encourager les gens à aller voter, des repas copieux sont
distribués dans les centres de
jeunesse. C’est là que les gens se rassemblent pour déjeuner
avant de s’installer confortablement dans les autobus
réservés aux bureaux de vote. Des autocars qui appartiennent
à des organismes publics. Une fois arrivés, les délégués des
candidats PND, seuls à pouvoir accéder aux bureaux de vote,
accueillent les électeurs avec des enveloppes dont le
contenu « est à deviner ». On parle de 50 L.E. par voix. Une
somme qui aurait augmenté à 200 L.E. à la fin de la journée.
La situation est autre pour les sympathisants du candidat
islamiste Sobhi Saleh dont les
300 délégués ont été interdits d’accéder aux bureaux de
vote. Il n’a donc aucune chance de vérifier la transparence
du scrutin. Devant l’école Ard
Al-Awayed, une foule s’entasse
provoquant un vacarme. « Ils ne nous laissent pas entrer au
bureau de vote », lâchent une dizaine de délégués. « Nous
avons les permis d’accès, mais les agents de police refusent
de les valider et réclament l’autorisation du commissariat
de police. Là-bas, les responsables sont absents », souligne
Adel Abdel-Kérim,
un sympathisant de Saleh. « C’est une manœuvre pour
faciliter la fraude et la falsification des voix », dénonce
Saleh. « Dans certains bureaux de vote que j’ai visités,
j’ai trouvé des urnes pleines de bulletins, alors que
d’après les listes, le nombre d’électeurs qui ont voté ne
dépasse pas une poignée », affirme-t-il.
Accompagné d’un nombre de ses sympathisants,
Sobhi a fait le tour des bureaux
de vote dans le village d’Abbis
2, un fief du PND. Des enfants et des adolescents, bâtons à
la main, ont été à leur accueil. Dès qu’ils ont mis le pied
dans le village, ils ont été roués de coups de bâton et de
ceinture. La rixe a fait une dizaine de blessés parmi les
hommes de Sobhi, qui a été
brièvement hospitalisé.
De son côté, Abdel-Salam Al-Mahgoub
a rejeté ces accusations d’un revers de la main. « Ce sont
des allégations sans fondement de la part de gens qui
veulent seulement masquer leur échec », a-t-il dit.
Débarrassé des islamistes, Abbis
a commencé déjà à fêter la victoire du candidat PND. Les
femmes du village avaient reçu l’ordre de préparer de la
nourriture pour servir les responsables des bureaux de vote.
Sur des plateaux immenses, elles offrent des galettes, des
plats de mélasse de canne à sucre et de miel, du fromage
salé, sans oublier le dessert, des dattes et du raisin. Le
directeur du bureau de vote a oublié momentanément ses
charges, laissant les délégués des candidats PND remplir les
bulletins de vote à la place des électeurs. Les femmes n’ont
pas oublié la part du ministre Al-Mahgoub
et des agents de police. Il n’était que 13h, soit six heures
avant la fermeture des bureaux de vote, les habitants du
village ne tardent pas à se féliciter de leur victoire,
celle des candidats du PND.
Héba
Nasreddine