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 Semaine du 1er au 7 décembre 2010, numéro 847

 

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La Suisse a approuvé dimanche, par référendum, une proposition visant à expulser les étrangers coupables de crimes. Andreas Gross, député et président du groupe social démocrate à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, analyse ce nouveau signe d’hostilité envers les étrangers.

« L’aile nationaliste de droite a mis
 les Suisses dans la confusion »

Al-ahram hebdo : Depuis 2007, le SVP (droite populiste conservatrice) travaille sur la campagne de renvoi des criminels étrangers. Les affiches de l’initiative, répandues dans toutes les rues, ont préparé le vote du 28 novembre qui s’est soldé par une majorité de 53 % pour le oui. Qu’en dites-vous ?

Andreas Gross : Aujourd’hui, vous trouverez que dans toutes les sociétés de l’Europe occidentale, 30 % des citoyens conservateurs sont séduits par les discours xénophobes ou discriminatoires. Les personnes qui n’ont pas acquis de niveau satisfaisant d’enseignement, qui ne sont pas assez qualifiées pour rejoindre le marché du travail, ou bien qui risquent de perdre leur emploi, font partie de ce tiers. Ceci les pousse à lire des journaux et à suivre des programmes télévisés médiocres et ne sont pas bien placées pour assimiler la difficulté des problèmes politiques. Ces citoyens sont une minorité qui fait exception à la règle adoptée, qui aspire à avoir un niveau d’éducation satisfaisant, un emploi et une vie décente pour tout le monde. C’est vraiment une honte que l’on ne puisse pas faire mieux.

— On dit que la campagne « moutons noirs » ressemble à l’initiative malheureuse de 1970, lancée par le Suisse James Schwarzenbach contre l’emprise étrangère, et les organisations des droits de l’homme avaient mis en garde contre cette campagne. Jusqu’à quel degré les résidents arabes et musulmans seront-ils affectés par cette campagne ?

— Cette tendance retombe sur tous ceux qui sont « différents », c’est-à-dire l’autre. L’initiative d’expulsion lancée par le SVP prône le renvoi des immigrés criminels qui n’ont pas la nationalité suisse. Il s’agit là, dans l’esprit du SVP, d’une mesure sécuritaire. Alors que l’initiative de Schwarzenbach avait pour objectif de réduire le nombre grandissant des travailleurs étrangers qui représentaient une main-d’œuvre moins chère. A l’époque, la majorité des Suisses avaient voté contre l’initiative, parce que les immigrés constituaient un besoin réel pour la promotion de l’économie suisse. Alors que l’actuel débat est focalisé sur les immigrés allemands qui sont bien rémunérés et qui sont en compétition avec les Suisses.

— Le SVP a annoncé plusieurs procédures contre « la propagation de l’islam en Suisse ». Son président a annoncé que les musulmanes en Suisse ne devaient pas se rendre au travail avec le hidjab. Pensez-vous qu’un autre débat public peut mener à la répétition du scénario anti-minaret ?

— Les politiciens de l’aile nationaliste de droite ont mis les citoyens suisses dans la confusion en faisant des minarets, du voile et autres les symboles d’un islam fondamentaliste. Et même parfois d’un islam militant, qu’ils ont connu à travers la télévision et ce qui est publié dans la presse internationale. C’est ainsi qu’ils ont réussi à mobiliser les gens contre la construction de nouveaux minarets en Suisse. Il est vrai que toute personne résidant en Suisse doit se conformer à la loi du pays ; or, une tenue individuelle n’est pas une chose qui doit préoccuper l’Etat. La façon de paraître en public est d’ordre privé. Personne n’a le droit d’intervenir.

— La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey,  a annoncé que parmi les priorités de la Suisse figurait la protection des droits de l’homme. Le gouvernement en a-t-il vraiment le pouvoir ?

— Le gouvernement suisse a le pouvoir de proposer des lois qui garantissent le respect des droits de l’homme, mais il n’a pas le pouvoir de garantir que de telles lois soient adoptées. Nous ne sommes pas dans une dictature. Dans les démocraties réelles, aucun gouvernement ne peut garantir quoi que ce soit de façon absolue. C’est pour cela que j’assure que la protection des droits de l’homme constitue un processus collectif qu’il faut inculquer à la société. Nous devons être capables de convaincre au moins la majorité de l’importance de cette question, ce qui nécessite beaucoup plus que le simple pouvoir du gouvernement.

— La démocratie directe est un bon système. Mais dans le cas de ce type de référendum, comment concilier les urnes d’un côté et les garanties internationales des droits de l’homme de l’autre ?

— La démocratie directe a besoin d’institutions et d’organisations efficaces, pour éduquer les gens, exactement comme le fait d’encourager les débats publiques et les connaissances politiques. Pendant longtemps, beaucoup de Suisses pensaient que cette mission était du ressort de la famille et de l’école. Aujourd’hui, nous découvrons que nous devons investir beaucoup plus dans ces institutions pour les aider à promouvoir la démocratie directe qui respecte et garantit les droits de l’homme. Sinon, la démocratie directe perdra son sens et sa valeur. Le problème ne réside donc pas dans la démocratie réelle, mais dans la manière de s’intégrer dans le système fédéral suisse.

— Que prévoit votre pays pour réaliser l’équilibre entre les politiques encourageant la diversité religieuse et culturelle et celles encourageant l’intégration sociale ?

— La diversité a toujours été une des composantes de l’identité suisse. Et l’intégration ne doit pas signifier l’assimilation. La Suisse moderne doit son existence et son succès aux étrangers qui y ont immigré, surtout après 1830. A cette époque, la Suisse était l’un des Etats les plus démocratiques et les plus progressifs en Europe, sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis. La Suisse était donc plus ouverte aux immigrés qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Depuis les deux guerres mondiales, la majorité des Suisses est devenue étroite d’esprit et a peur. Les Suisses ont favorablement accueilli une certaine ouverture économique, mais la pensée culturelle n’a pas navigué de pair avec la culture économique. De nombreuses communautés suisses ne veulent pas permettre à l’Etat d’avoir des ressources financières suffisantes pour fonder un système éducatif et des institutions culturelles qui s’adressent à tout le monde de façon correcte et non pas seulement les riches.

Les Suisses ne veulent pas payer les impôts qui sont aujourd’hui nécessaires pour obtenir l’éducation et la culture dont ils ont vraiment besoin et qu’ils méritent.

— Le vote anti-minaret par référendum du 29 novembre 2009 montre comment un sujet d’ordre public peut prendre des dimensions plus vastes. Comment évaluez-vous les derniers développements survenus en Europe ?

— Les Suisses sont les seuls Européens pouvant œuvrer à amender leur Constitution quand ils le veulent et par la manière qui leur convient. Ce processus s’inscrit dans le cadre de la démocratie directe, où le pouvoir politique est, en fait, partagé avec les citoyens. Il est vrai que l’initiative anti-minaret est une décision suisse, mais en réalité, elle exprime une tendance que l’on retrouve dans la plupart des pays de l’Europe occidentale. De nombreux citoyens ont des craintes résultant des maux économiques et sociaux qu’ils projettent sur des communautés qui sont différentes et à propos desquelles ils ne savent pas grand-chose. En effet, les vrais promoteurs de ces tendances sont les organisations et partis de droite. Ils en veulent à ces communautés, afin d’attirer l’attention vers eux, faire croître les craintes et les violences sociales, ce qui sert l’agenda politique de la droite conservatrice.

— Lors de la visite officielle du président suisse Pascal Couchepin en Egypte en 2008, les médias n’ont pas souligné le débat sur l’interdiction des minarets, problème qui date de 2005. Une seule justification a été avancée : celle selon laquelle la Suisse est un pays obsédé par les référendums qui manquent souvent leurs objectifs. Qu’en pensez-vous ?

— Le mot « obsédé par les référendums » révèle un manque de compréhension. Selon l’article 139 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, 100 000 citoyens suisses auraient le droit de lancer une initiative populaire. L’objectif peut être de proposer des amendements constitutionnels. Dans le cas où ils sont validés, l’initiative se développe pour prendre la forme d’un référendum, et les questions soulevées par les référendums dévoilent l’intensité réelle des problèmes. Et donc, il n’est absolument pas question d’obsession.

Bien entendu, les médias étrangers, arabes et islamiques inclus, auraient dû participer plus activement au débat avant le vote. D’ailleurs, j’avais mis l’accent sur cela avant et pendant le vote, et ceci aurait pu influencer la décision finale jusqu’à un certain degré. Il ne fallait guère s’attendre à réagir après le résultat du référendum en novembre 2009.

Propos recueillis par Mona Sewilam

 




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