Al-Ahram Hebdo, Enquête | Deux versions et une morale

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 Semaine du 1er au 7 décembre 2010, numéro 847

 

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Enquête

Coptes . Une deuxième victime est décédée suite à des violences, la semaine dernière, avec les forces de l’ordre autour de la construction d’une église. Autorités locales et dignitaires religieux cherchent à apaiser la tension.

Deux versions et une morale

Le calme est revenu au quartier Al-Talebiya, qui a témoigné, la semaine dernière, d’affrontements entre citoyens chrétiens mécontents et forces de l’ordre. Un calme gardé par des milliers de policiers qui encerclent la zone de l’église au centre des événements.

Le 24 novembre, dans ce quartier au sud-ouest du Caire, non loin des pyramides, des heurts entre 3 000 chrétiens qui protestaient contre l’interdiction de construire une église et des policiers ont fait 2 morts parmi les manifestants. 68 autres personnes blessées, coptes et policiers confondus, ont dû être hospitalisées. Des chiffres qui reposent sur des estimations officielles.

Le calme c’est aussi ce que les deux côtés cherchaient, depuis ce dérapage sans précédent. Samedi, l’évêque de Guiza, Mgr Théodosios, accompagné d’une délégation ecclésiastique, s’est rendu aux bureaux du gouverneur et du directeur de la sécurité de Guiza pour « exprimer sa désolation », face à ce qui s’est passé.

Pourtant, « ce qui s’est passé » est difficile à savoir. Officiellement, les chrétiens fidèles de ce bidonville ont reçu une permission pour construire un centre dépendant de l’église de la Sainte Vierge. Le bâtiment érigé, ils ont voulu ensuite le transformer en chapelle avec une coupole et une croix dessus. De leur côté, les responsables municipaux leur demandaient de suivre les démarches officielles pour l’obtention d’un nouveau permis, en bonne et due forme, pour la construction d’une église cette fois. « Quand nous avons remarqué que cela prenait la tournure d’une église, nous avons fait stopper les travaux, car une église requiert une autorisation différente », a affirmé le gouverneur Sayed Abdel-Aziz. « Je suis totalement disposé à aider les chrétiens à obtenir une autorisation pour une église, mais ils doivent cesser de transformer ce bâtiment-là en église », a-t-il précisé. En sit-in à l’intérieur de l’église, les coptes ont commencé à agresser par des jets de pierres et des cocktails Molotov les forces de l’ordre dépêchées sur les lieux pour « éviter un dérapage ». Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur a « regretté » les blessés et les pertes de vie humaine, expliquant que « les manifestants ont ignoré plusieurs appels à cesser la violence, mettant ainsi en danger les habitants du quartier. A un certain moment les forces de sécurité n’avaient de choix que de les disperser en usant de gaz lacrymogène ».

Une version adoptée par la majorité des médias locaux et que les dignitaires coptes se sont abstenus de contredire. Lors de son sermon hebdomadaire, le chef de l’Eglise, le pape Chénouda III, s’est contenté de faire une allusion implicite à un « abus du pouvoir » de la part de l’administration et des forces de l’ordre. « Dieu donne l’autorité à certaines personnes afin qu’elles assurent le bien-être de ceux qu’elles dirigent, mais l’autorité ne devrait pas être exercée avec violence », a-t-il déclaré.

Propre version des faits

Déçus par ce qu’ils voient comme une attitude trop conciliante de la part de l’Eglise, et ne trouvant personne pour les écouter, les fidèles sur les lieux des événements ont organisé samedi une conférence de presse pour relater leur propre version des faits. Sous le titre « Le carnage de Talebiya, une guerre des rues », ces témoins ont comparé l’attitude des forces de l’ordre à celle des « soldats israéliens dans les territoires palestiniens occupés ». D’après eux, « l’attaque policière » était prédéterminée : les forces de police sont arrivées, accompagnées de bulldozers, pour raser l’église. Les soldats, qui encerclaient déjà l’église depuis les premières heures du matin, y ont fait irruption, brûlant des icônes et confisquant l’argent de l’aumône, raconte-t-on. « C’est alors que les bombes lacrymogènes ont commencé à nous tomber dessus ».

Quel que soit l’initiateur de la violence, les affrontements ont dégénéré et des policiers ont tiré à balles réelles, faisant tomber une première victime. Quelques centaines de chrétiens sont partis en direction des bureaux du gouverneur de Guiza, où ils ont rencontré des policiers anti-émeutes. Les manifestants, selon un responsable des services de sécurité, ont brisé des vitres et des voitures.

La justice égyptienne a ordonné jeudi de prolonger de deux semaines la garde à vue des 156 personnes interpellées, accusées de destruction de véhicules et d’autres biens communs et d’usage de force contre les forces de l’ordre.

Les heurts de Guiza surviennent au lendemain de la publication d’un rapport du département d’Etat américain sur la liberté religieuse, qui contient des critiques dures sur la question du respect de la liberté religieuse en Egypte. Le rapport précise que les minorités, notamment les chrétiens et les bahaïs, « subissent des discriminations collectives et personnelles, en particulier dans l’accès à la fonction publique et pour construire, rénover et réparer des lieux de culte ».

La loi en vigueur, héritée de l’époque ottomane, est très contraignante pour construire ou agrandir des églises. Dans leurs réactions aux événements de Guiza, plusieurs ONG locales ont identifié cette loi « injuste » comme à la base de plusieurs frictions et incidents confessionnels. « Ce qui pousse les coptes à contourner une loi discriminatoire, c’est le refus obstiné du gouvernement à faire adopter une loi unifiée pour la construction des lieux de culte », lit-on dans un communiqué issu de l’organisation « Egyptiens contre la discrimination religieuse ». L’absence d’une telle loi, d’après l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, une autre ONG, est « l’une des principales raisons de la tension qui prévaut entre l’administration et les coptes ».

Chérif Albert

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