Corées .
Au moment où la péninsule coréenne est au bord de la guerre,
de nouvelles manœuvres militaires entre les Etats-Unis et la
Corée du Sud ont commencé dimanche pour quatre jours en mer
Jaune. Des exercices dénoncés par Pékin et qualifiés par
Pyongyang de « provocation intolérable ».
La spirale vers la guerre
La
tension est montée d’un cran dans la péninsule coréenne,
faisant craindre l’éclatement d’une nouvelle guerre sans
merci. Dimanche, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont
entamé quatre jours de manœuvres militaires conjointes en
mer Jaune, une nouvelle démonstration de force aéronavale
destinée à renforcer la dissuasion contre la Corée du Nord.
« Ces manœuvres sont beaucoup plus importantes que les
précédentes », a averti dimanche l’état-major sud-coréen des
armées, surtout que ces exercices interviennent cinq jours
après le bombardement de la Corée du Nord d’une île
sud-coréenne de Yeonpyeong
située en mer Jaune.
Signes de l’importance de ces exercices : plus d’un million
de soldats étaient massés tôt dimanche de part et d’autre de
la frontière qui partage la péninsule. La pièce maîtresse du
dispositif est le porte-avions nucléaire George Washington
qui peut transporter 6 000 hommes et 75 avions dont des
chasseurs-bombardiers, ravitaillés en vol, à grand rayon
d’action. Il est accompagné des croiseurs lance-missiles USS
Cowpens et USS
Shiloh, ainsi que des destroyers
lance-missiles. Washington a aussi fourni un important avion
de commandement et de surveillance des cibles terrestres. De
son côté, Séoul a engagé un destroyer lance-missiles de 7
600 tonnes équipé du système Aegis,
deux destroyers de 4 500 tonnes et des moyens aériens de
lutte contre les sous-marins.
Dans ce climat de haute tension, le président américain a
déclaré samedi que les Etats-Unis resteraient fermement et
complètement engagés dans la défense de Séoul. « Ces
exercices démontrent la puissance de l’alliance
Séoul-Washington et notre engagement pour la stabilité
régionale et sont destinés à améliorer notre
interopérabilité militaire », a affirmé M.
Obama.
Réalisant bien que ces exercices sont dirigés contre elle,
la Corée du Nord a mis en garde dimanche contre les «
conséquences imprévisibles » de l’engagement du porte-avions
américain George Washington dans ces manœuvres. Peu avant,
le régime stalinien a promis de « frapper sans pitié » en
cas de violation de son espace souverain, avertissant que
ces manœuvres poussaient un peu plus la péninsule au bord de
l’affrontement armé. Sur le qui-vive, Pyongyang a déployé
dimanche des missiles sol-air près de sa frontière maritime
contestée avec Séoul. Ces missiles semblent potentiellement
viser des avions de combat sud-coréens qui voleraient trop
près de la ligne de démarcation maritime entre les deux
Corées.
En effet, la péninsule est au bord de la guerre depuis la
semaine dernière quand Pyongyang a bombardé l’île
sud-coréenne de Yeonpyeong en
mer Jaune. Dirigée contre une zone civile, cette attaque
d’ampleur inédite depuis la guerre de Corée (1950-1953) a
tué deux civils et deux soldats, outre une vingtaine de
blessés et déclenché des tirs de riposte de la part de
l’armée sud-coréenne. Selon l’état-major sud-coréen, l’armée
du Nord a tiré 170 obus, dont 80 ont atteint l’île où se
trouve un détachement permanent de l’armée sud-coréenne. Le
Sud a procédé à 80 tirs de riposte. Selon Séoul, cette
attaque vise à asseoir la légitimité de l’héritier présumé
de Kim Jong-II, Kim Jong-Un, récemment poussé sur le devant
de la scène. « Le Nord cherche à proclamer les prouesses
militaires de l’héritier apparent Kim Jong-Un, renforcer
l’unité nationale et détourner vers l’extérieur le
mécontentement de la population nord-coréenne », a estimé le
premier ministre sud-coréen Kim Hwang-Sik.
Juste après ces bombardements, Séoul a crié vengeance. Tout
au long de la semaine, des appels de vengeance se sont
élevés à Séoul. Samedi, le commandant en chef de la marine
sud-coréenne a promis des représailles. « Il nous faut
répondre fermement aux provocations de la Corée du Nord », a
ajouté Kim Kwan-Jin, ancien chef d’état-major des armées.
D’autres appels à la fermeté contre le régime stalinien ont
été lancés par un millier d’anciens soldats de la marine,
qui se sont rassemblés samedi dans le centre de Séoul et ont
brûlé un drapeau nord-coréen ainsi que des portraits du
dirigeant nord-coréen Kim Jong-II et de son fils et héritier
présumé, Kim Jong-Un. « Unissons-nous et vengeons-nous »,
ont scandé les manifestants.
Appels à la retenue
Dans une tentative d’empêcher la guerre, la Chine, unique
alliée de Pyongyang, a proposé dimanche des consultations
d’urgence début décembre des pays participant aux
négociations à Six sur le programme nucléaire nord-coréen
(deux Corées, Etats-Unis, Japon, Russie et Chine). Un haut
responsable du gouvernement chinois, le conseiller d’Etat
Dai Bingguo,
s’est rendu samedi à Séoul pour des entretiens avec le
ministre sud-coréen des Affaires étrangères, alors qu’un
haut responsable nord-coréen va se rendre en Chine cette
semaine pour chercher une issue à la crise.
Il semble que Pékin n’a pas l’intention de lâcher son allié.
Alors que les tirs mortels d’obus de Pyongyang sur l’île
sud-coréenne ont provoqué dans le monde un concert de
condamnations, Pékin se borna à exprimer sa « préoccupation
» et à lancer des appels à la retenue. Se rangeant aux côtés
de son allié, Pékin s’est dit opposée à l’organisation de
ces manœuvres, mettant en garde contre toute action
militaire non autorisée au large de ses côtes. « Nous nous
opposons à tout acte militaire unilatéral mené dans la zone
économique exclusive de la Chine, sans le feu vert de
celle-ci », a déclaré le ministère chinois des Affaires
étrangères.
En revanche, les Etats-Unis se sont défendus des critiques
chinoises, soulignant que cet exercice ne visait que le
régime communiste du Nord « et n’est pas dirigé contre la
Chine », a déclaré Darryn James,
porte-parole du Pentagone. Passant de la défense à
l’attaque, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major
interarmes, a déclaré dimanche que Pékin devait user de son
influence sur Pyongyang pour inciter les Nord-Coréens à
changer leur attitude agressive à l’égard de leurs voisins.
« Il est difficile de savoir pourquoi la Chine n’exerce pas
davantage de pression. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-II
n’est pas quelqu’un en qui nous pouvons avoir confiance. Si
un pays a une influence sur Pyongyang, c’est bien la Chine
», a critiqué l’amiral.
Ces évolutions sanglantes ont rendu de plus en plus probable
le scénario d’une nouvelle guerre entre les deux Corées les
jours à venir. Selon les experts, un nouveau conflit dans la
péninsule serait un scénario cauchemardesque, provoquant
d’énormes pertes et entraînant peut-être même l’utilisation
d’armes nucléaires. De toute façon, ce dernier acte
d’attaque de la part de Pyongyang démontre le peu
d’influence que Pékin exerce sur son voisin indomptable.
Les deux Corées sont encore formellement en guerre, puisque
la guerre de Corée (1950-1953) s’est conclue sur un accord
de cessez-le-feu et non par un traité de paix. Les
Etats-Unis ont toujours maintenu une forte présence
militaire chez leur allié du Sud. Ils comptent actuellement
28 500 hommes en Corée du Sud. En cas de guerre, les
Etats-Unis exerceraient le commandement militaire en Corée
du Sud, selon l’accord de défense mutuelle signé en 1953
entre les deux Etats.
Maha
Al-Cherbini