Al-Ahram Hebdo,Invité | Aymane Abou-Hadid

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 Semaine du 3 au 9 novembre 2010, numéro 843

 

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Invité

Aymane Abou-Hadid, président du Centre des recherches agricoles, revient sur la sécurité alimentaire en Egypte, sur les raisons de la flambée des prix des légumes, et enfin, sur la recherche scientifique. Il jette un regard d’expert sur les problèmes qui entravent le développement du secteur.

« Il faut des fonds pour planifier,
développer et améliorer »

Al-Ahram Hebdo : On parle beaucoup ces derniers temps de la sécurité alimentaire en Egypte et du coup des multiples problèmes de l’agriculture. Quel est le plus grand défi de ce secteur ?

Aymane Abou-Hadid : Le plus gros problème de l’agriculture en Egypte c’est l’eau. Si nous avions plus d’eau, la situation aurait été autre. Car il est possible de se passer des eaux du Nil et recourir aux stations de désalination pour ce qui est des besoins en eau de la population, car l’être humain n’a besoin que de 6 litres d’eau par jour. Il pourrait en être de même pour les besoins des stations balnéaires. Mais il est impossible de se passer des eaux du Nil pour l’agriculture, qui consomme énormément d’eau. Et vu que la sécurité alimentaire est un élément primordial, il est plus qu’impératif de consacrer d’abord toute l’eau disponible à ce secteur et de rechercher d’autres ressources (nappes ou désalination) pour les autres secteurs, qu’ils soient industriels ou touristiques ou même domestiques.

— Mais d’aucuns diraient que la désalination est coûteuse …

— Le taux de salinité des eaux de la mer Rouge est de 40 000 particules au million, c’est un taux minime. Le m3 coûte environ un dollar, soit 5 L.E. Il y a aussi les eaux marginales des nappes phréatiques et des puits dont la salinité est encore plus faible et dont le coût au m3 reviendrait à 10 ou 20 piastres. A ce prix-là, on parle de bénéfices, car avec un coût de 2 à 3 L.E. le m3, cela voudrait dire 1 000 bouteilles d’eau vendues à 1 L.E. chacune.

— Pourquoi ne le font-ils pas ?

— De la pure bêtise tout simplement. L’Etat devrait prendre en charge ce dossier et mettre en place une loi claire pour l’exploitation des ressources en eau.

— Et qu’en est-il des systèmes d’irrigation, sujet qui revient sans cesse sur le tapis ?

— C’est, en effet, le deuxième impératif du secteur de l’agriculture. Il faut développer les techniques d’irrigation. Cela devrait être la tâche première du ministère de l’Agriculture, qui nous fera économiser environ 30 % de l’eau utilisée. Economie en eau qui serait alors utilisée pour fertiliser de nouvelles terres agricoles dans le nord du Sinaï et sur les côtes. Cela équivaut à 10 ou 13 milliards de m3 pour de nouveaux terrains agricoles d’une superficie de 3,5 millions de feddans. Le troisième facteur pour garantir la sécurité alimentaire c’est celui de la qualité de l’eau du drainage agricole. Je m’explique : il serait judicieux de réutiliser l’eau du drainage agricole, or, le problème est que ces eaux sont déversées dans des canalisations qui accueillent également les eaux usées de l’industrie et celles des égouts. Ce qu’il faudrait c’est de consacrer des canalisations spéciales à l’eau du drainage agricole, pour pouvoir l’exploiter encore une fois après épuration. Tous les ministères concernés, à savoir celui de l’Industrie, de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Population doivent coopérer pour régler ce problème.

— Pour ce qui est de la flambée des prix des fruits et légumes, surtout la tomate, durant cette saison, beaucoup d’analyses ont été avancées dont les changements climatiques. Qu’en est-il exactement ?

— Il y a deux raisons à cela : d’abord, la vague de chaleur. Mais le problème n’est pas nouveau. J’ai fait une étude en 1984 qui montre que nous avons, pour ce qui est de la tomate, deux pics, l’un en été et l’autre en hiver. A l’époque, j’avais préconisé des solutions d’irrigation en avril et en octobre, pour faire face à ces pics. Cette année, la forte chaleur a juste exacerbé un problème qui existe depuis longtemps et auquel on n’a pas appliqué de solution.

La deuxième raison c’est le processus de distribution entre l’agriculteur et le consommateur, parsemé d’une multitude d’intermédiaires, ce qui gonfle le prix du produit. Dans la distribution, il y a aussi les modes de conservation des produits, notamment des récoltes de tomates qui sont entassées dans des cageots en bambous sous le soleil et qui parcourent ainsi des kilomètres et des kilomètres. Au bout du compte, nous perdons de 30 à 50 % des récoltes durant le transport.

— Comment, à votre avis, régler ces problèmes ?

— Il faut instaurer des groupements d’agriculteurs pas seulement en ce qui concerne la tomate, les légumes, etc., mais aussi en ce qui concerne le blé, le riz ou le maïs. Les parcelles de terres éparpillées entre plusieurs agriculteurs doivent être regroupées en une seule avec une seule culture. Il règne une véritable anarchie chacun fait ce qu’il veut sur son bout de terrain ; l’agriculture ne peut se développer sans le développement des coopératives agricoles. Si c’est cela la solution, pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée depuis longtemps ? Il y a beaucoup d’entraves, dont bien sûr le financement. Aujourd’hui, le ministre de la Planification a annoncé dans les journaux que la planification est une chose importante. Je ne suis pas contre, mais il faut des fonds pour planifier et pour développer et améliorer.

— On parle beaucoup ces derniers temps, depuis la crise mondiale du blé, d’autosuffisance ! On a entendu qu’un pays comme les Etats-Unis a conseillé à l’Egypte de se concentrer sur des cultures qui rapportent de l’argent et qu’ils seront capables de nous fournir nos besoins en blé, récolte abondante chez eux. Est-ce vrai ?

— Oui, c’est vrai. Mais on doit prendre toujours ces conseils avec beaucoup de recul pour plusieurs raisons. Le marché international se développe d’une manière folle. La Chine et l’Inde, avec une population de 3 milliards de personnes, ont commencé à absorber les ressources de la planète. Aujourd’hui, ils n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins en aliments et ils ont commencé à chercher leur nourriture dans le monde ! Tout cela exerce une pression sur les ressources et les agricultures, et on ne sait pas si les récoltes seront disponibles ou non, et si oui, à quel prix ? On a commencé à le sentir depuis les années 1980, les prix des légumes et des fruits en Egypte ont alors connu des hausses raisonnables, aujourd’hui, les prix bondissent d’une manière exagérée. En plus, si on dépend complètement des Etats-Unis ou d’autres pays pour nous fournir la majorité de nos besoins en une récolte quelconque, qu’est-ce qu’on fera en cas de catastrophe, comme celle qui a frappé la Russie l’année dernière et qui l’a empêchée de fournir à l’Egypte ses besoins en blé ? Il faut savoir qu’on ne pourra jamais arriver à une autosuffisance complète, mais il est possible d’atteindre une autosuffisance de 50 ou même à 70 % de nos besoins et le reste est laissé à l’offre et à la demande.

— Parlez-vous ici de l’autosuffisance en récoltes stratégiques comme le blé par exemple ?

— Je parle de l’autosuffisance en général. Il n’y a rien qui s’appelle récolte stratégique. Si le blé pour l’Egypte est stratégique, le riz l’est en Asie, le maïs l’est en Afrique. Si le blé en Egypte n’est pas suffisant, on n’a qu’à changer nos modes d’alimentation, nous avons le riz en abondance, pourquoi pas ne pas considérer le riz comme notre source essentiel d’amidon ? Pour revenir au point de la sécurité alimentaire, il faut qu’il soit clair qu’on doit d’abord réaliser une autosuffisance à 70 % maximum et avoir si on veut à côté des récoltes pour générer des liquidités. Le paysan a besoin de gagner sa vie pour vivre au moment où un feddan de riz a rapporté 3 000 L.E., un feddan de tomates, durant la dernière crise, a rapporté 100 000 L.E. Plus de la moitié de cette somme va aux commerçants et intermédiaires alors que le paysan est resté 7 mois à travailler, a acheté les engrais et les pesticides et a payé des ouvriers agricoles pour l’aider dans les champs. C’est injuste. Pour dire que l’autosuffisance partielle dont je parle doit concerner les différentes récoltes.

— Tout ce dont vous parlez a besoin de recherche scientifique. Vous, qui occupez ce poste, comment évaluez-vous ce secteur ?

— Le financement est le nerf de la guerre dans ce secteur, or, en Egypte, il est minime. On ne va pas dire qu’il faut les 15 % du PNB comme aux Etats-Unis ou les 10 % comme au Japon, mais au moins, tentons de nous égaler avec nos voisins comme les pays de l’Afrique du Nord avec des taux de 3 à 4 %. Car, à long terme, c’est un bon investissement, et l’Etat doit prendre ce facteur en considération. Cependant, il faut dire que nous avons pu augmenter le budget du centre que je préside de 26 millions de L.E. il y a quatre ans à 72 millions. Mais nous avons besoin d’au moins 200 millions de L.E. pour que je puisse dire que nous sommes sur le chemin du développement du secteur agricole.

Propos recueillis par Dalia Abdel-Salam

 




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