Salaire Minimum.
Le gouvernement vient de fixer un salaire minimum de 400 L.E.
pour les salariés du secteur privé suite à un verdict de la
Cour administrative. Montant dérisoire pour l’Union des
travailleurs, les ONG et plusieurs économistes. Analyse.
Une augmentation qui ne
fait pas l’unanimité
Le
salaire minimum en Egypte sera dorénavant fixé à 400 L.E.
par mois, l’équivalent de 70 dollars. Il concernera les
travailleurs du secteur privé et ceux du secteur des
affaires. Ce montant a été décidé par le Conseil suprême des
salaires, présidé par le ministre du Développement
économique Osman Mohamad Osman. Le salaire minimum était
fixé à 35 L.E. par mois depuis 1984.
La décision a été prise la semaine dernière après un premier
décret de la Cour administrative, pris au début de l’année
en cours, obligeant le gouvernement à revoir le salaire
minimum à la hausse. Mais la décision du gouvernement n’a
pas fait l’unanimité et ce, pour trois raisons. La première
: le montant que le gouvernement propose est dérisoire. « On
parle à peine de 70 dollars. Ça ne fait même pas 100 », crie
l’un des représentants des syndicats. En fait, suite à
l’annonce de la décision, l’Union des travailleurs d’Egypte
a déclaré qu’elle va faire appel contre la décision du
Conseil des salaires. Les représentants des ouvriers
proposent en échange un salaire minimum de 500 L.E. pour les
travailleurs sans expérience, 750 L.E. pour les ouvriers
ayant un diplôme technique et 1 000 L.E. pour la
main-d’œuvre qualifiée. Pour les calmer, une réunion
regroupant des représentants de l’Union, le ministre du
Développement économique et celle de la Main-d’œuvre pour
discuter du sujet. Le résultat n’était pas brillant. On a
décidé d’organiser une conférence pour débattre de la
question des salaires en Egypte et pas seulement du salaire
minimum. Les résultats seront soumis au Conseil suprême des
salaires qui va les étudier.
Une réaction plus radicale est venue de la part de l’ONG qui
a intenté le procès devant la Cour administrative. Khaled
Ali, l’avocat et le directeur du Centre égyptien pour les
droits économiques et sociaux, a intenté un autre procès
contre le gouvernement en disant que ce
montant fixé est inférieur au seuil national de
pauvreté. Ceci dit, l’ouvrier ou l’employé qui touchera le
salaire minimum demeurera pauvre.
Samir Radwan, l’auteur d’une
étude qui vient d’être publiée sur ce thème, « Le salaire
minimum doit être de 656 L.E. par mois », propose de suivre
la méthode internationale qui détermine le salaire minimum
en fonction du seuil de la pauvreté.
Radwan, qui est aussi conseiller auprès de l’Autorité
de surveillance financière, ajoute : « Le seuil de la
pauvreté par personne est fixé à 1 968 L.E. par an selon les
chiffres de 2008. En admettant que la moyenne des membres
d’une famille en Egypte est de 4, le salaire minimum devra
être fixé à 656 L.E. par mois pour pouvoir la nourrir ».
Craintes d’abus
La deuxième raison pour laquelle la décision du gouvernement
est critiquée est qu’elle ne fixe pas le salaire minimum en
fonction du salaire de base. Ce dernier est en fait une
déformation originale de la grille des salaires en Egypte.
Pour réduire les sommes que payent les employeurs pour les
pensions et les primes, le gouvernement égyptien a inventé
ce qui est connu sous le nom de salaire de base et qui
représente en moyenne 20 % du salaire. C’est en fonction du
salaire de base que sont calculées les pensions et les
primes. « Selon la loi, c’est la partie fixe du salaire que
l’employeur ne peut pas toucher alors que les primes
pourront être réduites. Les employeurs pourront prendre cela
comme prétexte et ne payeront aux employés que le salaire de
base qui sera bien sûr inférieur à 400 L.E. », explique
Khaled Ali, qui a souligné cela dans le nouveau procès qu’il
a intenté contre le gouvernement.
Exclure la fonction publique
Le plus drôle dans la décision du Conseil des salaires était
d’exclure les fonctionnaires publics. Pour le gouvernement,
ceux-là ne sont pas concernés, car ils touchent tous un
salaire minimum qui se rapproche
des 400 L.E. Un chiffre démenti par beaucoup de
fonctionnaires. Certains ont indiqué leur salaire mensuel en
direct lors d’un programme télévisé qui a invité le ministre
du Développement économique. Plusieurs fonctionnaires qui
ont décliné leur nom et lieu de travail ont assuré que leur
salaire, primes incluses, est inférieur aux 400 L.E. dont
parle le ministre. Les employés des centres d’informations
qui ont organisé plusieurs sit-in devant le Conseil des
ministres, le dernier étant empêché le 26 octobre par la
police, sont une preuve de ce malentendu. Leurs salaires
sont même inférieurs à 100 L.E. Il s’agit d’employés sans
contrats ; ils ne sont pas inclus dans les statistiques du
ministre, mais ils sont employés par le gouvernement. Ce
qu’a dit Osman en défendant sa décision s’applique à eux
aussi : « La logique du salaire minimum est de défendre les
plus vulnérables, c’est-à-dire les nouveaux arrivants sur le
marché de travail et les moins qualifiés, pour ne pas faire
l’objet d’exploitation ». Ainsi, les fonctionnaires en
colère ont saisi l’occasion de l’annonce de cette décision
et réclament au premier ministre d’obtenir le salaire
minimum. Le gouvernement respectera-t-il la décision ou
va-t-il contredire sa propre décision ?
Marwa
Hussein