Côte D’Ivoire .
Sous le grondement des armes et de violence, la campagne
électorale pour le second tour de la présidentielle s’est
lancée entre le président sortant et l’ex-premier ministre.
Une tension extrême
La
campagne électorale pour le second tour de la présidentielle
historique du 28 novembre en Côte d’Ivoire s’est ouverte
samedi dernier, alors que d’intenses affrontements entre
partisans des deux rivaux, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo
et l’ex-premier ministre Alassane Ouattara, ont éclaté de
partout dans le pays. Lors du premier tour, le président
sortant a remporté 38 % des voix, alors que son opposant n’a
pas franchi le seuil du 32 %. Une situation qui a exigé la
tenue d’un second tour qui s’annonce dans une ambiance fort
tendue. Cette semaine, les deux rivaux du second tour ont
nettement durci le ton, en s’imputant la responsabilité de
l’éclatement des graves troubles qui ont rongé le pays
depuis une décennie. Cette inimitié de part et d’autre n’a
pas été remarquée lors du premier tour, elle n’a commencé à
submerger que lors de ces dernières semaines, au lendemain
d’échauffourées à Abidjan entre des partisans des deux
camps. Avec une vingtaine de blessés, dont deux policiers,
ces derniers accrochages semblent être les plus sanglants
depuis le premier tour. Pour ce scrutin, six fois reporté
depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005, la campagne du
premier tour le 31 octobre s’était déroulée sans incident
majeur et les discours étaient restés relativement mesurés.
Avant l’ouverture de la bataille du second tour, le
médiateur, le président burkinabé Blaise
Compaoré, a appelé à une
campagne « sans violence ». Avis partagé par plusieurs
responsables. Le président de la Commission Electorale
Indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, a souhaité lui aussi
qu’elle soit « pacifique ».
Mais les deux finalistes ont décidé de changer leurs
attitudes et se sont lancés dans une guerre verbale. A cet
égard, le président sortant a accusé pour la première fois
aussi explicitement son concurrent d’être responsable de la
violence politique qui plane sur le pays depuis une
décennie, l’accusant non seulement d’être à l’origine de la
rébellion de 2002, mais aussi du coup d’Etat de 1999 contre
M. Bidii « qui s’est transformé
en rébellion », a-t-il assuré en ajoutant : « Cette élection
est tout un symbole. C’est le jour contre la nuit, c’est le
bien contre le mal, une vraie bataille entre les démocrates
et les putschistes ».
En première réaction à ces déclarations, M. Ouattara lui a
répliqué en des termes inhabituellement durs : « C’est toi,
Laurent Gbagbo, qui as amené la violence à la politique en
Côte d’Ivoire ! », a-t-il lancé, le mettant en garde contre
les mensonges. « C’est le FPI (Front Populaire Ivoirien,
parti présidentiel) qui a assassiné le général Robert
Guio, chef de la junte militaire
au pouvoir de 1999 à 2000 et qui fut tué aux premières
heures du coup d’Etat de 2002 », a insisté l’ex-premier
ministre. Et pour affaiblir sa position, il a ajouté : «
Tout ce que tu as su faire a été de diviser les Ivoiriens,
d’amener la guerre à la Côte d’Ivoire et de piller les
ressources avec une tribu et un clan ».
En effet, l’ex-chef du gouvernement était aux côtés de
l’ancien président Henri Konan Bidii,
son principal allié du Rassemblement des
Houphouitistes pour la
Démocratie et la Paix (RHDP). Arrivé 3e au premier tour avec
25 % des voix, M. Bidii fait
figure de « faiseur de roi ». Si le RHDP assure la solidité
de son union et que ses candidats ont totalisé environ 60 %
au premier tour, le report des voix reste une inconnue.
Avant de s’allier en 2005, MM. Bidii
et Ouattara s’étaient affrontés à partir du milieu des
années 1990. Le camp Bidii avait
développé le concept nationaliste d’«
ivoirité » contre l’ex-premier ministre, accusé
d’être « étranger » par ses détracteurs et exclu du scrutin
de 2000 pour « nationalité douteuse ».
Essayant de trouver un appui, les deux finalistes ont mené
d’impressionnantes opérations de séduction en direction de
l’ancien chef de l’Etat (1993-1999), patron du Parti
Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-parti unique), et
son électorat, principalement l’importante ethnie
baouli, qui sont au cœur de cet
entre-deux-tours. Ils ont aussi multiplié les rencontres
avec des chefs traditionnels de cette communauté.
Maha
Salem