Al-Ahram Hebdo,Invité | Makram Mohamad Ahmad

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 Semaine du 20 au 26 octobre 2010, numéro 841

 

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Invité

Makram Mohamad Ahmad, président du syndicat des Journalistes, fait une analyse de fond sur les derniers événements qui ont secoué la presse et les médias en général. Il revient sur la censure, la nécessité de réviser toute la structure juridique qui gère la profession et sur l’affaire Al-Dostour.

« Ceux qui brandissent la censure
vivent dans un temps révolu »

Al-Ahram Hebdo : Les médias privés sont-ils accusés de dépasser les bornes en franchissant lesdites « lignes rouges », notamment dans le traitement de sujets sensibles politiquement ou socialement ? Partagez-vous cette manière de voir les choses ?

Makram Mohamad Ahmad : Nous vivons une transition entre une période où il n’y avait qu’une voix unique et celle de la diversité qui prévaut actuellement et qualifiée de chaos par certains.

Autrefois, notre presse était de mobilisation destinée à rassembler les gens autour de leur leadership, les unes des trois grands quotidiens ressemblaient à des photocopies d’un communiqué officiel avec une ligne éditoriale verticale et qui n’avait de place ni pour le débat ni pour l’échange des idées.

Aujourd’hui, les journalistes exercent une liberté qu’ils savourent pour la première fois. Il leur arrive de commettre des infractions qui ne sont pas graves en soi et qui sont le fruit d’un demi-siècle de censure.

— Le débat entre un évêque copte et un écrivain islamiste relayé par les médias a quand même ravivé une tension interconfessionnelle latente …

Il se peut que certains aient jugé que les informations relatives aux troubles interconfessionnels, à l’Eglise ou aux droits des coptes sont un scoop et ont décidé d’en abuser pour augmenter les ventes. Mais il serait absolument injuste d’accuser les médias d’inventer ou de provoquer les troubles interconfessionnels qui ont commencé dans les années 1970. Si aujourd’hui le climat prend un tournant dangereux, ce n’est pas à cause des médias, mais c’est plutôt parce que certains hommes de religion se sont engagés, pour la première fois, dans un débat futile visant à prouver la supériorité de la religion de tout un chacun.

— Le manque de professionnalisme ou la mauvaise foi chez certains journalistes ne sont donc pour rien dans ce genre de crises ?

Bien sûr que si. Il existe un manque de professionnalisme que favorise la concurrence entre un très grand nombre de jeunes publications. Cela dit, je continue à croire que les bons éléments survivront aux mauvais, la preuve en est que certains journaux privés ont commencé à rivaliser avec les grands quotidiens nationaux en termes de tirage et de lectorat, et que beaucoup de jeunes plumes écrivant dans ces journaux contribuent sensiblement à la formation de l’opinion publique.

— Face à ce qu’ils considèrent comme des transgressions inadmissibles, certains responsables brandissent le bâton de la censure …

Ceux qui brandissent la censure vivent dans un temps révolu. Les barrières sont tombées et les gens ne manqueront pas d’alternatives. La censure est le pire des remèdes, elle ne sert qu’à donner un sentiment de contrôle par le régime en place, un contrôle qu’il n’a pas en effet.

— Déjà, un nombre de chaînes qualifiées « d’obscurantistes » ont été interdites de diffusion sur le satellite égyptien, un rédacteur en chef d’un journal d’opposition, Al-Dostour, a été limogé, et des restrictions ont récemment visé l’envoi massif de SMS informatifs. Seriez-vous d’accord sur le fait qu’il existe bel et bien des tentatives pour imposer des restrictions à la liberté de la presse préalablement aux élections prévues ?

Si l’on établit un lien entre tous ces faits, on peut tirer cette conclusion. J’ai suivi de près l’affaire Al-Dostour et j’en ai conclu qu’il s’agissait plutôt d’une crise de confiance entre les propriétaires et les journalistes de ce journal. Cela dit, on est en droit de se demander pourquoi ces chaînes ont été interdites à ce moment précis. Pourquoi leur interdiction s’est faite par décision administrative et non pas suite à une enquête judiciaire ? C’est la concomitance de toutes ces décisions qui ont coïncidé avec la crise d’Al-Dostour qui a créé une atmosphère d’appréhension chez les journalistes. C’est un sentiment légitime. Finalement, il ne nous intéresse pas de fouiller les consciences des responsables, ce qui compte pour nous ce sont leurs décisions. Et ce que je vois c’est que sur la scène, il y a des lumières qui disparaissent, et j’en impute cette responsabilité au pouvoir exécutif.

— Pour revenir à la responsabilité des journalistes … vous avez fait allusion à un manque de professionnalisme que vous avez attribué à la concurrence, le syndicat n’a-t-il pas là un rôle à jouer ?

Malheureusement, les conditions de syndicalisation des jeunes journalistes ne garantissent pas le choix des meilleurs éléments et n’assurent pas au métier de bonnes ressources humaines. D’un autre côté, les membres des comités disciplinaires qui sont censés sanctionner les journalistes contrevenants s’abstiennent de punir leurs confrères pour des raisons « évidentes » relatives aux élections syndicales. Ce qu’il faut faire, c’est intégrer dans ces comités des journalistes de bonne réputation, des « sages du métier », aux côtés des membres du Conseil syndical. D’autre part, nous savons que certains propriétaires de journaux sont des escrocs qui ne respectent pas les droits financiers de leurs journalistes, et nous essayons, à travers des négociations, de traiter ce genre de problèmes au cas par cas. Mais tout cela est du rafistolage. Malheureusement, la loi actuelle du syndicat fait barrière à l’évolution. C’est une loi défaillante qu’il faut complètement changer. Et je m’engage, avant la fin de mon mandat l’an prochain, de présenter un nouveau projet de loi pour le syndicat ainsi qu’un projet de loi au Parlement relatif à la libre circulation des informations. C’est toute la structure juridique qui gère la presse en Egypte qu’il faudra changer.

— Et comment évaluez-vous les efforts du syndicat dans le domaine de la formation ?

Le syndicat s’est intéressé à l’initiation informatique des journalistes. Ceux qui ont suivi les stages offerts par le syndicat ont été récompensés par un ordinateur portable, ils sont plus d’un millier. Le syndicat dispense également des stages de langues étrangères qui sont très suivis par les journalistes. Mais cela dit, le rôle principal du syndicat reste d’assurer à ses membres des services dans les domaines de l’habitat, de l’assurance médicale, de les soutenir en cas de litiges avec leurs employeurs ou avec le régime s’ils subissent une injustice. Pour ce qui est de la formation, c’est une pratique quotidienne qui incombe principalement aux fondations de presse … et dans une moindre mesure au syndicat.

— Pour ce qui est de la révision — que vous estimez nécessaire — des conditions de choix des journalistes candidats à la syndicalisation, les journalistes de la presse électronique auront-ils leur place prochainement au syndicat ?

Nous acceptons le principe. Encore faut-il parvenir à une définition du journalisme électronique. Qui doivent être considérés comme journalistes ? Si nous devons accepter les webmasters des sites d’informations et les dizaines de milliers de blogueurs, ce sera ouvrir la boîte de Pandore. Le syndicat entend appeler les spécialistes à une conférence, pour s’entendre sur une définition qui permet de définir les catégories qui doivent être reconnues en tant que journalistes. Malheureusement, nous sommes souvent pris de court par la technologie.

— J’ai envie de revenir sur l’affaire Al-Dostour avant de terminer … quel est le champ d’action du syndicat dans cette crise ?

La crise est presque réglée. En assurant un rôle d’intermédiaire entre les propriétaires et les journalistes d’Al-Dostour, le syndicat a considéré un nombre de priorités : conserver les droits de ces 120 jeunes journalistes en sit-in et préserver la ligne éditoriale de l’équipe du journal. Quant au rédacteur en chef limogé Ibrahim Issa, j’ai exprimé ma solidarité avec lui et je suis prêt à le soutenir s’il opte pour le recours à la justice pour récupérer son poste.

— C’est un cas de relations conflictuelles entre les propriétaires d’un média privé et les journalistes qui doit dorénavant aussi être pris en compte. N’y pensez-vous pas ?

C’est une question très importante. Il est vrai que les grandes fondations égyptiennes comme Al-Ahram, Al-Akhbar ou Dar Al-Hilal ont été créées à l’initiative privée des Frères Takla, Amin ou Zidane. Or, ces derniers étaient essentiellement des journalistes qui s’intéressaient à cette industrie et non de simples investisseurs qui cherchaient à s’assurer la mainmise sur les journaux. Nous ne sommes pas contre la participation du capital privé, bien au contraire. Le problème c’est qu’il n’y a pas de règles claires pour gérer la relation entre les propriétaires et la rédaction. Les premiers sont-ils partenaires dans la définition de la ligne éditoriale ? Quelles sont les garanties qui préservent les droits des journalistes au cas où l’entreprise fait faillite ? … Le conseil du syndicat se réunit cette semaine pour soumettre une demande au Conseil suprême de la presse qui souligne la nécessité de faire adopter des règles strictes susceptibles de garantir les droits matériels des journalistes et l’indépendance des journaux.

Propos recueillis par Chérif Albert

 




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