Al-Ahram Hebdo,Société | Un appel avec des pincettes
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 Semaine du 6 au 12 janvier 2010, numéro 800

 

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Société

H1N1 . C’est timidement que le ministère de la Santé vient de lancer un appel aux couples de reporter tout plan de grossesse jusqu’au mois d’avril. La pilule passe mal auprès des Egyptiens.

Un appel avec des pincettes

« Il est préférable que les couples reportent tout plan de grossesse jusqu’au mois d’avril et ce, pour éviter le danger de mort qui menace les femmes enceintes d’être atteintes par la grippe A(H1N1) ». C’est l’appel lancé par le ministre de la Santé lors d’une interview dans un talk-show il y a une semaine. Il a pris soin d’adopter le ton paternel de quelqu’un qui veut avant tout protéger cette catégorie à risque.

Selon les responsables, 14 % des femmes enceintes atteintes du virus sont décédées.

En effet, le taux de mortalité chez les personnes de bonne constitution atteintes de la grippe porcine ne dépasse pas le 1 %.

« Il vaut mieux ne pas penser à la grossesse pour le moment, en attendant que le virus devienne plus faible », tel est le ton adopté par les responsables ces derniers jours.

Mais, les Egyptiens n’ont pas l’air convaincus par cet appel et ont des soupçons sur les véritables intentions des responsables. « C’est leur nouvelle astuce pour nous obliger à arrêter de procréer et de réaliser leur objectif tant attendu de faire face à l’explosion démographique. Ils ne veulent pas que les gens aient des enfants et la grippe porcine a été leur arme pour réaliser ce but », confie Ramadan, père de quatre enfants, et qui travaille comme portier. Sa progéniture demeure sa plus grande fierté. Il est même prêt à en avoir plus, puisqu’ils lui donnent un coup de main et l’aident à satisfaire les demandes des locataires de l’immeuble. Ce qui fait d’eux un bon investissement pour Ramadan.

A des centaines de kilomètres du Caire, des milliers d’habitants partagent ce même avis. Mahmoud, paysan originaire de Minya en Haute-Egypte, voit d’un regard critique l’appel du ministère de la Santé. « Ce n’est qu’une façon pour cacher leur échec sur la question du planning familial ». Et même s’il n’est pas expert en la matière, les chiffres semblent prouver ses paroles. Toutes les initiatives lancées par le gouvernement lors des dernières années n’ont pas porté leurs fruits. La création d’un ministère pour la Famille et la Population, et qui avait pour but de faire face à cette explosion, n’a pas changé grand-chose au niveau des mentalités. Et l’Egypte demeure le premier pays au niveau du nombre de la population dans le Proche-Orient, et le seizième au niveau mondial.

D’ailleurs, ce qui a accentué les craintes des gens, c’est le fait que le ministre de la Santé, en lançant son appel, a déclaré qu’il n’existe pas encore de justification scientifique pour expliquer ce taux élevé de mortalité parmi les femmes enceintes en cas d’atteinte par la grippe H1N1. Pourtant, il a préféré conseiller les couples d’attendre que l’hiver passe en paix avant que les femmes ne pensent à la grossesse.

Les experts confirment

La gynécologue Omayma Idriss explique qu’il n’est pas facile de traiter une femme enceinte si elle est atteinte du virus puisqu’on ne peut pas lui donner tout le traitement nécessaire. Mais, d’après Idriss, une femme enceinte qui contracte le virus peut prendre le Tamiflu. Car, il n’a aucun effet secondaire sur sa santé. Mais, cela n’empêche pas que, d’après Idriss, les cas les plus dangereux sont ceux des femmes enceintes atteintes d’autres maladies chroniques telles que le diabète, l’insuffisance rénale, l’hépatite ou les maladies cardiaques.

« Le risque de l’atteinte d’une femme enceinte est 12 fois plus élevé que chez une personne ordinaire. Et même au niveau de la protection, cela n’est pas suffisant et ne garantit pas qu’elle ne soit pas atteinte par le virus », explique Idriss.

Quant aux vaccins, la gynécologue explique que la femme enceinte ne peut pas être vaccinée en début de grossesse.

Et en ce qui concerne le bébé, les spécialistes estiment que les risques d’infection chez le fœtus ne sont pas élevés.

Jusqu’à ce jour, un seul cas de transmission du virus de la maman au fœtus a été confirmé en Thaïlande. Pourtant, médecins et gynécologues préfèrent la politique de la prévention.

« En fait, l’appel du ministre de la Santé doit être pris en compte, surtout qu’on a en Egypte le chiffre de 1,8 million de femmes enceintes. Un chiffre en hausse permanente », explique Hossam Abbass, directeur du secteur de la femme à la direction du planning familial auprès du ministère de la Santé.

Mais, il semble que chaque camp voit les choses à sa manière. D’un côté, les responsables ne cessent de lancer leurs avertissements au peuple, voulant à tout prix ne pas exposer les femmes enceintes au risque.

Et de l’autre côté, les couples veulent absolument avoir des enfants et ne sont pas prêts en aucun cas à abandonner ce rêve, peu importe les conséquences.

Noura, nouvelle mariée, est très inquiète parce qu’elle n’est pas encore tombée enceinte bien que mariée depuis quatre mois. « Mon mari et moi, nous sommes obsédés par l’idée d’avoir un bébé et on prie chaque matin pour que le Bon Dieu exauce notre vœu. Même si je prends le risque de mourir à cause de la grippe porcine, il n’est pas question de reporter ce beau rêve », dit la jeune mariée, âgée de 25 ans. Ses parents originaires de Haute-Egypte voient qu’il est déjà trop tard et que la jeune épouse ne peut pas perdre plus de temps avant de tomber enceinte.

La sociologue Azza Korayem avoue qu’un tel appel adressé aux couples de reporter leur plan de grossesse est assez difficile à faire passer dans une société qui a résisté au cours de toutes ces années à toute campagne de planning familial. « La société voit que la grossesse de la femme est une preuve de fertilité et un indice de la puissance sexuelle de son mari. Un regard accentué par les avis religieux qui dominent les esprits et ne sont pas toujours en faveur du concept du planning familial ».

Pourtant, certains préfèrent opter pour la raison. Dalia, jeune bancaire et maman d’un enfant de 3 ans, vient d’arrêter les pilules contraceptives pour avoir un autre enfant : « Il est vrai que je suis prête à tout pour avoir un bébé et mettre au monde une sœur pour mon fils Youssef, mais je ne suis pas prête à risquer ma vie et laisser mes enfants seuls au monde ». Dalia préfère donc attendre jusqu’à l’arrivée de l’été.

Vu les réticences, le ministère, après avoir laissé entendre qu’il lancerait une campagne pour la suspension des plans de grossesse, s’est rétracté en avançant qu’il s’agit juste d’un appel qui a plus l’allure d’un conseil.

Hanaa Mekkawi

 




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