Securité. Une
marche pour la levée du blocus contre Gaza entreprise par
des Français appartenant à une association civile a pris une
tournure plutôt aigre.
Avec les
Français dans
la « bande de Guiza »
Un
bras de fer s’est engagé entre les activistes et le
gouvernement égyptien. Reportage sur une manifestation
insolite.
La scène est incroyable,
surtout pour les passants égyptiens habitués à ne pas «
crier trop fort » leur révolte contre certains agissements
de leur gouvernement. Sur les trottoirs du Caire devant
l’ambassade de France à Guiza, 300 militants français sont
encerclés par une centaine de policiers anti-emeute. Cela
n’a pas l’air de les effrayer pour autant. Ils continuent de
scander leurs slogans haut et fort : « Libérez Gaza », «
Gaza, Gaza, on oublie pas ! ». Certains d’entre eux
brandissent des drapeaux palestiniens, d’autres portent le
célèbre keffieh palestinien et des t-shirts verts sur
lesquels sont inscrits « Palestine vivra » d’un côté et «
Boycott Israël » de l’autre. Ils sont tous membres du
collectif CAPJPO Europalestine, une association de citoyens
français de toutes origines, se disant « déterminés à
dénoncer sans relâche l’occupation des territoires
palestiniens qui perdure depuis des décennies ».
En octobre dernier, ce
collectif décide de préparer une « marche pour la liberté de
Gaza » qui viendra commémorer le premier anniversaire de
l’offensive israélienne sur Gaza, répondant ainsi à
l’initiative lancée par CODEPINK : « The Gaza freedom march
» l’été dernier aux Etat-Unis.
Arrivés au Caire le
dimanche 27 décembre, ils découvrent que les cars qui sont
supposés les transporter vers Rafah et avec lesquels ils
avaient signé un contrat ne viendront pas, les autorités
égyptiennes auraient refusé d’accorder l’autorisation. Les
membres choisissent de protester vivement et entament un
sit-in qui bloque entièrement l’avenue principale devant
l’ambassade. La situation se développe rapidement jusqu’à ce
que les forces de sécurité soient déployées et les
activistes contraints à n’occuper qu’un bout de trottoir
devant l’ambassade.
Deux
jours après, c’est toujours le statu quo. Les cars
n’arrivent pas et les activistes sont bien décidés à ne pas
abandonner leur cause, même s’ils doivent pour cela endurer
des circonstances exténuantes. Les ordres émis par le
ministère des Affaires étrangères sont quant à eux très
clairs : interdiction formelle aux médias d’approcher ou de
s’infiltrer dans le groupe. Il faudra attendre que
quelques-uns d’entre eux sortent de l’emprise policière « au
compte-goutte » pour pouvoir les aborder. « La première nuit
a été la plus éprouvante », raconte Belkacem, un activiste
de 50 ans. « Nous n’avions pas le droit de nous déplacer
hors de la sphère imposée par les forces de sécurité,
maintenant ça commence à se relâcher petit à petit. Entre-temps,
nous avons trouvé un surnom à cette place : la bande de
Guiza, en allusion à la Bande de Gaza », lance-t-il sur un
ton ironique. Belkacem reproche également à l’ambassade de
France de ne pas avoir été à la hauteur de leurs attentes
pour gérer la crise : « Une seule toilette pour 300
personnes, des queues interminables avant d’y entrer et
l’obligation de montrer son passeport pour y accéder ».
Une sorte de « check-point
» qu’il considère comme une injustice commise envers les
expatriés joints au groupe à l’occasion de cette marche.
Chris Den Hond en fait justement partie. C’est un Belge de
48 ans vivant à Paris qui reste de bonne humeur malgré les
obstacles qu’il a rencontrés. « Le plus embêtant pour moi
c’est la pollution sonore ainsi que celle plus marquante de
l’air, il y a continuellement de fortes odeurs de gaz qui
jaillissent des pots d’échappement, en conséquence, je me
réveille les mains toutes noires », se plaint-il en les
montrant. Mais il retrouve vite le sourire : « Ce qui est
tout de même magnifique, c’est notre capacité à nous
remonter le moral quand nous commençons à nous fatiguer en
se demandant pourquoi nous sommes ici, sur les trottoirs du
Caire, alors que notre rêve était de passer ce temps
précieux des fêtes de fin d’années auprès des habitants de
Gaza et leur montrer notre solidarité ».
En effet, selon Den Hond,
l’enthousiasme ne manque pas. Non seulement grâce au groupe
de musique MAP (Ministère des Affaires Populaires) qui a
tenu à les accompagner et qui continue à les motiver, mais
également par leurs propres slogans improvisés qu’ils crient
en arabe, en anglais et en français. « On a même vu des
larmes dans les yeux des soldats qui nous retiennent, quand
certains d’entre nous se sont mis à scander : Al-Chaab al-arabi
wahed ! (le monde arabe est une unité !), et ça m’a
profondément touché ».
Mizian Fathallah, un autre
activiste de 42 ans, préfère plaisanter sur le pittoresque
de la situation :
« Quand j’ouvre les yeux le
matin, la première chose que je vois, c’est les casques des
soldats au-dessus de ma tête, drôle de réveil ! Au lieu
d’être allongé sur une plage, on l’est sur le sol ! ».
Toutefois, il reprend un air sérieux avant de continuer.
« Notre objectif n’a jamais
été ni de perturber la circulation ni d’embarrasser le
gouvernement égyptien comme il a été rapporté dans certains
médias. Notre but était plutôt de nature politique : attirer
l’attention du monde entier sur les massacres qui ont lieu
dans la bande de Gaza depuis le blocus imposé par Israël ».
« Si ça ne tenait qu’à nous, nous serions déjà en Palestine
à l’heure qu’il est, nous avions même un calendrier
d’activités prévu avec des associations civiles à Gaza
jusqu’au 2 janvier prochain. Pour ce faire, les documents
requis par l’ambassade d’Egypte en France avaient été
fournis, toutes nos procédures et démarches sont légales
depuis le début ».
Bien que les démarches en
question aient été prises de longue date, les résultats sont
malheureusement décevants. Belkacem le résume en quelques
mots sur un air bien triste : « Cette expérience nous a
donné une petite idée de ce que vivent les habitants de la
bande de Gaza, mais pour ma part, je ne remettrai plus les
pieds en Egypte » .
Pacynthe
Sabri