Ile saadiyat .
Etablir un équilibre entre un développement touristique
ambitieux et la préservation des écosystèmes est l’équation
difficile qui se réalise sur cette île d’Abou-Dhabi (Emirats),
où le Musée du Louvre et les forêts des mangroves seront
voisins. Reportage.
La
mangrove pour préserver le bonheur
Il faut
presque une demi-heure en voiture pour aller de l’Agence de
l’environnement d’Abou-Dhabi à l’île Saadiyat ou, en
français, Ile du bonheur. Cette île naturelle de 27
kilomètres carrés se trouve à 500 mètres de la côte d’Abou-Dhabi,
la riche capitale fédérale des Emirats arabes unis. Du sable
blanc s’étend à perte de vue. Des bulldozers et des ouvriers
viennent animer la scène de cette île presque vide sauf
d’une dizaine de gazelles et d’arbres de mangroves. L’île
est aujourd’hui un chantier énorme. C’est le site qui, dans
une décennie, sera une destination touristique
internationale stratégique qui marquera une nouvelle ère
dans l’évolution des Emirats, mais surtout d’Abou-Dhabi,
connu comme le grand frère de Dubaï. Le projet d’aménagement
de l’île Saadiyat qui comporte trois phases devrait être
achevé à l’horizon 2020. Le plan directeur prévoit sept
quartiers très distinctifs renfermant 29 hôtels, trois
marinas avec des points d’amarrage combinés pour environ 1
000 bateaux et 4 musées : Musée maritime, Centre des arts
vivants, Guggenheim et le Louvre, ainsi que deux parcours de
golf, dont l’un sera le premier parcours des Emirats à
porter la signature de Gary Player et le premier du Golfe
d’Arabie à comporter des trous sur le front de mer. Sans
passé glorieux, l’île Saadiyat aura sans doute un futur
glorieux.
Une fois
arrivé sur l’île, il est interdit de prendre des photos !
Seule l’Agence de l’environnement était autorisée à le
faire.
En fait,
les 30 kilomètres de littoral de Saadiyat comportaient de
nombreuses caractéristiques écologiques dont la plus
importante est les mangroves. La question principale était :
le développement touristique ne menacera-t-il pas
l’existence de ces végétations nécessaires pour maintenir
l’équilibre écologique ?
La
réponse est claire : « Quand on se trouve obligé d’arracher
un arbre, on en plante deux à la place », assure Nasser Al-Shaiba,
directeur des Affaires de l’environnement au sein de la TDIC
(Tourism Development & Investment Company), compagnie
gouvernementale chargée du développement touristique.
Pour que
la solution d’Al-Shaiba soit possible, la TDIC, avec la
coopération de l’Agence de l’environnement d’Abou-Dhabi et
des experts, a mis en place une sorte de garderie pour
abriter les bébés mangroves.
La
garderie s’étend sur deux hectares, sur la côte Est de l’île
Saadiyat. Des centaines de plants sont prêts pour être
transplantés dans leurs milieux naturels sur l’autre rive,
où maman Nature prendra soin d’eux.
« Nous
essayons de reproduire les mangroves dans cet endroit afin
de préserver la nature du site. Comme les humains, les
petites mangroves ont besoin de beaucoup de soins pour
devenir adultes », explique Najamuddin R. Vistro,
spécialiste de mangroves auprès de Barari Forest Managment,
consultant de l’Agence de l’environnement d’Abou-Dhabi.
Selon
lui, jusqu’à présent, ils ont réussi à cultiver 750 000
plants durant les deux dernières années. Ce n’est que le
début d’un plan ambitieux qui vise à reproduire et planter
un total de 500 000 arbustes à l’horizon 2011.
Dans un
coin de la garderie, des pots contenaient des plants de
quelque 30 centimètres, âgés d’un an. Dans un autre coin,
d’autres pots contenaient des semis de quelques mois, qu’on
collecte à la main.
« Dans
deux heures, le raz-de-marée aura submergé les plants, les
graines et même les petits arbustes qu’on vient de planter
sur l’autre rive. Les mangroves passent six heures sous
l’eau et six autres à l’air », explique M. Vistro.
En fait,
le plan de deux ans qui vise la reproduction de 500 000
plants avance beaucoup plus rapidement que prévu. Déjà, ils
ont reproduit quelque 200 000 plants durant les trois
derniers mois.
Sur
l’autre rive qu’on ne peut atteindre qu’à travers le bateau,
quelque 25 personnes étaient très occupées à mettre les
plants dans les endroits naturels les plus favorables à leur
vie, selon les experts.
En effet,
la production en mangroves de la garderie de Saadiyat aide
également à réhabiliter ces végétations dans d’autres
endroits comme l’île de Ras Ghanada qui témoignera
prochainement de la plantation de 6 000 plants.
Les
mangroves, barrière contre le tsunami
En fait,
le principe du développement durable est respecté sur le
site du projet merveilleux de Saadiyat. Les responsables ont
bien assimilé que pour gagner le tourisme, il ne faut pas
perdre l’équilibre écologique. Quand on dit l’île Saadiyat,
c’est tout de suite le sable et les mangroves qui viennent à
la tête.
Pour
ceux qui ne le savent pas, les mangroves sont des arbres qui
se développent sur le littoral dans des zones calmes et peu
profondes. Elles assurent une excellente protection contre
l’érosion et même les tsunamis. De plus, les mangroves
jouent un rôle important dans la fixation du carbone. Elles
constituent des stabilisateurs efficaces pour certaines
zones côtières fragiles et contribuent à la résilience
écologique des écosystèmes après les cyclones et tsunamis et
face aux effets du dérèglement climatique, incluant la
montée des océans.
Les
mangroves se trouvent dans 112 pays à travers le monde. Un
taux de 43 % se trouve en Asie où les conditions de vie des
mangroves sont les plus favorables au niveau de la
température et de l’humidité. A cause de la température
élevée et la sécheresse, le Moyen-Orient ne contient que 6 %
de la quantité totale des mangroves dans le monde.
Aux
Emirats arabes unis, les mangroves couvrent 40 km2 carrés
dont plus de 65 % à Abou-Dhabi (quelque 25 km2).
« La
seule espèce de mangrove qui vit actuellement dans la région
est la mangrove grise ou Avecenia marina, car c’est la seule
à supporter la température et le degré de salinité élevé
dans la région », avoue Najamuddin Vistro.
Vu les
menaces exercées des changements climatiques et la montée
des eaux des mers, les responsables du projet de Saadiyat
ont bien retenu la leçon.
« La
surface totale couverte de mangroves sur l’île Saadiyat sera
de 1,5 million de m2 », souligne Nasser Al-Shaiba.
Dans ce
cas, reproduire et préserver la mangrove va au-delà du
simple fait de maintenir l’équilibre écologique. Cela aidera
à préserver les quelques milliards de dollars investis sur
cette île qu’un tsunami pourra frapper un jour !.
Dalia
Abdel-Salam