Iran .
Le chef de l’opposition, Mir Hossein Moussavi, a exprimé
cette semaine son intransigeance face aux menaces du régime,
allant jusqu’à réclamer sa tête. Le régime a, de son côté,
organisé des contre-manifestations pour se défendre.
Une
opposition plus dure que jamais
Au
moment où Téhéran risque de succomber à une nouvelle série
de sanctions internationales à cause de son programme
nucléaire suspect, les troubles post-électoraux, qui ont
éclaté en juin, continuent de déchirer le pays. Malgré les
menaces du pouvoir politique, religieux et judiciaire,
l’opposition a continué cette semaine de défier le régime du
président Ahmadinejad. A l’instar de la semaine écoulée,
cette semaine aussi a témoigné de remous et de perturbations
de la part des opposants du régime. Des manifestations
anti-régime se sont déchaînées dans les quatre coins du pays
et le principal adversaire du président lors des
présidentielles de juin, Mir Hossein Moussavi, a paru plus «
défiant » que jamais. Alors que les plus conservateurs
réclament sa tête, le principal opposant iranien s’est dit
prêt à mourir en « martyr », dénonçant les exécutions et les
arrestations arbitraires ordonnées par le régime pendant les
six derniers mois.
En effet,
le neveu de Moussavi a été tué par balle lors de
manifestations antigouvernementales la semaine dernière, ce
qui constituait « une sorte de dernier avertissement » à
Moussavi, selon les analystes. Inébranlable malgré toutes
les menaces, Moussavi a lancé cette semaine l’une de ses
déclarations les plus agressives depuis le début de la crise
actuelle, promettant l’échec aux autorités si elles
persistent à vouloir faire taire l’opposition via les
arrestations, la violence et les menaces. « J’affirme
clairement que l’ordre d’exécuter, assassiner et emprisonner
les leaders de l’opposition ne résoudra pas le problème », a
défié Moussavi. « Je n’ai pas peur d’être un des martyrs
offerts par le peuple dans sa lutte pour des revendications
justes. Tuer des manifestants ne fait que renforcer
l’opposition », prévient-il, en reprenant les termes du
défunt ayatollah Khomeiny lors de la Révolution islamique de
1979 : « Tuez-nous, nous n’en deviendrons que plus forts ».
Proposant au régime un plan de sortie de crise en cinq
points, M. Moussavi a proposé cette semaine, d’abord, que le
gouvernement accepte d’être responsable de ses actes devant
le Parlement, le pouvoir judiciaire et la nation. Ensuite,
qu’une loi soit adoptée pour obtenir des élections libres et
équitables. La présidentielle de juin, qui a vu la victoire
de M. Ahmadinejad, était entachée de fraudes aux yeux de
Moussavi. Troisième point : la libération des prisonniers
politiques et leur réhabilitation — plus de 500 ont été
emprisonnés la semaine dernière. Quatrième point : la
liberté de la presse et la réouverture des journaux fermés.
Dernier point : reconnaître les droits des citoyens,
notamment la validité de l’article 27 de la Constitution qui
accorde la liberté de manifester.
Pourtant,
le plan de Moussavi a été rejeté par les autorités et
l’ayatollah conservateur Ahmad Jannati lui a immédiatement
répondu que ces opposants resteraient emprisonnés car ce
sont, selon lui, « des corrompus sur Terre », une accusation
passible de la peine de mort. Samedi, le procureur général
d’Iran avait également menacé les opposants de poursuites et
de procès s’ils ne dénonçaient pas les manifestations
antigouvernementales, alors que le numéro deux de l’appareil
judiciaire, Ebrahim Raisi, a qualifié les manifestants de
l’opposition d’« ennemis de Dieu » (mohareb), un crime
passible de la peine de mort. Lors des manifestations
antigouvernementales la semaine dernière (huit morts et des
centaines d’arrestations), certains opposants ont déclenché
la fureur des ultras du régime en osant pour la première
fois scander des slogans hostiles à l’ayatollah Ali Khamenei,
un tabou dans ce pays où le guide suprême est censé n’être
redevable que devant Dieu. Pour les plus conservateurs,
s’opposer à Khamenei revient donc à s’opposer à Dieu, d’où
les appels à l’exécution de ces opposants.
Mettant
en garde contre toute atteinte aux têtes de l’opposition, le
fils du chef religieux dissident iranien Hossein Ali
Montazeri, décédé le 19 décembre, a estimé dimanche que
l’arrestation ou la disparition de Moussavi aurait des «
conséquences catastrophiques » sur son pays. « J’espère
encore que les gouvernants se montreront raisonnables,
qu’ils accepteront un compromis pour emprunter la voie d’une
réconciliation nationale », poursuit-il, ajoutant
qu’Ahmadinejad doit en tout cas démissionner pour sauver le
pays. Partageant la même vision, certains experts ont
affirmé cette semaine que l’éventuelle arrestation des
principaux leaders de l’opposition, Moussavi ou Mehdi
Karoubi, risquerait, non pas d’étouffer la contestation,
mais de l’enflammer encore plus, provoquant une dangereuse
escalade de la violence.
Slogans
violents
Contre
vents et marées, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad,
a estimé cette semaine que les manifestations anti-régime
ont été instrumentalisées par les Occidentaux. « C’est un
scénario commandé par les sionistes et les Américains. C’est
un spectacle qui fait vomir, mais aussi bien ceux qui l’ont
planifié que ceux qui ont participé à ce spectacle se
trompent ». Le président iranien a également dénoncé les
déclarations du président américain, Barack Obama, et du
gouvernement britannique, critiquant la répression de ces
manifestations. Dans ce même cadre, le ministre des Affaires
étrangères, Manouchehr Mottaki, a durement critiqué la
Grande-Bretagne, qu’il a accusée d’ingérence dans les
affaires intérieures iraniennes. L’ambassadeur de
Grande-Bretagne a été même convoqué au ministère des
Affaires étrangères pour recevoir la protestation officielle
de la République islamique contre les ingérences dans les
affaires intérieures du pays.
Tout au
long de la période post-électorale, la Grande-Bretagne, les
Etats-Unis et la France ont durci le ton contre l’Iran.
Selon la presse américaine, Washington prépare des sanctions
contre certains éléments du gouvernement iranien impliqués
dans la répression des manifestations. Même le président
Nicolas Sarkozy a condamné « la répression sanglante » du
régime et mis en garde contre des arrestations
supplémentaires, qui aggraveraient encore la situation.
Pour
répondre à toute cette vague de protestations internes et
externes, le pouvoir a organisé cette semaine une série de
contre-manifestations pour défendre le régime en danger.
Gardiens de la révolution, écoles théologiques,
administrations et grandes entreprises ou associations …,
toutes les organisations contrôlées par le pouvoir ont été
mobilisées pour cette contre-attaque gouvernementale. Des
centaines de milliers de personnes, des millions selon les
médias officiels, ont affiché dans de nombreuses villes leur
soutien au président Ahmadinejad et au guide suprême Ali
Khamenei. Les slogans scandés ont en revanche été parfois
violents, allant jusqu’à réclamer la « pendaison » des
figures de l’opposition. Aucun heurt avec l’opposition n’a
été pourtant rapporté. Depuis la réélection contestée du
président Mahmoud Ahmadinejad, en juin dernier, l’Iran
traverse une période de troubles marquée par d’importantes
manifestations. Tiraillé entre l’unité politique du pays qui
se fissure et les pressions occidentales qui visent à
stopper son programme nucléaire, le régime iranien risque de
perdre l’équilibre.
Maha
Al-Cherbini