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 Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803

 

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Intempéries. Des pluies torrentielles ont frappé cette semaine plusieurs régions d’Egypte, provoquant d’énormes dégâts. Reportage à Al-Arich au Nord-Sinaï, l’une des régions les plus touchées.

L'amertume

Ceux qui ont assisté à la scène s’en souviendront toujours. C’était un énorme déluge, de 7 ou peut-être 10 mètres de haut, déferlant à une vitesse terrifiante. « Il a tout emporté, nos biens et nos commerces », affirme Fatma, une habitante d’Al-Arich, sur un ton amer. C’était le lundi 18 janvier, les habitants n’ont été prévenus qu’à la dernière minute. « Quelques heures seulement avant le déluge, on a vu des voitures munies de microphones sillonner la ville pour nous avertir qu’un énorme torrent allait arriver et nous demander d’évacuer rapidement les lieux », poursuit Fatma. Et d’ajouter : « Nous avons à peine eu le temps de partir et de sauver nos âmes. On a vu ensuite ce tsunami arriver. En partant, on a laissé derrière nous tous nos biens », lance pour sa part Kamel Ibrahim, propriétaire d’un petit kiosque qui a été emporté par le torrent. « Lorsque l’eau est arrivée, elle s’est heurtée aux habitations et à une grande muraille, sur laquelle il y avait un portrait du chef de l’Etat. Elle a inondé les rues et les maisons », raconte ce citoyen. Selon lui, les responsables au gouvernorat avaient été prévenus préalablement de ces intempéries. « Ils auraient pu au moins démolir cette énorme muraille de béton qui a gêné le passage du torrent et a amplifié la catastrophe ». Quelques jours après le déluge, la situation est toujours difficile. La ville a été scindée en deux parties totalement isolées l’une de l’autre. Les eaux ont envahi la plupart des rues. Habitations, écoles et échoppes sont inondées. Et même l’hôpital d’Al-Arich n’a pas été épargné. Les familles des patients ont été priées de transférer leurs proches vers l’hôpital d’Ismaïliya, dans le gouvernorat voisin. Les rues d’Al-Arich sont encore le théâtre de voitures renversées, confirmant la violence des pluies diluviennes. Les routes asphaltées ont été ravagées. Les lignes électriques et les services de télécommunication et de téléphonie mobile sont coupés. La station de drainage sanitaire a été mise hors service. Quant aux terrains agricoles, ils sont submergés et des centaines de têtes de bétail et de volaille sont noyées. Les inondations ont entraîné également le naufrage d’un certain nombre de chalets de cette ville estivale. Maintenant que l’eau du torrent, qui a atteint trois mètres de haut, a commencé à reculer, les habitants se mettent à la recherche de ce qui reste de leurs biens. « J’ai perdu ma fille, mes papiers, mon argent, mes meubles. Il ne reste plus rien. Que Dieu inflige aux responsables le plus grand châtiment », se lamente Mohsen Abbass. Les autorités ne donnent aucun bilan précis. On sait seulement qu’il y a une vingtaine de morts, sans compter les personnes portées disparues. Environ 1 500 familles se retrouvent sans abris après l’effondrement de leurs habitations. Elles sont rassemblées dans les écoles et les mosquées. Certaines sont sur les terrasses des maisons, avec leurs enfants, drapés de couvertures et frissonnant de froid et assiégés par les eaux du torrent. Pour venir à leur secours, d’autres habitants ont dû louer des barques pneumatiques. Les habitants tentent de s’organiser tant bien que mal. Manches retroussées et couvertes de boue, certains d’entre eux se pressent d’évacuer l’eau de leurs maisons avec des seaux. D’autres ont fait venir des bulldozers pour faciliter la tâche. « C’est grâce à l’intervention d’une grande famille d’Al-Arich, Al-Fawakhreya, que des bulldozers sont venus pour sauver les citoyens et limiter les dégâts. Les membres de cette famille possèdent un certain nombre de bulldozers », explique Ahmad Al-Khalily, fonctionnaire. Ces engins forment des barrières de sable devant chaque maison pour ralentir la ruée de l’eau et empêcher son accès dans les rues. Ils évacuent l’eau et la boue et transportent également les gens. Ce n’est qu’au quatrième jour du drame que les forces armées ont été dépêchées pour installer deux ponts reliant les deux parties de la ville. Des hélicoptères ont aussi sillonné la ville afin de secourir les personnes bloquées par les eaux. Des camps de secours ont été montés pour les sans-abri. Le ministère de la Santé a envoyé un convoi médical pour aider les malades jusqu’à ce que l’hôpital d’Al-Arich rouvre ses portes, mais les habitants sont en colère.    Deux jours après la catastrophe, le premier ministre a décidé de visiter la ville afin de constater l’ampleur des dégâts. Une visite qui s’est limitée uniquement à la rencontre du gouverneur. A la fin de sa visite, le chef du gouvernement a décidé de verser des indemnités immédiates aux habitants touchés : 5 000 L.E. à la famille d’une personne décédée, 1 000 L.E. pour chaque blessé, et 15 000 L.E. pour les sans-abri. Pour le moment, les familles sinistrées affirment n’avoir reçu que des couvertures. Beaucoup d’entre elles se demandent pourquoi cela leur est arrivé. N’aurait-il pas pu être évité ?

Négligence des autorités

Comme d’autres régions, notamment au sud de l’Egypte et dans le Sinaï, Al-Arich est une zone frappée par les inondations. « Deux grandes inondations avaient frappé la ville en 1975 et 1981 », explique Yaqoub Khedr de la Direction de l’irrigation à Al-Arich. Et d’expliquer que suite à ces inondations, un grand ravin avait été creusé pour évacuer les eaux du torrent vers la Méditerranée. « Mais voyant qu’il n’y avait plus de torrents depuis 1981, l’ancien gouverneur d’Al-Arich, le général Ahmad Abdel-Hamid, a décidé d’utiliser cette zone d’une largeur de 700 mètres et proche de la mer dans le développement urbain », ajoute-t-il. On a construit dans ce ravin un complexe sportif (le village olympique) de même qu’un village touristique et un marché pour les vendeurs ambulants. Or, après trente ans, le déluge a tout emporté. Ce gouverneur a été limogé lors du dernier remaniement des gouverneurs, il y a deux semaines. Le nouveau gouverneur, lui, n’a fait aucune déclaration aux médias. « Le gouvernorat envisage de déplacer les constructions qui se trouvent dans le ravin vers un autre lieu. Toutes les personnes touchées par le torrent seront indemnisées », affirme Mohamad Al-Haqiqi, secrétaire du gouvernorat d’Al-Arich. « Quel gâchis », s’insurge le député d’Al-Arich, Hassan Nachaat. Il accuse l’ancien gouverneur de négligence. « C’est lui qui a décidé d’exploiter le terrain du ravin, il n’a pas voulu entendre les mises en garde des députés et des chefs des familles locales à Al-Arich. Ce qu’il a fait est contraire aux lois du ministère de l’Irrigation qui stipulent que toute habitation située sur l’itinéraire d’un torrent doit être évacuée », affirme le député. Il réclame l’ouverture d’une enquête afin de juger les responsables de cette catastrophe.

Héba Nasreddine

 




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