A chacun sa façon

Makram Mohamad Ahmad

Le président yéménite, Abdullah Saleh, ne s’est pas montré enthousiaste à l’idée de recevoir des soldats américains pour l’aider à faire face à Al-Qaëda, dont le pouvoir s’est dernièrement répandu au Yémen. En effet, cette organisation terroriste a réussi à conclure des pactes avec plusieurs tribus, notamment au sud du pays. De plus, les Américains sont convaincus qu’elle est devenue extrêmement dangereuse et même capable de planifier des opérations terroristes développées en utilisant des technologies de pointe. Cela, à l’instar de la bombe que le jeune nigérien Omar Al-Farouk a cachée dans ses sous-vêtements et qui n’a pas été détectée par les postes de sécurité dans l’un des aéroports les plus développés du monde.

Le président yéménite est convaincu que la présence de forces américaines sur le territoire yéménite constituera un facteur d’attraction pour les éléments d’Al-Qaëda qui viendront de toutes parts pour lutter contre la présence militaire américaine, exactement comme cela s’est passé en Iraq, sans oublier la répugnance des tribus yéménites de la présence de forces étrangères sur leurs terres. Il confirme ainsi qu’il affrontera cette organisation selon les procédés qu’il juge appropriés. Et bien qu’il se dise prêt à l’affrontement militaire, il n’écarte pas la possibilité du dialogue et de la réconciliation si les tribus acceptent de jeter les armes.

Les Américains, pour leur part, craignent que l’affrontement d’Al-Qaëda ne figure pas parmi les priorités du président yéménite qui estime que le principal danger menaçant la sécurité de son pays vient des Houthis au nord et des séparatistes au sud. Washington met aussi en doute l’efficacité des politiques de Sanaa qui a libéré plusieurs leaders d’Al-Qaëda transférés de la prison de Guantanamo, des leaders qui ont malheureusement repris leurs activités au sein de l’organisation. C’est peut-être pour cette raison que le président américain reporte la fermeture du camp de Guantanamo qui ne regroupe plus que 100 Yéménites, car ses conseillers lui ont demandé de ne pas les remettre à Sanaa.

Si les allégations américaines sont vraies, que le président yéménite, qui a au recours à de nombreux éléments d’Al-Qaëda en 1994 pour imposer l’unité aux dirigeants d’Aden, n’a pas l’intention de mener un affrontement global contre Al-Qaëda, il est aussi vrai qu’Al-Qaëda soutient aujourd’hui le mouvement séparatiste du sud et qu’il est presque devenu sa branche militaire. Ceci est une raison suffisante pour que Sanaa réalise que la coalition avec le terrorisme pour des objectifs temporaires est une cause perdue et qu’Al-Qaëda représente un danger fondamental pour le Yémen, le Golfe, la Corne d’Afrique et le Moyen-Orient, un danger qu’il faut absolument affronter. Le président yéménite a tout le droit de mener la bataille à sa manière sans les forces américaines dont la présence sur le territoire constituera sans nul doute un lourd fardeau .