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 Semaine du 20 au 26 janvier 2010, numéro 802

 

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Haut-Barrage dAssouan . Il y a cinquante ans, le lancement de cet ouvrage grandiose a rassemblé tous les Egyptiens. Aujourd’hui, on déplore l’absence de projet et d’idéal nationaux. Mais les temps n’ont-ils pas changé ?

La dernière grande Pyramide

 

Faire sauter une colline de granit, telle était la mission, ce jour de janvier. Le boom qui a retenti dans les lieux, la poudre et l’écroulement qui ont suivi ont donné le coup d’envoi pour la construction du Haut-Barrage d’Assouan. C’était il y a une cinquantaine d’années, la main de Nasser rejoigna celle de Mohammed V, roi du Maroc, et de Choukri Al-Qowatli, président syrien, pour appuyer sur la manette et faire exploser 6 tonnes de dynamite. Les pierres tombent, le cours du Nil devrait alors changer. Parce que le grand objectif de ce réservoir d’eau était de réguler les crues du fleuve, produire de l’électricité et étendre les surfaces irriguées.

Pendant 10 ans, quelque 30 000 travailleurs se mettent à construire un gigantesque ouvrage d’environ 43 millions de m3. Une gageure, croit-on, en Egypte. Le pays était mobilisé presque en entier et l’exécution du projet était à l’époque synonyme de dignité de chaque Egyptien et d’orgueil de toute une nation.

La Banque mondiale venait quelques années auparavant, en 1955, de revenir sur sa promesse de cofinancer le projet avec les pays occidentaux. Les Etats-Unis s’étaient retirés, suivis de la Grande-Bretagne, en fait, pour « punir » l’Egypte, tout en prétendant que ce projet est de peu de valeur. Sur le fond, c’était de la politique : un contrat d’armement entre l’Egypte et la Tchécoslovaquie est la raison avancée par les historiens. Un autre marché secret d’armement entre Le Caire et Washington était tombé à l’eau.

La conséquence est connue : Nasser décide de nationaliser le Canal de Suez pour financer le projet. Israël, la France et la Grande-Bretagne lancent alors une offensive militaire contre l’Egypte. Nasser se tourne vers Moscou et quatre ans plus tard, en 1960, le raïs annonce le début des travaux du Haut-Barrage, ralliant les Egyptiens derrière lui. « ô  colonialisme, c’est de nos propres mains que nous avons construit le Haut-Barrage, de nos propres ressources et avec le labeur de nos ouvriers », chantait Abdel-Halim Hafez, star de la chanson. On était en plein nationalisme égyptien, dans un contexte de la chute de la monarchie. Les scènes de la vie à l’époque ressemblaient à celles d’un film du style du réalisme socialiste, où toute la nation était mobilisée derrière un seul objectif, dans l’esprit d’une seule vérité et sous le commandement d’un héros exemplaire. (Lire témoignages page 5).

Qu’en reste-t-il ?

Une cinquantaine d’années plus tard, des Egyptiens s’interrogent pourtant sur l’utilité du barrage, ses aspects négatifs, parce qu’il y en a. Une modification géologique du Delta du Nil, l’absence de limon fertilisateur retenu derrière le barrage et le recul du débit du Nil.

Le jubilé d’or est, somme toute, fêté dans une discrétion remarquable. Inutile de s’attendre à une sortie du président à l’occasion. Les dirigeants du pays ne se sont pas prononcés sur le sujet, laissant au ministre de l’Irrigation, Mohamad Allam, le soin d’organiser des festivités « médiocres » sur place et de publier un article technique de très peu d’intérêt, dans le quotidien Al-Ahram : Le Haut-Barrage … 50 ans, exploits et apports, dans lequel il relate les bienfaits du barrage qui « a protégé les Egyptiens, la terre et les biens contre les inondations ».

Saad Nassar, président de l’Association des constructeurs du Haut-Barrage : cela fait plus d’un quart de siècle que cet ingénieur, qui a fondé avec ses collègues « le projet du siècle », lutte pour trouver un lieu qui abriterait cette association chargée de conserver la mémoire de 10 d’années de construction. Une époque de gloire qui ne semble ressortir que dans les mémoires de quelques fidèles. Pour certains, la mémoire des grands projets et des grands moments de mobilisation remonte à des époques bien lointaines et souvent mal connues. De la construction des pyramides au creusement du Canal de Suez, autant de réalisations grandioses basées sur des idées absolues, celle du Canal étant par exemple reliée à la modernisation, l’Egyptien s’est trouvé toujours mobilisé pour une grande cause. Le Haut-Barrage est la dernière. On a vu des tentatives de faire de Toshka une nouvelle initiative du genre, un projet signé Moubarak. Mais cette entreprise a fait long feu. Elle a buté, selon les spécialistes, sur des études de faisabilité peu soignées et aussi sur le manque d’enthousiasme de la population. Celle-ci semble tout à fait blasée, déçue. Une situation économique contraignante et des objectifs politiques peu clairs. Si le Haut-Barrage a servi de détonateur à une certaine fusion peuple-pouvoir, il y a aussi le fait que les conditions socio-politiques ont servi de base. L’Egypte des années 1950, c’est aussi celle de la confirmation de l’indépendance, de la lutte contre l’impérialisme, de la montée du tiers-mondisme et de la participation active de l’Egypte aux mouvements d’indépendance africaine. Tout un système qui se complète.

Aujourd’hui, que reste-t-il de tout cela ? Le patriotisme et l’esprit civil ont été écrasés par un idéal, se situant plutôt dans la recherche de l’enrichissement par tous les moyens. Rallier les Egyptiens autour d’un projet « pyramidal et national » est loin d’être sur l’agenda du pouvoir en place, c’est dire qu’il n’est même pas l’esprit.

Les hommes du régime estiment que l’époque actuelle est plutôt celle d’une mondialisation qui ne favorise pas un nationalisme exacerbé. Le pragmatisme est la loi. Si Nasser a fait du Haut-Barrage son cheval de bataille et Sadate s’est basé sur une guerre et une paix avec Israël, les différents gouvernements sous Moubarak ont préféré gérer le quotidien, parlant d’infrastructure, sans trop s’aventurer dans des projets « coûteux » et « risqués ». Cependant, les sociologues affirment que sortir de l’impasse actuelle, politique et sociale exige un nouveau projet national. Reste à l’inventer .

Samar Al-Gamal
Ahmed Loutfi

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