Al-Ahram Hebdo, Egypte | Dissuasion rassurante
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 20 au 26 janvier 2010, numéro 802

 

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Egypte

Coptes . Les accusés dans l’affaire de Nag Hamadi ont été traduits devant un tribunal d’urgence. Une première dans les affaires confessionnelles.

Dissuasion rassurante

Les trois accusés du meurtre des six coptes à Nag Hamadi, dans le gouvernorat de Qéna en Haute-Egypte, ont été déférés devant un tribunal de Sûreté de l’Etat.

Les accusés seront jugés pour meurtre avec préméditation, mise en danger de la vie d’autrui, atteinte aux intérêts de la nation et possession d’arme. Ils risquent la peine capitale.

C’est pour la première fois qu’une affaire de violence interconfessionnelle soit transférée devant une cour d’exception. « C’est un message qui vise à rassurer les coptes, une communauté qui se sent marginalisée et victime de discrimination », estime Hafez Abou-Saada, membre du Conseil national des droits de l’homme. Il ajoute que cette décision est d’autant plus importante qu’il n’y a jamais eu de peines dissuasives dans ce genre d’affaires. Normalement, c’est la loi coutumière qui est appliquée et les coptes se trouvent souvent obligés d’accepter des règlements à l’amiable.

Le 6 janvier, réveillon du Noël copte, les trois assaillants avaient ouvert le feu sur des fidèles à leur sortie de la messe de minuit, à Nag Hamadi, à quelque 700 km au sud du Caire. Sept personnes sont tuées, six coptes et un policier musulman. L’attentat a en outre fait une vingtaine de blessés coptes.

L’agression, inédite en Egypte, a secoué la conscience populaire, mais si tout le monde l’a condamnée d’une même voix, les motifs des meurtriers ont donné lieu à des interprétations diverses.

Dans une première réaction, les autorités ont nié le caractère confessionnel de l’attaque. « Il ne s’agit pas de violence intercommunautaire, les accusés n’ont pas d’appartenance religieuse ou politique. Il s’agit plutôt d’un acte isolé de vendetta », insiste le gouverneur de Qéna, Magdi Ayoub, devant le Parlement. Il fait allusion à un incident de viol d’une jeune musulmane de 12 ans commis par un chrétien dans un village voisin, Farchout, en novembre 2009. Selon le gouverneur, la tension est montée quand des jeunes coptes ont commencé à échanger sur leurs téléphones portables des photos de jeunes musulmanes dans des positions compromettantes. La version officielle a été largement reproduite par la presse progouvernementale. Pour la majorité des coptes, dignitaires et fidèles, ainsi que pour beaucoup d’activistes et de commentateurs, cette interprétation ne suffit pas pour expliquer ce qui s’est passé.

Justification insuffisante

« Le traitement médiatique est une insulte pour les coptes. Dire qu’un incident de viol explique un tel massacre revient à justifier le crime », se plaint Emad Gad, du Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

« Si l’attaque est une riposte à un viol, elle se serait plutôt produite dans le village, lieu du viol. Il ne s’agit pas d’un acte isolé comme on aime à répéter », affirme la députée copte Georgette Qéllini, membre d’une commission d’enquête dépêchée par le Conseil national des droits de l’homme. Elle accuse les responsables gouvernementaux de vouloir embellir la situation. « Les incidents dissimulent d’autres raisons politiques et religieuses, ainsi qu’une défaillance des mesures sécuritaires », ajoute Qéllini.

Sur le terrain, des affrontements ont eu lieu entre des citoyens mécontents et les forces de l’ordre à Nag Hamadi au lendemain de l’attentat et des arrestations ont eu lieu parmi les deux communautés. Au Caire, plusieurs milliers de coptes ont manifesté au Patriarcat copte orthodoxe d’Abbassiya, siège du patriarche. Les manifestants ont crié des slogans antigouvernementaux demandant la démission du ministre de l’Intérieur, du gouverneur de Qéna et du responsable de la sécurité dans ce gouvernorat, qui n’ont pas réussi à protéger leurs coreligionnaires. Les manifestants ont aussi réclamé une enquête internationale pour identifier « le commanditaire ».

Les enquêtes n’ont pas dévoilé, jusqu’ici, un commanditaire qui aurait « utilisé » les criminels bien que plusieurs analystes aient du mal à admettre que ces trois personnes ont agi seules. En fait, plusieurs habitants de Nag Hamadi ont montré du doigt le député du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), Abdel-Réhim Al-Ghoul. Celui-ci est connu pour ses relations avec le principal inculpé, Hammam Al-Kammouny. Ce dernier aurait dirigé la campagne électorale d’Al-Ghoul lors des élections législatives de 2005. Les différends qui existent entre l’évêque de Nag Hamadi, Amba Kyrillos, et le député Al-Ghoul auraient pu avoir poussé ce dernier à se venger, utilisant son homme de main.

Al-Ghoul a rejeté ces accusations, en soulignant n’avoir jamais eu recours à des hommes de main dans ses campagnes électorales, car il n’a pas besoin d’eux. « Je défie quiconque peut prouver que je suis impliqué dans cet attentat », a-t-il lancé.

En tout état de cause, même si les enquêtes n’ont pas mis la main sur un hypothétique agitateur, le seul fait d’appliquer la loi d’urgence dans un attentat interconfessionnel est susceptible, selon les observateurs, de calmer les coptes. Ceux-ci n’ont pas oublié qu’aucun agresseur n’a été inculpé par la justice lors des affrontements d’Al-Kocheh à Sohag, le 31 décembre 1999, et qui se sont soldés par une vingtaine de morts. Aujourd’hui, les agresseurs savent qu’ils ne jouissent plus de l’impunité classique.

Chérif Albert
Héba Nasreddine

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