Cinéma
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Dix
films représentant l’authentique du courant Dogme 95 sont
projetés à la Bibliothèque d’Alexandrie, jusqu’au 21 janvier,
à l’occasion du 15e anniversaire de ce code
cinématographique purement danois.
La
parenthèse danoise
Le
courant Dogme 95 fait la fête. C’est son 15e anniversaire
célébré partout dans le monde, en Egypte aussi, puisque la
Bibliothèque d’Alexandrie consacre cette semaine un panorama
de films Dogme 95, fêtant un courant qui n’a cessé depuis sa
naissance de soulever des débats.
« Dogme 95 est l’un des
courants cinématographiques les plus importants du cinéma
occidental, il vient de présenter des films, différents en
leurs style et technique, dignes d’être analysés et étudiés
par les cinéphiles, d’où vient l’idée de ce panorama »,
souligne le critique Samir Farid, responsable des activités
cinématographiques à la Bibliothèque d’Alexandrie.
Dix longs métrages ainsi
qu’une table ronde autour du manifeste Dogme 95 sont au
programme de cette manifestation, organisée en collaboration
avec l’ambassade du Danemark au Caire.
« Cette sélection de
films inédits en Egypte, et dont plusieurs ont été primés
dans les grands festivals internationaux, permet d’apporter
un éclairage particulier sur les talents émergents des
réalisateurs fondateurs de ce courant », ajoute Farid.
Le cofondateur du
courant n’est que le réalisateur danois Thomas Vinterberg
qui a inauguré la manifestation par son chef-d’œuvre dogme,
Festen (fête de famille). Ce premier long métrage du
cinéaste, basé sur les règles du manifeste Dogme 95, a
remporté des prix dans le monde entier, dont le Prix spécial
du jury à Cannes en 1998.
Ce film, qui a révélé
l’esthétique Dogme au monde entier, est le premier à avoir
reçu le sceau d’authenticité du groupe. Croisement
surprenant entre le cinéma de Lars Von Trier et Ingmar
Bergman, cette œuvre, plus qu’une curiosité esthétique et un
voyage intellectuel, est un véritable film d’auteur, qui
peut déranger par sa critique de la société occidentale
assez amère.
Le sujet du film —
l’inceste — est traité sous toutes ses coutures, révélateur
des contradictions, de mensonges et de l’incroyable
hypocrisie d’une belle société qui cache sous son beau
vernis distingué une grande horreur. L’image, qui applique à
la lettre le vœu de chasteté exigé par le courant Dogme,
n’est pas tendre envers le spectateur : caméra nerveuse,
sautillante, souvent frénétique et épuisante, au style
amateur — volontairement — et même très travaillé, aucun
éclairage artificiel, image souvent floue comme résultat du
transfert de l’image vidéo au format 35 mm et finalement un
cadrage instable sinon incohérent.
Conséquence esthétique
et dramatique ? Une atmosphère unique et une énergie
incroyable, ajoutées à une interprétation fort expressive et
une image anarchique pleine d’authenticité avec une charge
surtout impitoyable contre la figure paternelle. Une œuvre
qui présente la raison des artisans du Dogme 95 : de la
contrainte naît la créativité et l’authenticité.
Etant donné que les
trois premiers films réalisés suivant les principes du Dogme
95 commençant par Festen de Thomas Vinterberg étaient
Idioterne (Les Idiots) de Lars Von Trier et Mifune de Soren
Kragh-Jacobsen, ces deux dernières œuvres, toujours danoises,
ont été sélectionnées pour faire le public égyptien suivre
la naissance et la confirmation de ce code cinématographique.
Le second film dans la
deuxième trilogie de Lars Von Trier, nommée Heart of gold
trilogy (cœur de la trilogie d’or), comprenant Breaking the
waves en 1996, Dancer in the dark en 2000, Les Idiots,
présenté en 1998, est tourné à la manière d’un documentaire.
Il retrace l’histoire d’un groupe d’individus ayant décidé
de vivre en marge de la société capitaliste et de laisser
libre cours à ce qu’ils nomment leur « idiot intérieur ».
Ils passent ainsi leurs journées à se comporter comme des
malades mentaux, dans leur jardin ou encore dans des lieux
publics. Une femme qui vient de perdre son enfant rencontre
ces idiots et décide peu à peu de partager leur quotidien.
C’est par le regard de cette femme que le spectateur entre
dans le groupe.
L’image est brute et
sans concession et les acteurs sont filmés à bout de portée
par une caméra perpétuellement en mouvement. Bref, aucun
travail n’est effectué ni sur l’image ni sur le son et le
film est livré en somme au spectateur tel quel, moins comme
une œuvre que comme un témoignage.
Parmi les œuvres
présentées lors de cette manifestation, citons également le
cinquième film danois du mouvement, le long métrage Italian
for Beginners (Italien pour les débutants) signé Lone
Scherfig qui aborde un thème romantique, l’amour. Toutefois,
le film a pour cadre un village danois et comme le veulent
les règles du Dogme, le film est tourné en intégralité sur
les lieux originaux de l’action, sans effets de lumière et
sans musique de fond. Six cœurs solitaires aux alentours de
la trentaine sont à la recherche du bonheur, chacun d’entre
eux traînant avec lui son réserve d’épreuves et de malheurs.
Pourtant, rien ou presque dans les trente premières minutes
du film ne présage que le bonheur pourrait surgir au détour
du chemin.
Bref, dix films, dix
points de vue et un seul courant prêchant le retour aux
origines d’une industrie, basée sur l’art de la beauté .
Yasser Moheb