Al-Ahram Hebdo, Afrique | Vide politique
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 13 au 19 janvier 2010, numéro 801

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Afrique

Nigeria . Privé de président pour des raisons médicales, le pays le plus peuplé du continent est « en panne ». Plusieurs grands dossiers sont ainsi en souffrance, au risque d’exacerber les tensions.

Vide politique

Pas de président, hospitalisé à l’étranger depuis bientôt deux mois, pas de budget, pas de réforme de l’industrie pétrolière, pas de réforme électorale, pas d’électricité, presque pas d’essence : 2010 commence mal pour le Nigeria, mis à l’index par Washington après le récent attentat raté contre un avion américain.

Le Nigeria est pour ainsi dire sur la défensive ou l’expectative sur presque tous les fronts. Au plan politique d’abord, la vie est suspendue à l’état de santé, réel ou supposé, du président Umaru Yar’Adua, 58 ans, hospitalisé depuis le 23 novembre en Arabie saoudite. Le 26 novembre, sous la pression des médias, le gouvernement avait annoncé qu’il souffrait d’une péricardite aiguë (une affection du cœur), mais, depuis, plus aucune information n’a été donnée et, à ce jour, les Nigérians ne l’ont ni vu ni entendu depuis son départ en catastrophe pour Jeddah, sur la mer Rouge, laissant le champ libre à toutes les rumeurs.

Face au vide, la polémique enfle et les appels à passer le flambeau au vice-président Goodluck Jonathan se multiplient pour éviter une paralysie totale. « L’Etat est quasiment à l’arrêt », estimait récemment Femi Falana, influent avocat nigérian et président de l’Association des Barreaux ouest-africains. Ce dernier a déposé un recours en justice pour obtenir le transfert des pouvoirs au vice-président. L’Association des avocats du Nigeria (NBA) a fait de même. « Il n’y a pas d’Etat, pas d’autorité », juge pour sa part un diplomate. « Les choses n’ont jamais été aussi mauvaises pour les Nigérians et la démocratie », estime un responsable du principal parti d’opposition, Action Congress.

Tous les tabous politiques sont en train de tomber. Ainsi, des voix s’élèvent pour insinuer que, contrairement à la version officielle, le président n’aurait pas signé lui-même le budget supplémentaire 2009 sur son lit d’hôpital. Quant à la loi de réforme du secteur pétrolier (PIB), en discussion depuis des mois au Parlement et vitale pour les multinationales du secteur, elle est repoussée aux calendes grecques. Au plan économique toujours, l’objectif, pourtant modeste, claironné d’une production de 6 000 mégawatts avant la fin de 2009, a été reporté « peut-être en avril », selon le président de la compagnie nationale d’électricité, et le pays vit au rythme des pénuries d’essence.

La fin de l’année 2009 n’a pas arrangé les choses : un jeune musulman nigérian a tenté de faire sauter un avion de ligne américain à l’atterrissage à Détroit, tandis que 70 personnes étaient tuées dans des affrontements entre forces de l’ordre et islamistes dans la ville de Bauchi (nord). L’acte du jeune Umar Farouk Abdulmutallab contre le vol Amsterdam-Détroit a provoqué une rare crise diplomatique entre le Nigeria et les Etats-Unis, avec l’inscription du Nigeria sur une liste des voyageurs à surveiller sur les vols vers les Etats-Unis. Déjà très vexé par le choix du Ghana pour le premier voyage africain de Barack Obama en juillet dernier, Abuja s’est cabré, a convoqué l’ambassadrice américaine Renée Robin Sanders et a exigé que Washington retire le Nigeria de sa liste. Le gouvernement nigérian a estimé que la décision de Washington, gros client pétrolier du pays africain, pouvait « potentiellement nuire aux relations de longue date entre les deux pays ».

Face à la montée des appels au départ du président dans les médias et certains cercles politiques, le gouvernement n’a cessé d’allumer des contre-feux. Le conseil des ministres avait ainsi exclu tout départ de la présidence d’Umaru Yar’Adua. « Le conseil, qui a passé en revue tous les éléments, a estimé à l’unanimité qu’il n’y avait pas de base pour invoquer l’article 144 de la Constitution, le président n’ayant pas été jugé inapte à assurer ses fonctions », indiquait récemment le gouvernement. Selon les lois nigérianes, un chef d’Etat ne peut être déclaré inapte à remplir ses fonctions que si une majorité des deux tiers des ministres soutiennent cette position. La résolution des ministres devra être soumise à une vérification effectuée par un comité médical nommé par le président du Sénat. Son rapport sera transmis au président du Sénat et au président de la Chambre des représentants avant que le président ne soit déclaré inapte à gouverner. Autrement, le président devrait déclarer au Parlement son incapacité à remplir ses fonctions, ouvrant ainsi la voie à son remplacement par le vice-président. Troisième personnalité de l’Etat, le président du Sénat, le général en retraite David Mark a, de son côté, exclu de mettre sur pied une commission pour juger de la capacité du président à assumer ses fonctions. Depuis, une chape de plomb s’est abattue sur le sujet, donnant libre cours aux spéculations et calculs en prévision de « l’après Yar’Adua ». Avec en ligne de mire l’élection présidentielle du printemps 2011.

Enjeu politique entre le Nord et le Sud

Au-delà de l’état de santé du président, c’est le délicat équilibre entre le nord musulman et le sud chrétien qui risque d’être en jeu dans les mois à venir. Musulman du Nord et gouverneur de l’Etat de Katsina, Umaru Yar’Adua, a succédé au chrétien Olusegun Obasanjo qui est resté au pouvoir de 1999 à 2007. Obasanjo souhaitait, au prix d’un « toilettage » de la Constitution qui limite la présidence à deux quinquennats successifs, obtenir un troisième mandat, mais il en a été empêché par le Parlement et des pressions internationales. Il a donc rendu le pouvoir au Nord musulman, mais en imposant le gouverneur Yar’Adua, alors peu connu et à la mauvaise santé notoire.

Or, en cas de décès ou d’incapacité, c’est l’actuel vice-président Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, qui assurerait la fin du mandat présidentiel jusqu’en avril 2011, aux termes de la Constitution d’inspiration américaine. Une certitude est qu’au Nord, on accepterait difficilement que le pouvoir repasse au Sud pour trop longtemps. L’enjeu est de taille dans une fragile fédération de 150 millions d’habitants qui, en un demi-siècle d’histoire, a connu 8 coups d’Etat militaires, près de 30 ans de régimes militaires et une brutale guerre civile de 3 ans, le tout sur fond d’incessantes rivalités ethniques et religieuses.

Hicham Mourad

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.