Focus .
Le sabil Oum Mohamad Ali Al-Saghir, une belle œuvre datant
de 1869 en plein centre-ville du Caire, subit une opération
de restauration.
A la
recherche d’une splendeur perdue
Si
le centre-ville du Caire, la capitale de l’Egypte, est connu
par son style architectural haussmannien, il comprend malgré
tout, certaines constructions de style islamique. De
celles-ci se distingue par excellence le sabil ou la
fontaine d’Oum Mohamad Ali Al-Saghir (le petit), fils du
grand souverain Mohamad Ali pacha. Située au sein de la
place surpeuplée, Ramsès, cette fontaine se dresse
majestueusement au début de la rue Al-Gomhouriya, juste en
face de la mosquée Al-Fath. Ces dernières années, cette
construction a souffert de différentes agressions qui ont
altéré sa splendeur. Pour cette raison et afin de lui rendre
sa beauté déjà dissimulée sous les débris et la fumée causée
par les moyens de transport, le Conseil Suprême des
Antiquités (CSA) vient de commencer récemment un projet de
nettoyage et de restauration fine.
Bâti en
1869, le sabil Oum Mohamad Ali Al-Saghir a été construit par
Ziba Khadiga Quaden, l’une des femmes du grand Mohamad Ali
pacha, afin de commémorer et éterniser le nom de son fils,
le prince Mohamad Ali Al-Saghir qui a trouvé la mort très
jeune. Le sabil a été construit par l’architecte Hussein
pacha Fahmi Al-Meemar, « qui a préféré suivre le style
architectural islamique caractérisé par la calligraphie
arabe et les ornements géométriques et végétaux », explique
Ahmad Fakhri, inspecteur au bureau des monuments islamiques
du centre du Caire. Une architecture peu utilisée à l’époque,
surtout que l’architecture haussmannienne était en vogue en
ce temps, suivant les ordres du khédive Ismaïl, le souverain
de l’Egypte. D’ailleurs, 1869, l’année de la construction, a
vu la grande célébration de l’inauguration du Canal de Suez.
« C’était donc étrange que l’architecte du sabil Oum Mohamad
Ali Al-Saghir préfère le style architectural islamique »,
souligne l’inspecteur.
Autre
privilège de ce monument est le choix de son emplacement.
Selon l’inspecteur, cet emplacement était à l’époque proche
de la nouvelle ville khédiviale, de même qu’il était près
d’un port fluvial animé d’un nombre raisonnable de citoyens
« qui souffraient du manque de l’eau. Il fallait alors y
dresser un sabil afin de fournir aux voyageurs et aux
passants de l’eau potable avant leur départ et lors de leur
retour », reprend l’archéologue. Autre utilité, le sabil a
pris la forme d’un demi-cercle orné et émergé de cinq
fenêtres afin de fournir l’ombre aux passants et les
protéger de la chaleur brûlante du soleil. Il se compose
d’une citerne sous-sol, surmontée de la fontaine qui
fournissait l’eau aux passants et dont les becs ont pris la
forme d’une tête d’un lion. Quant au deuxième étage, c’est
le kottab où les enfants étudiaient le Coran. Seule la
façade est ornée de décorations végétales et de
calligraphies arabes. « Grâce au style constructif et à la
décoration inédite de la façade, le sabil était un chef-d’œuvre
à l’époque de sa construction, et actuellement il en est
toujours par excellence », reprend l’archéologue.
En outre,
le rôle de ce bâtiment a dépassé le simple fait de la
fourniture de l’eau aux passants et l’enseignement du Coran.
Quelques-uns de ses bâtiments ont été exploités comme école
primaire. Mais après cet âge prospère, le sabil a été privé
de ses activités originaires, lorsque le ministère des Waqfs
(biens religieux) l’avait possédé. Et depuis, tout a changé,
les annexes qui servaient d’école ont été louées comme
demeure aux habitants. Quant au sabil lui-même, il a été
occupé par différents magasins, outre une autre partie qui a
été exploitée comme dépôts de journaux. Parmi ces activités
a été dressé un café auprès du sabil. Selon Ahmad Fakhri,
ces agressions ont des effets nocifs sur le monument. Mais
comme le CSA avait inscrit le sabil en 1987 en tant que
monument, il s’est mis d’accord avec le ministère des Waqfs
que toute activité exploitée au sein du sabil soit mise sous
la supervision du CSA. Désormais, le CSA s’est débarrassé
des magasins ainsi que des dépôts de journaux et effectue
des consolidations et des restaurations fines de la façade.
« Ce n’est qu’un pas d’un long itinéraire à accomplir. Mais
il faut que le ministère des Waqfs prenne des procédures
définitives face aux locataires des annexes du sabil afin de
restituer sa splendeur », conclut Ahmad Fakhri.
Doaa
Elhami