Al-Ahram Hebdo, Visages | Gihane Zaki, L’archéologie dans la peau
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 2 au 8 septembre 2009, numéro 782

 

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Visages

Professeur d’archéologie à la faculté de tourisme, directrice générale pour la coopération internationale au Conseil suprême des antiquités, Gihane Zaki, qui vient d’être promue au grade du chevalier de l’Ordre national du mérite de l’ambassade de France, vit l’égyptologie comme une passion.

L’archéologie dans la peau

Cette femme élégante aux longs cils bruns encadrant un regard vif a découvert presqu’accidentellement l’archéologie en intégrant la faculté de tourisme de Hélouan, son bac en poche. « J’étais dans la branche scientifique au lycée et je voulais étudier la pharmacie. Malheureusement, le pourcentage que j’ai obtenu en 1983 au bac n’était pas suffisant, et au grand désespoir de mes proches, je me suis inscrite aux cours de la faculté de tourisme de Hélouan », souligne la chercheuse, un sourire discret se frayant un passage sur ses joues. Cette faculté de formation des guides dispensait à l’époque des cours sur les bases de l’archéologie, de l’histoire médiévale et de l’Egypte ancienne, afin d’assurer un bagage historique solide à ses étudiants. « J’ai eu le déclic lors du premier cours d’archéologie », se souvient Gihane, parlant de ce cours comme d’une révélation. « Je me suis enfin sentie à ma place, dans mon élément », ajoute la déléguée de Zahi Hawas, le patron de l’archéologie égyptienne, à l’Unesco, qui pendant 4 ans étudie avec passion et abnégation l’archéologie, creusant un écart terrible avec les autres étudiants de la section francophone de la faculté de tourisme. « En 1988, j’ai été nommée assistante, et pendant 4 années j’ai enseigné l’histoire et l’archéologie en langue française », se remémore Gihane Zaki, qui quitte l’Egypte en 1995 pour aller poursuivre son doctorat à Lyon, sous la houlette du professeur Jean-Claude Goyon, professeur émérite à l’Université de Lyon. « J’ai fait mon doctorat sur Assouan à l’époque ptolémaïque et romaine », ajoute Gihane, qui signe le début de son engagement dans la voie de la recherche scientifique, domaine qu’elle ne quittera plus après ce séjour français. La jeune femme, bien qu’ayant 8 années d’enseignement à l’Université de Hélouan et une thèse de magistère derrière elle, décide de ravaler sa fierté et de rejoindre le banc des étudiants jusqu’à sa soutenance de thèse en 2000. « Mon jury était composé d’un aréopage de grands noms de l’égyptologie française, italienne et égyptienne, avec l’éminent Jean Yoyotte à sa tête », dit-elle, un éclair de fierté faisant rosir ses pommettes. Son visage se referme subrepticement lorsqu’elle évoque son retour en Egypte après ces 5 années passées à Lyon. « J’ai réintégré mon poste de professeur à l’Université de Hélouan, mais le retour au pays ne s’est pas fait sans heurts », précise la chercheuse, qui a le sentiment de se retrouver au point de départ de sa carrière en dépit des ses avancées majeures en égyptologie de recherche. « Heureusement, le conseiller culturel de l’ambassade d’Egypte à Paris m’a contactée peu de temps après mon retour au Caire pour me proposer d’aller fouiller dans les archives lyonnaises à la recherche des plans de certains ponts du Caire », poursuit Gihane, les yeux brillants. Elle saute dans un avion, file aux archives départementales, découvre les rouleaux des plans en question et se souvient avec émotion de sa fébrilité au moment de dérouler ces plans datant de près d’un siècle. « J’ai l’impression de dérouler les bandelettes d’une momie », avait-elle avoué à l’époque à Fathi Saleh, le conseiller culturel qui lui avait confié sa première mission dans le domaine de la coopération franco-égyptienne. En 2000, Fathi Saleh crée au Caire le Centre national de la documentation du patrimoine naturel et culturel d’Egypte, soit le premier centre semi-gouvernemental dépendant de la Bibliothèque d’Alexandrie.

Tout en conservant son poste de professeur à la faculté, Gihane Zaki intègre l’équipe de chercheurs et de scientifiques de ce premier centre de recherche axé sur le patrimoine égyptien. En 2003, Gihane Zaki retourne à Lyon afin de rejoindre son époux et de peaufiner sa thèse avant sa publication. Elle est contactée peu de temps après par la région de l’Isère qui organise à Grenoble un congrès international sur l’égyptologie en 2004, et qui requiert son aide pour l’encadrement de la délégation d’Egypte. « J’ai commencé à passer ma vie dans les avions, et me rendais régulièrement à Grenoble et au Caire, où était organisée une grande exposition sur la cachette de Karnak dans le cadre de ce congrès international », raconte Gihane, qui apprend les ficelles des relations bilatérales, non sans douleur. « Je me souviens de cette époque comme de la plus difficile de ma vie », dit-elle de ses débuts en tant que trait d’union entre deux cultures très différentes. « Les organisateurs du congrès grenoblois ignoraient tout du fonctionnement de l’Egypte et étaient furieux qu’alors que 10 personnes étaient prévues, 52 constituent au final la délégation égyptienne », raconte la jeune femme, que les subtilités diplomatiques semblent enchanter. Elle précise toutefois que ce congrès est celui qui a connu la participation la plus massive d’égyptologues venus d’Egypte jusqu’aujourd’hui, avec une délégation composée d’assistants et d’universitaires. Mais ce n’est pas la présence massive d’Egyptiens qui a gravé ce congrès dans la pierre, mais bien le clash sans précédent qui a éclaté entre deux grands noms de l’égyptologie internationale : le professeur Grimal et Zahi Hawas. M. Grimal voulait obtenir l’autorisation de Zahi Hawas pour œuvrer dans la grande pyramide et a dû faire face à un « non » retentissant. « Le congrès se déroulait bien jusqu’à l’incident très connu qui a eu lieu autour de la chambre de la reine à la pyramide de Khéops », raconte Gihane Zaki, au cœur des frictions bilatérales. « Zahi Hawas a tonné que son statut d’égyptologue spécialiste des pyramides et sa fonction de secrétaire général du Conseil suprême des antiquités lui accordaient le droit de choisir avec quelles équipes il souhaitait travailler dans les pyramides », se souvient Gihane, qui se rappelle la fameuse phrase de M. Hawas adressée indirectement à M. Grimal : « Si je me présente en tant qu’égyptologue égyptien pour faire un trou dans la cathédrale de Notre Dame à Paris en disant qu’il y a un trésor datant de l’époque médiévale caché là, allez-vous m’autoriser à le faire ? ». Le congrès, malgré ses turbulences, a permis à Gihane Zaki de connaître la personnalité la plus controversée de l’égyptologie moderne, Zahi Hawas, qui l’a recontactée depuis Le Caire pour lui proposer de rejoindre le département des relations franco-égyptiennes du CSA la même année. « J’ai accepté de rejoindre le CSA, après avoir obtenu l’aval de M. Hawas pour conserver mon poste de professeur », explique Gihane, qui intègre en 2004 le nouveau département du CSA consacré aux relations internationales en tant que conseillère avant de devenir directrice générale en 2006. Interrogée sur le bien-fondé de la vaste entreprise de rapatriement des objets volés au patrimoine égyptien antique menée depuis 5 ans par Zahi Hawas, Gihane Zaki est partagée. « En tant qu’Egyptienne, je comprends le combat mené par Zahi Hawas car il veut ramener en Egypte des objets qui sont sortis illégalement, profitant d’un vide législatif. Mais en tant que responsable au sein du CSA, j’ai conscience que ces objets font une publicité favorable pour l’Egypte et permettent à des gens aux quatre coins du monde de goûter aux merveilles de cette civilisation ». L’argument principal avancé par les égyptologues occidentaux pour conserver leur influence sur les fouilles consiste à dire qu’ils sont en grande partie responsables de la sauvegarde des monuments et objets de l’Egypte antique, les Egyptiens à la fin du XIXe siècle et au début du XXe se désintéressant de leur patrimoine. Gihane réplique, légèrement froissée : « Je fais des recherches depuis deux ans sur l’apparente négligence des Egyptiens vis-à-vis de leur patrimoine à travers les époques. Et j’ai récemment trouvé un document datant du XIIIe siècle qui décrit les larmes d’un géographe égyptien devant le spectacle qu’offraient les ouvriers qui débitaient les blocs des temples de Karnak nord avant de les envoyer au Caire pour la construction de grands monuments ». Elle ajoute que le fait que l’Egypte ait été sous occupation étrangère presque tout au long de son histoire n’a pas encouragé la préservation de son patrimoine historique. C’est lors de la Révolution nassérienne de 1956 que l’égyptologie a cessé d’être le pré carré des égyptologues occidentaux, principalement anglais et français, et c’est cette année là que le CSA nomme pour la première fois de son histoire un secrétaire général égyptien. « Je compare volontiers, toutes proportions gardées, Zahi Hawas à Nasser, qui a nationalisé le patrimoine historique égyptien », affirme Gihane, l’air sérieux. Des bruits courent sur la possible vacance imminente du poste de Zahi Hawas à la tête du CSA, qu’en est-il réellement ? Gihane Zaki est persuadée que « l’ambition la plus vivace de Zahi Hawas est la création d’un ministère des Antiquités, bien plus que l’accession au poste de ministre de la Culture qu’il ambitionne aussi, mais dans une moindre mesure ». Le sort de Zahi Hawas sera plus évident lorsque le ministre de la Culture, Farouk Hosni, qui chapeaute le CSA, sera ou non nommé à la tête de l’Unesco. Mais qui pourrait remplacer l’éminemment charismatique Zahi Hawas ? « Probablement le numéro deux du CSA, Sabri Abdel-Aziz », conclut Gihane Zaki, précisant que Zahi Hawas l’a aussi ajoutée à la short-list de sa succession.

Louise Sarant

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Jalons

1983 : Bac en main et intégration à l’Université de Hélouan.

1995-2000 : Etudes supérieures à Lyon pour le doctorat.

2004 : Encadrement de la délégation égyptienne au congrès d’égyptologie de Grenoble.

2006 : Directrice générale du département des affaires internationales du CSA.

2009 : Promue au grade de chevalier de l’Ordre national du mérite par Jean-Félix Paganon, ambassadeur de France en Egypte.

 




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