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Grippe porcine .
Au début de l’annonce du virus A (H1N1), il suffisait
d’éternuer pour provoquer un mouvement de recul autour de
soi. Depuis, la panique a gagné au point où les personnes
atteintes sont considérées par les proches, collègues ou
voisins comme des pestiférées, même après leur
rétablissement. Témoignages.
La
quarantaine même
après la guérison !
En
rentrant chez lui, la semaine dernière, Abdalla ne se
sentait pas bien du tout. Il avait des difficultés à
respirer, une forte fièvre, une toux et des courbatures. Des
symptômes qui l’ont poussé à douter qu’il pourrait être
atteint du virus A(H1N1), car il travaille dans un hôtel et
est constamment en contact avec des touristes. Effrayé, il
s’est rendu à l’hôpital de Abbassiya, au service des
maladies contagieuses, en traînant les pieds. Les tests
qu’il a passés ont prouvé qu’il était atteint de la grippe
porcine.
« A ce
moment, je me suis remis à Dieu et je me suis dit que si un
malheur devrait m’arriver, alors il arrivera car tel est mon
destin. En fait, ce qui m’a le plus inquiété est que
j’habite avec mes parents et j’ai eu peur qu’ils ne soient
contaminés. Les deux sont âgés et souffrent déjà de maladies
chroniques. Heureusement, leurs tests se sont avérés
négatifs », dit-il. Après une mise en quarantaine d’une
semaine et des soins au Tamiflu, Abdallah s’est senti
beaucoup mieux et les médecins lui ont dit qu’il pouvait
sortir et reprendre sa vie le plus normalement du monde. Une
guérison qui a soulagé ses proches mais n’a pas atténué
leurs craintes face au virus A(H1N1). Et même si tous ont la
preuve concrète que le traitement au Tamiflu est efficace et
que Abdallah est complètement guéri, ils ont continué à
l’éviter. Ce dernier a insisté pour que personne ne sache
rien sur son hospitalisation, mais la nouvelle s’est
répandue comme une traînée de poudre et il a été surpris de
voir son nom cité par les médias. Le jour de sa sortie de
l’hôpital, il fut assailli par une foule de gens et de
journalistes. « Les questions des journalistes et les
rumeurs qui circulaient disaient que j’étais encore porteur
du virus. Une chose qui risquait d’avoir de l’influence sur
mon entourage ou mon travail », relate-t-il. Et comme
Abdallah a été l’une des premières personnes à avoir
contracté la grippe porcine et vu le manque d’informations à
propos de cette nouvelle maladie et la peur de la contagion,
tout cela a poussé les gens à l’éviter. Une fois guéri,
Abdallah a vu sa mère distribuer de la viande pour remercier
Dieu d’avoir sauvé son fils, mais les habitants du quartier
ont préféré garder leurs distances et ne sont pas venus lui
rendre visite, craignant d’être contaminés. Quelques-uns de
ses collègues n’ont pas hésité à porter des masques en le
voyant, d’autres ont mis des mouchoirs sur le nez et ont
évité de le saluer. Et si par hasard l’un d’eux se
retrouvait face à face avec lui, il reculait en mettant la
main sur son nez ou sa bouche et prenait la fuite.
En effet,
depuis que la grippe porcine a fait son apparition en Egypte,
l’inquiétude a atteint son apogée. L’Egypte a mis en place
un dispositif de prévention. L’alerte à cette grippe fait
encore la une de la quasi-totalité des journaux.
La
menace s’étend tous les jours avec de nouveaux cas suspects
détectés sans compter les conseils du ministère de la Santé
afin d’éviter de fréquenter les lieux de grands
rassemblements, d’annuler le hadj et la omra et de respecter
certaines mesures pour éviter toute contamination. On compte
aujourd’hui 621 cas avérés dont 483 ont guéri et un cas de
décès. Et malgré la tentative faite par les responsables de
calmer les esprits, plusieurs citoyens ont la phobie de
s’approcher des gens qui ont été atteints par ce virus. «
C’est d’ailleurs étonnant tout ce tapage fait autour de
cette maladie qui, au final, n’aura fait que très peu de
morts, alors que tout le monde ignore la grippe normale qui
fait chaque année des milliers de morts partout dans le
monde ... là, pas de masques, on ne parle pas de pandémie ni
de fin du monde ! La grippe porcine n’est pas plus ou moins
dangereuse que la grippe normale. L’incidence de mort liée à
cette grippe est de l’ordre de 1 à 4 %, pas plus que celle
qui sévit tous les ans dans toutes les populations du monde,
selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) », explique
Dr Amr Qandil, responsable au ministère de la Santé pour la
médecine préventive.
Des
regards méfiants !
Ramez,
pilote, guéri de la grippe porcine, relate sa dure
expérience. « Je n’ai pas eu peur de la mort lorsqu’on m’a
appris que j’étais atteint du virus A(H1N1), car je suis
exposé à tout, vu mon travail. Ce qui était vraiment
abominable, c’était la réaction des gens qui me regardaient
avec méfiance. Comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir
et les gens ont bien le droit d’être prudents, mais nous
n’allons pas aussi continuer à vivre comme des pestiférés.
Nous sommes des cas bénins, notre guérison a été confirmée
par les différents examens cliniques et para-cliniques, dont
nous avons bénéficié au terme de notre hospitalisation et la
vie doit reprendre son cours. Et puis, quel intérêt
pourraient tirer les médias en publiant les noms et les
adresses des personnes atteintes ? », se plaint Ramez tout
en disant qu’il a voulu au début recevoir son traitement
dans un hôpital privé et non pas dans le service des
maladies contagieuses à Abbassiya, afin de suivre un bon
traitement et éviter les médias. Mais dès qu’il est rentré à
l’hôpital de Abbassiya, il a été surpris par la bonne
qualité de services alors que l’endroit est très modeste.
Ramez
pense que le problème réside dans le manque de
sensibilisation et d’informations sur la grippe porcine. «
Il faut donc sensibiliser sans exagérer ni semer la panique
au sein de la population en expliquant aux gens que la
guérison est possible, surtout si le diagnostic a lieu
précocement. Elle se fait dans les six à sept jours qui
suivent l’incubation en utilisant le Tamiflu, très efficace
si le traitement est commencé à temps ». Pourtant, la
panique s’est propagée après l’annonce de la mort d’une
jeune femme venue d’Arabie saoudite à l’issue de la grippe
porcine. Des gens ont même fait un stock de Tamiflu. Comme
Hassan, un des voisins de Ramez, qui par mesure de
précaution a acheté plusieurs boîtes de Tamiflu et a insisté
pour que toute sa famille en prenne. Ce qui est déconseillé
par les médecins qui ont déclaré que l’utilisation de ce
médicament est inefficace si on n’est pas atteint de ce
virus.
Autre
victime. Racha (18 ans), étudiante aux Etats-Unis, est
arrivée la semaine dernière avec sa mère au Caire. Le
détecteur thermique n’a pas décelé de fièvre chez la jeune
fille à son arrivée à l’aéroport, mais son état a attiré
l’attention du médecin de l’antenne médicale de l’aéroport
qui, après un examen sans particularité, lui a conseillé de
le contacter en cas de parution d’un signe quelconque. Le
lendemain, le père de la jeune fille a contacté le médecin
de l’aéroport pour signaler une fièvre. L’examen clinique a
révélé l’existence d’une fièvre de 38,8° et une inflammation
à la gorge évoquant une rhinopharyngite. Vu le contexte
épidémiologique, l’équipe médicale a procédé aux
prélèvements nécessaires et les a acheminés vers l’hôpital
des maladies contagieuses à Abbassiya. Les résultats ont
confirmé l’existence du virus A(H1N1) chez la jeune fille.
Chose surprenante, dès que la fille a été hospitalisée, ses
proches ont évité de s’approcher d’elle ou de lui rendre
visite de peur d’être contaminés. Même situation quand elle
est retournée chez elle. « Même si le danger est passé, la
prudence reste de mise. Les spécialistes de la santé ne
peuvent pas prévoir l’évolution de ce virus avec certitude.
Est-il possible que ce virus mute, c’est-à-dire risquer de
se transformer, inhibant alors l’efficacité de ce type de
médicament antiviral ? », conclut Karima, la tante de Racha,
dont l’attitude illustre l’état de panique générale qui
sévit autour du H1N1.
Chahinaz Gheith
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La
polémique
du certificat
médical
Une
décision du
ministre de la Santé
imposant un
certificat médical
à ceux
qui veulent
aller en pèlerinage de La
Mecque
provoque une vive
polémique.
« Me
laver de mes
péchés et
redevenir blanc
comme neige,
tout comme au jour
où ma mère
m’a mis
au monde, ou
mourir et
être enterré
à Al-Baqiaa
(cimetière
collectif à Al-Madina),
c’est le
souhait de tout pèlerin.
Il n’y a
rien de
mieux que de
mourir dans
les lieux saints »,
dit Hassan
Abdallah qui
s’apprête
cette année
à faire le grand
pèlerinage.
Un rêve
pour lequel
il a économisé pendant de
longues
années. Depuis
sept ans,
Hassan se
présente au tirage au
sort pour un
hadj subventionné par
l’Etat.
Cette année, son nom
est
sorti dans
la fameuse
liste. Mais
il
craint de
ne pas voir son
rêve se
réaliser. « Une
fois ils
disent
qu’ils vont
interdire le
pèlerinage
à cause de la grippe porcine,
une autre
fois ils
interdisent aux
gens de plus de 65
ans d’aller
en pèlerinage et
maintenant
ils exigent d’eux un
certificat de
bonne santé », se plaint
Hassan,
paniqué, car il
ne veut
en aucun
cas rater ce
pèlerinage
à La Mecque.
En fait,
la récente
décision promulguée par
le ministre de
la Santé stipule
que tout musulman
désirant
accomplir le pèlerinage
doit
présenter un certificat
garantissant
qu’il ne
souffre ni
de maladies chroniques,
telles que
le diabète et
l’hypertension,
ni de
problèmes cardiaques.
Et ce,
parce que
l’immunité de
ces
personnes est
faible, et
donc elles
ne peuvent
pas résister
à la contamination.
Une
décision prise suite
aux nombreux
cas de grippe porcine
récemment
confirmés en Egypte et
surtout après le
décès d’une
Egyptienne revenue
du petit
pèlerinage. Cette
dernière
avait attrapé le virus
A(H1N1) et
avait aussi un
problème au
cœur. « Ce
n’est pas nouveau, vu
que les
pèlerins n’obtiennent le
visa qu’après
avoir
présenté un
certificat
disant qu’ils
ont été
vaccinés
contre le choléra, la
méningite et les maladies
contagieuses. De plus, les
travailleurs qui
partent pour
l’Arabie
saoudite doivent
aussi
présenter un certificat
prouvant
qu’ils n’ont
ni le sida
ni le virus C »,
explique Dr
Abdel-Rahmane Chahine,
porte-parole
du
ministère de la Santé, tout en
soulignant que le prix de
ce
certificat de bonne santé
varie entre
250 et 400 L.E. Un prix, selon
lui,
modeste par rapport aux grandes
sommes
versées pour se
rendre en
pèlerinage. Et
d’ajouter
: « Nous
avons pris
des mesures
strictes pour éviter
toute falsification de
ce
certificat. D’abord,
il doit
porter un filigrane
à l’exemple
des billets de banque et un
cachet, soit
du
ministère de la Santé, si
le certificat
est délivré
par un hôpital public,
ou de
l’ordre des Médecins
si ce
papier est
remis par
une institution privée.
Et pour
faciliter les procédures
au futur
pèlerin, il
est libre
de choisir
n’importe quel
hôpital.
Autrement
dit,
si ce
citoyen
habite par exemple au
gouvernorat de
Minya ou
à Gharbiya,
il n’est
pas obligé de se
rendre au
Caire pour obtenir
ce
certificat ».
Un
certificat qui, aux
yeux des
gens, ne rime
à rien.
Une manière
de soutirer de
l’argent aux
gens et
un nouveau business de crises. « Je
suis
d’accord pour
que le
gouvernement impose au pèlerin,
avant de
partir, des examens
médicaux
afin d’éviter les
problèmes.
Mais pourquoi
verser une
somme de 400 L.E.,
alors que
ces
certificats étaient
délivrés
gratuitement
? Une
somme qui
vient s’ajouter aux
dépenses déjà
exorbitantes
du hadj
», souligne Dr
Hamdi
Abdel-Azim, expert en économie
et chef de
l’Académie Al-Sadate pour
les sciences administratives.
Il pense
que cette
affaire va
ouvrir la porte au
marché noir et aux
profiteurs qui
exploiteront
cette occasion face aux queues
infinies des
citoyens pour
acquérir
ces certificats. «
Il faut
contrôler la situation,
afin
d’éviter toute
falsification, sinon
il va
se passer la même chose
comme pour les faux
certificats
obtenus pour justifier
l’absentéisme des bacheliers
», souligne Dr
Hamdi.
D’ailleurs,
Ahmad Salam,
ingénieur,
partage cet
avis. Se préparant
à faire la
omra vers
la fin du
Ramadan, on lui a
exigé ce
certificat.
Quand il
s’est rendu
à l’hôpital
pour faire les tests médicaux,
on lui a
prélevé un peu de sang,
puis on lui
a posé
quelques questions, à
savoir : As-tu
subi des interventions
chirurgicales ?
Est-ce que
tu vois
bien
? Souffres-tu de
quelque chose,
puis on lui
a remis le
certificat après qu’il
eut versé
350 L.E. « Est-ce un
examen
correct ? Ou
veut-on tout
simplement
soutirer de l’argent aux
citoyens
? », conclut
Ahmad.
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