Crise
d’identité et universités privées
Farouq Goweida
Du
point de vue du principe, il n’y a aucune objection à créer
en Egypte des universités étrangères dans l’objectif de
s’engager dans de nouveaux horizons de connaissances. En
effet, il est évident que l’enseignement étranger, par le
biais d’un plan consciencieux, peut constituer un des plus
importants facteurs permettant de former de nouvelles
générations et de découvrir des talents réels. En réalité,
personne ne peut nier le rôle des écoles étrangères
francophones, anglophones et même américaines qui ont
énormément influencé de nombreux pionniers de la culture et
de la pensée en Egypte.
Mais
face au nombre énorme d’universités étrangères aujourd’hui
installées en Egypte, il faut poser une question : Est-ce
que l’Etat surveille ce qui se passe à l’intérieur de ces
universités ? Je ne parle pas ici d’une surveillance
sécuritaire mais de comités scientifiques chargés de suivre
les programmes enseignés dans ces universités. Quels sont
les critères qui permettent à ces universités d’obtenir les
autorisations du ministère de l’Enseignement et des
institutions scientifiques ? De plus, il ne faut pas oublier
le problème de l’équivalence des diplômes octroyés par ces
universités, surtout que des centaines de diplômés en
médecine et pharmacologie affrontent toujours le refus des
syndicats d’accepter leur adhésion.
Le plus
dangereux dans la question des universités étrangères est le
nombre important de création ces dernières années. Certaines
avaient des budgets énormes leur permettant de construire
des bâtiments immenses et d’autres se sont contentées
d’anciens bâtiments. Ceci signifie donc qu’il n’y a pas de
règles fixes ou normes concernant les bâtiments et ce qu’ils
contiennent : amphithéâtres, bibliothèques, laboratoires,
etc.
Vient
ensuite le problème des programmes enseignés. Je ne pense
pas qu’il y ait quelqu’un au ministère de l’Enseignement ou
dans ses commissions qui sache tout sur les programmes
enseignés à nos étudiants dans ces universités. Dans ces
programmes, la langue arabe est totalement absente pour être
remplacée par d’autres langues étrangères selon chaque
université. Ceci signifie que les générations à venir ne
sauront rien de leur langue maternelle. De plus,
l’enseignement de l’histoire de l’Egypte et de l’histoire
arabe et islamique est absent des programmes d’études. Et
paradoxalement, l’Université française enseigne l’histoire
de la France, l’Université russe enseigne l’histoire de la
Russie ... Et le plus étrange est que les étudiants de ces
universités n’apprennent rien sur les religions. Je ne parle
pas ici des pratiques mais des civilisations et des symboles
religieux qui ont joué un rôle civilisationnel et humain
important dans l’histoire de leurs peuples. Par exemple, il
se peut que les étudiants étudient l’histoire militaire et
apprennent tout sur De Gaulle, Hitler et Mussolini sans pour
autant rien savoir sur Khaled Ibn Al-Walid, Ahmosis, Omar
Al-Mokhtar ou Abdel-Moneim Riyad. La situation est la même
pour les écrivains et les philosophes. En effet, je ne pense
pas que les étudiants dans les universités étrangères
sachent grand-chose sur Al-Motanabi, Al-Afghani, Mohamad
Abdo, Taha Hussein, Al-Aqad, Naguib Mahfouz ... Il est
évident que les philosophes, les écrivains et les poètes
occidentaux ont pareillement enrichi la civilisation humaine
tout au long de l’Histoire. Or, cette réalité ne doit
empêcher que les étudiants égyptiens et arabes connaissent
les symboles de leurs nations.
Dans
cette histoire d’universités étrangères, il y a un autre
point inquiétant : c’est le mélange social qui est sécrété
par ces universités. Ce cocktail étrange sera loin de tout
ce qu’on appelle l’appartenance et les racines. En effet,
l’influence de l’enseignement étranger est déjà claire sur
les nouvelles générations, les langues qu’elles parlent,
leur culture, leur façon de vivre. Surtout que les études
dans les universités étrangères ont rempli l’esprit des
étudiants d’idées tout à fait différentes de nos principes
éthiques, intellectuels, religieux et humains. Il est même
question d’un nombre de cultures dont les caractéristiques
sont différentes, voire même contradictoires. Dans quelques
années, nous nous trouverons face à une société formée d’un
mélange de cultures et d’idées différentes et nous
chercherons alors les traits de l’Egypte sans les trouver.
C’est ainsi que nous nous trouverons face à des exemples
humains différents en tous : langages, cultures, idées,
comportements, etc. Imaginons par exemple que 5 jeunes
hommes rejoignent les forces armées, chacun avec une culture
différente de l’autre. Qu’est-ce qui peut les regrouper ? Il
n’y a que l’appartenance. Mais où est cette appartenance
puisque les programmes éducatifs ne l’ont pas enseignée ? La
société égyptienne sera donc une société où manquent
l’union, l’harmonie et la compréhension de l’autre.
Quelle
est donc la solution ? Je pense qu’il faut créer des comités
scientifiques formés de spécialistes dans tous les domaines,
en particulier en sciences humaines, pour tout savoir sur ce
qui est enseigné aux jeunes égyptiens. Je ne veux pas ici
douter des intentions de qui que ce soit, bien que le doute
soit parfois indispensable. Mais je ne veux pas supposer que
derrière les grands projets scientifiques et culturels, il y
a de mauvaises intentions et des objectifs cachés. D’un
autre côté, certaines matières doivent être imposées
obligatoirement dans les programmes universitaires.
Selon
mes propres estimations, il faut que l’Etat arrête la
création de nouvelles universités jusqu’à ce que cette
expérience soit évaluée et jusqu’à ce que ses avantages et
ses inconvénients soient bien clairs. Effectivement, ces
universités peuvent constituer l’assise d’un essor
scientifique et économique important ou bien être un outil
destructif pour les nouvelles générations.
Ce
problème nécessite un haut degré de conscience et un
sentiment de responsabilité de la part de chacun, surtout
que la question de l’enseignement est devenue très critique
en Egypte. En effet, un enseignement correct est l’unique
moyen de créer un avenir meilleur pour les nouvelles
générations l