Les
calculs d’Al-Maliki
Le
premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, qui a refusé
de reconduire son alliance avec les partis chiites pour
s’unir avec des sunnites et des chefs tribaux, joue très
gros mais peut empocher la mise lors des législatives de
janvier prochain. Pour gagner, Maliki compte, à tort ou
à raison, sur sa force et sur la dynamique qu’il a
initiée, tandis que les autres misent sur son échec. Le
principal pari de la nouvelle coalition chiite est de le
contenir puis de l’affaiblir. Elle mise davantage sur
son échec, notamment sur le plan de la sécurité, plutôt
qu’à initier sa propre stratégie.
Tout
l’éventail chiite, depuis le Conseil Suprême Islamique
de l’Iraq (CSII), proche de l’Iran, jusqu’aux partisans
du chef radical Moqtada Al-Sadr, a annoncé le 24 août
son regroupement au sein de l’Alliance Nationale
Iraqienne (ANI). Seul le Daawa du premier ministre était
absent.
Fort
de sa victoire aux élections provinciales de janvier
2009, Maliki exigeait, pour participer à cette
coalition, davantage de sièges au Parlement que les 25
sur les 128 (l’Assemblée iraqienne comptant 275 députés)
remportés par l’alliance en 2005. Plus important :
Maliki exigeait la garantie de conserver le poste de
premier ministre en cas de nouvelle victoire de la
coalition. Le CSII, les partisans de Moqtada Al-Sadr de
même que le petit Parti de la vertu (fadila) ont tous
rejeté cette condition. Dans sa volonté de demeurer
l’homme fort de l’Iraq, Nouri Al-Maliki est décidé à
faire cavalier seul pour les élections générales.
Maliki ne croit pas que son avenir politique soit
compromis même s’il a subi des revers sérieux sur le
plan de la sécurité. Un récent double attentat au camion
piégé visant les ministères des Affaires étrangères et
des Finances a entraîné la mort de 95 personnes, alors
que 600 autres ont été blessées. Les attaques sanglantes
qualifiées par un journal local de « 11 septembre
iraqien » ont écorné l’image du premier ministre qui
veut accréditer l’idée qu’il est l’homme ayant sorti son
pays du chaos dans lequel il était plongé après
l’invasion conduite par les Etats-Unis en 2003.
Le
premier ministre pense représenter une dynamique de
rassemblement alors que les autres sont divisés. Le chef
du conseil des Sahwa (réveil) de la province très agitée
d’Al-Anbar, des sunnites insurgés ayant rejoint la lutte
anti-Qaëda, a d’ores et déjà annoncé qu’il rejoignait la
liste de Maliki.
L’objectif de Maliki est de marginaliser ses rivaux
chiites, de gagner les chefs tribaux sunnites, d’appuyer
les parties arabes face aux Kurdes à Kirkouk et à
Mossoul et de convaincre les Américains qu’il est le
seul homme d’Etat crédible. Cependant, malgré la
faiblesse relative des deux principales composantes de
l’Ani, le Mouvement sadriste et le CSII, après le décès
jeudi dernier de son chef, Abdel-Aziz Al-Hakim, l’image
du premier ministre a beaucoup souffert de la récente
détérioration de la sécurité. En outre, la position de
Maliki est délicate avec les Kurdes et beaucoup de
sunnites ne lui font pas confiance. En effet, dans le
scrutin proportionnel iraqien, il ne suffit pas
d’arriver en tête, il faut se trouver des alliés pour
devenir premier ministre. Or, ses relations vont
s’aigrir avec la coalition chiite, les sunnites du Parti
islamique n’apprécient pas qu’il vienne chasser sur ses
terres et les partis kurdes voient en lui un obstacle à
leur expansion. Mais, si M. Maliki parvient à cimenter
une alliance de chefs tribaux sunnites, d’indépendants
et de laïcs, il peut avoir une chance de l’emporter.