Festival culturel du ramadan .
Le
premier du genre à être organisé par l’Union des écrivains
se tient à la Citadelle, en marge des festivités du mois
sacré, jusqu’au 7 septembre. L’occasion de rencontrer des
figures politiques, culturelles et poétiques de premier
plan.
A
l’agora de l’Union
De
20h à minuit, la Citadelle est tous les jours le théâtre de
nombreuses manifestations culturelles et folkloriques.
L’ambiance festive marie les derviches tourneurs aux
ateliers de dessin pour les enfants et les concerts de
nombreuses troupes de l’Opéra du Caire avec musique
classique et musique arabe aux spectacles de rue. Au milieu
de cette fête quotidienne, l’Union des écrivains organise
son premier festival culturel. Un festival qui profite de
l’occasion festive pour remettre à l’honneur le livre, la
culture, la poésie et accessoirement la participation du
public au dialogue démocratique avec les politiques. Des
rencontres à l’instar de celles de la Foire du livre donnent
une nouvelle dimension culturelle à la Citadelle pendant le
Ramadan. L’Union « qui a fait un bond qualitatif, au niveau
de ses perspectives et de son rôle », comme l’a affirmé
Moustapha Al-Fiqi, président de la commission des relations
internationales au Parlement, et invité de la session
inaugurale jeudi dernier, compte jouer un nouveau rôle de
médiateur de la culture. De nombreuses personnalités
politiques et de lettres ont ou vont participer à ces
rencontres avec le public : Mouchira Khattab, ministre de la
Famille et de la Population, Farouk Hosni, ministre de la
Culture, le gouverneur du Caire, Abdel-Azim Wazir, ou
l’écrivain-star de chaque Ramadan depuis la saga du
feuilleton Layaly Al-Hilmiya (les soirées d’Al-Hilmiya), il
y a plus de 15 ans, Ossama Anwar Okacha, le poète Farouq
Goweida, le romancier Khairi Chalabi et le député Moustapha
Al-Fiqi, approfondissent des liens tissés avec leur public
dans la première partie de ces soirées culturelles. Al-Fiqi
a profité de l’occasion pour faire part de ses espoirs pour
l’avenir de l’Egypte du XXIe siècle. Il a affirmé que le
recul du rôle culturel ou politique égyptien dans la région
« découle de la volonté de faire profil bas, puisque avoir
un poids régional est lié dans la mentalité égyptienne à une
histoire que beaucoup d’Egyptiens ne souhaitent pas se voir
répéter. Ce recul ne reflète donc pas le poids culturel,
économique et politique réel de l’Egypte. C’est un choix
politique ». Al-Fiqi, diplomate chevronné, n’est pas allé
par quatre chemins pour critiquer les points faibles du
modèle égyptien de développement, notamment en ce qui
concerne le système éducatif. A cette occasion, il a tiré la
sonnette d’alarme sur le recul de la maîtrise de la langue
arabe, « notamment chez les jeunes imams des mosquées,
puisque ce métier est exclusivement réservé en Egypte aux
étudiants du baccalauréat d’Al-Azhar, où les meilleurs
élèves préfèrent joindre les grandes écoles et universités.
Ceux qui n’obtiennent pas des mentions élevées monopolisent
ce métier si important », s’est-il inquiété.
Est-ce
un pep culturel ?
Le mois
du Ramadan demeure une deuxième occasion pour des rencontres
du public avec les créateurs et les politiques après celles
de la Foire du livre. Après ces rencontres avec les invités,
une deuxième partie de la soirée qui débute à 10h30 est
programmée pour des soirées poétiques, avec de nombreux
poètes pour chaque journée. Parmi les poètes les plus connus
on trouve entre autres Fatma Naout, Farouq Choucha, Mohamad
Al-Tohami et Chawqi Hégab. Ce dernier estime que « cette
tentative de recréer l’ambiance du marché de Okaz de La
Mecque, la tribune officielle de la poésie arabe de l’ère
préislamique, est très utile pour démocratiser l’accès à la
culture. Mais il ne faut pas que cela se transforme en une
sorte de Hyde Park, une échappatoire d’idées et
d’expériences inaccessible au public, ou un îlot de libertés
loin de la réalité, ou même un mur de lamentation pour
pleurer les gloires de l’Histoire. Pour l’instant c’est un
pas en avant ».
Une
manifestation qui témoigne d’une volonté de mobilisation
culturelle. L’Egypte vit sans aucun doute un élan culturel
au niveau de l’industrie culturelle et notamment l’industrie
du livre. Hamdy Abou-Golayl, romancier et lauréat de prix de
l’AUC 2008, a participé à la soirée de Témoignages des
petits-fils de Naguib Mahfouz, lundi dernier, à l’occasion
du troisième anniversaire de la mort du Prix Nobel, avec
d’autres jeunes écrivains comme les lauréats du Prix Sawirès
2009, Hédra Girgis et Chérif Abdel-Méguid, ainsi que
Mansoura Ezzeddine et Salah Al-Azab. Pour Abou-Golayl, « le
rebond du livre peut être expliqué par la popularité des
nouveaux courants ». Et d’ajouter : « La nouvelle écriture
actuelle postmoderniste est en phase avec celle d’il y a 50
ans, je trouve que ce qu’écrit Ossama Al-Danasouri et
d’autres est une continuité de l’œuvre de Tawfiq Al-Hakim et
Naguib Mahfouz. Le recul du modernisme sur le modèle
d’Adonis avec sa complexité linguistique et sa rhétorique
artificielle a fait du bien au roman égyptien. Aujourd’hui,
on crée une littérature plus proche des lecteurs.
Aujourd’hui, les best-sellers se vendent à un nombre
d’exemplaires qui semblait irréalisable pour les générations
d’avant ». Cette réalité, doublée du constat du succès de
cette littérature, explique sans doute le geste d’ouverture
fait par l’Union des écrivains en direction des jeunes
générations. Un geste qui a rendu les débats fructueux entre
les différentes écoles animant les soirées du festival du
Ramadan de l’Union des écrivains. Une nouvelle agora est
née.
Amr
Zoheiri