Iran .
Le nouveau rapport de l’Agence Internationale de l’Energie
Atomique ouvre la voie à un quatrième train de sanctions
internationales contre la République islamique lors de la
réunion des Six ce mercred en Allemagne.
Vers
plus de sanctions ?
Dans
une nouvelle évolution du dossier nucléaire iranien,
l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a
publié cette semaine un rapport accablant pour l’Iran,
soupçonné de vouloir se doter de la bombe sous couvert d’un
programme nucléaire civil officiellement destiné à produire
de l’électricité. Le document de six pages constitue
exactement ce qu’espéraient les grandes puissances, France
et Etats-Unis en tête. Même si ce rapport n’avance aucune
révélation sur de nouvelles failles relevées par les
inspecteurs onusiens lors de leurs visites sur les
principaux sites nucléaires iraniens, il résume cependant «
la frustration de l’AIEA après six ans d’investigations
globalement infructueuses et du refus manifeste de
coopération du régime islamique ». Selon les experts, ce
rapport pourrait bien encourager les capitales occidentales
à renforcer leurs sanctions contre Téhéran lors de la
réunion des directeurs politiques des six puissances
impliquées dans les discussions sur le programme nucléaire
iranien (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne
et Allemagne), le mercredi 2 septembre en Allemagne. Le 24
et le 25 septembre, le dossier nucléaire iranien doit
revenir, une fois de plus, sur le devant de la scène
internationale, à l’occasion de l’Assemblée générale de
l’Onu et lors du sommet du G20 à Pittsburgh.
Depuis
plusieurs semaines, Washington, Paris et les autres
capitales occidentales faisaient pression sur le directeur
général de l’AIEA, Mohamad Al-Baradei, pour qu’il révèle
l’étendue des découvertes faites par ses inspecteurs qui
seraient, selon des rumeurs persistantes, restées consignées
depuis près d’un an dans les tiroirs de l’agence afin de ne
pas donner à Israël le prétexte pour lancer des frappes
aériennes contre la République islamique. En effet, Téhéran
n’a pas daigné, depuis un an, répondre aux nombreuses
questions en suspens qui lui avaient été adressées par
l’agence. Aucune explication n’a été fournie depuis février
2008 sur des renseignements troublants et concordants
faisant état d’expériences de « militarisation » du
programme nucléaire iranien, connues sous le nom de
programme 110 et 111.
Juste
après la publication du rapport onusien, une vague de colère
a envahi les capitales occidentales. Dimanche, la France a
été la première à lancer de sérieux avertissements à l’Iran,
envisageant de nouvelles représailles si l’Iran ne reprend
pas les discussions sur son programme nucléaire. « La France
soutiendrait des sanctions économiques sévères, à la hauteur
de l’enjeu, au Conseil de sécurité de l’Onu et au Conseil
européen », a insisté le président français. Et il a
poursuivi : « Ce sont les mêmes dirigeants en Iran qui nous
disent que le programme nucléaire est pacifique et que les
élections sont honnêtes. Qui peut les croire ? », s’est
interrogé M. Sarkozy, furieux de l’échec de la politique de
la main tendue déployée depuis le mois de février par
l’Administration Obama en direction de l’Iran. En effet, le
président américain a donné jusqu’en septembre à Téhéran
pour ouvrir des négociations directes sur cette question et
il n’a obtenu jusqu’à présent aucune réponse concrète de la
part du régime iranien. Réticence qui a poussé les pays
européens à penser à infliger des sanctions européennes à
Téhéran si la communauté internationale échouait à se mettre
d’accord sur des sanctions à l’Onu. Dimanche, la chancelière
allemande, Angela Merkel, qui fait partie des défenseurs de
nouvelles sanctions plus « ciblées » visant le secteur de
l’énergie, en cas d’échec des discussions sur le dossier
nucléaire iranien, a déclaré : « S’il n’y a pas de progrès,
il nous faudra réagir avec de nouvelles sanctions »,
déclare-t-elle.
Quant
aux Etats-Unis, ils ont sévèrement reproché cette semaine à
l’Iran de ne pas coopérer complètement avec l’AIEA. « Sur la
base de ce que nous avons vu, il paraît clair que l’Iran
continue à ne pas coopérer pleinement et poursuit ses
activités d’enrichissement », a déclaré le porte-parole du
département d’Etat, Ian Kelly.
Les
puissances occidentales ont complètement ignoré cette
semaine les deux points positifs figurant dans le rapport
onusien. Le premier étant la réduction du programme
nucléaire iranien dans la centrale de Natanz, depuis le
début de mai après trois années consécutives d’augmentation.
Selon le rapport, l’Iran a utilisé ces derniers mois environ
400 centrifugeuses de moins que les quelque 5 000 en service
recensées par l’AIEA dans son dernier rapport. N’y voyant
aucun point positif, l’Occident a jugé que cette diminution
pourrait être causée par un « problème technique et non par
une volonté politique iranienne de résoudre la crise ». Le
deuxième point positif figurant dans le rapport est la
permission que Téhéran a accordée ce mois-ci aux inspecteurs
onusiens de visiter le réacteur nucléaire à eau lourde
d’Arak, dont l’accès leur était interdit depuis un an.
Minimisant la valeur de cette permission, le porte-parole du
département d’Etat a estimé que l’ouverture aux inspecteurs
de l’agence onusienne du réacteur de recherche d’Arak
n’était pas significative. « Je ne pense pas qu’il faille y
accorder trop d’importance. A ma connaissance, il ne s’agit
que d’une installation » a-t-il indiqué. « Ce n’est pas le
large accès que l’AIEA recherche. Nous sommes très
préoccupés par le fait qu’ils ne répondent pas aux
inquiétudes de la communauté internationale », a ajouté M.
Kelly.
Politique « futile »
Alors
que la perspective de nouvelles sanctions se rapproche,
l’Iran, le sang toujours froid, a opté cette semaine pour sa
politique préférée : souffler le chaud et le froid. Ne
voyant que les deux points positifs figurant dans le
rapport, l’Iran a estimé que ce document est très « positif
». « Heureusement, l’actuel rapport de l’AIEA a été plus
positif que les précédents en raison de la nouvelle approche
de la République islamique », a déclaré le chef de
l’Organisation Iranienne de l’Energie Atomique (OIEA), Ali
Akbar Salehi, tout en mettant l’accent sur le caractère
pacifique du programme nucléaire iranien.
Inébranlable toujours, Téhéran a réitéré cette semaine son
intention de poursuivre son programme controversé
d’enrichissement d’uranium contre vents et marées. « Téhéran
n’acceptera pas de pressions politiques visant à lui faire
adopter des mesures dépassant ses engagements légaux », a
affirmé de sa part l’émissaire iranien auprès de l’AIEA, Ali
Asghar Soltanieh, soulignant que son pays a déjà fait
plusieurs gestes d’ouverture.
Soufflant le chaud et le froid comme d’habitude, Téhéran a
tendu cette semaine la main à la communauté internationale,
appelant les diplomaties occidentales au « dialogue » sur le
dossier nucléaire. « Il est temps pour d’autres parties de
reconsidérer leur politique de confrontation envers l’Iran
et d’adopter une politique d’interaction avec le pays », a
déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires
étrangères, Hassan Qashqavi, rajoutant que la politique
d’adoption de sanctions contre l’Iran est « futile » et rien
ne peut empêcher l’Iran de faire valoir ses droits légitimes.
Selon les politologues, cette main tendue par Téhéran ne
signifie pourtant pas une inflexion iranienne, mais c’est
plutôt une sorte de manœuvre. « Les Iraniens veulent garder
toutes les portes ouvertes pour ne rien perdre. Pour le
moment, ils multiplient les gestes d’ouverture pour éviter
de nouvelles sanctions. Ils veulent gagner du temps pour
achever à bien leur programme nucléaire et ensuite dialoguer
en position de force », analyse l’expert Mohamad Abbas.
Face à
cet « ennemi incassable », les Etats-Unis, la France, la
Grande-Bretagne et l’Allemagne espèrent, mercredi,
convaincre la Russie et la Chine de renforcer les sanctions
contre l’Iran, voire d’adopter au Conseil de sécurité de
l’Onu un quatrième train de mesures coercitives. Pourtant,
leur tâche sera ardue et leurs efforts pourraient bien être
minés par le rapport mitigé de l’AIEA, car Pékin et Moscou
pourraient prendre comme prétexte les deux conclusions
positives figurant dans le rapport pour rejeter toute
nouvelle sanction contre Téhéran.
Maha
Al-Cherbini