Egypte - Etats-Unis : Echange des intérêts
Atef
Al-Ghamri
La
rencontre du président Moubarak avec le président américain
Barack Obama survient dans un climat politique différent. De
tels indices se sont dévoilés depuis que l’Administration
Obama a révélé qu’elle avait une conception différente de la
relation entre les deux pays. En effet, elle conçoit cette
relation selon deux piliers. Premièrement, l’élaboration
d’un cadre stratégique ne se limitant pas seulement à la
relation bilatérale, mais s’étendant jusqu’à la coopération
en ce qui concerne les divers problèmes régionaux et
géographiques. Obama est convaincu qu’il existe un lien
étroit autour de ces problèmes et qu’il est impossible qu’on
remédie chacun à part. C’est là la vision de ce qu’on
appelle l’école réaliste dans la politique étrangère à
laquelle appartient la majorité des ministres et conseillers
d’Obama.
Le
second pilier considère l’Egypte comme l’axe stratégique de
l’équilibre et de la stabilité dans la région.
Les
indices provenant de Washington révèlent une volonté
américaine de revenir au dialogue stratégique lancé par le
président Clinton en 1997 et dont la première séance a été
inaugurée par les chefs de la diplomatie des deux pays, Amr
Moussa et Madeleine Albright. Le dialogue devra être un
système institutionnel afin de résoudre tout différend entre
les deux pays et d’établir une vaste coopération régionale
dépassant le cadre des relations bilatérales, pour englober
tous les sujets concernant les deux pays en Afrique, dans le
monde arabe ainsi que dans le monde islamique.
Selon
certains experts américains, la philosophie de la politique
étrangère d’Obama serait l’abandon total des politiques
suivies par Bush. Celui-ci considérait la relation entre les
Etats-Unis et l’Egypte comme une politique d’obligation et
de dictée et non pas comme une politique d’échange et de
réciprocité. De plus, l’Administration Bush avait exercé le
jeu de redistribution du poids relatif des pays de la région
afin de réduire le rôle des pays axiaux avec en tête
l’Egypte.
Barack
Obama est arrivé avec une nouvelle conception de la relation
avec l’Egypte et aussi avec une nouvelle conception de la
résolution globale du conflit arabo-israélien afin de mettre
un terme au cercle vicieux dans lequel il tournait.
On ne
peut prétendre que cette conception s’est complètement
cristallisée. Obama lui-même a déclaré qu’elle était encore
en cours d’étude et qu’elle ne se complétera qu’avec le
dialogue avec les parties en conflit. Elle dépendra aussi de
la capacité des différentes parties de cristalliser une
stratégie claire de ce qu’elle veut, de ce qu’elle peut
réaliser et de sa capacité d’exercer des pressions pour
parvenir à ses fins.
Obama a
mené de larges discussions avec ses conseillers qui ont une
grande connaissance de la région. C’est ainsi qu’il a formé
une idée claire des raisons des échecs précédents de la
résolution du conflit et de l’influence de cet échec sur la
sécurité nationale des Etats-Unis.
L’Egypte
est tout à fait consciente que la sécurité d’Israël
représente un pilier important de la stratégie américaine au
Moyen-Orient. Cependant, elle ne peut accepter l’exagération
de cette tendance et son exploitation au compte de
l’intransigeance d’Israël pour protéger son expansion et non
pas seulement sa sécurité.
Nous
nous engageons dans un dialogue stratégique dont le
principal pilier est la communauté des intérêts. C’est
pourquoi l’Egypte a ses propres conceptions en ce qui
concerne cette relation.
Premièrement, l’Egypte a un engagement de résoudre
totalement la cause palestinienne et de soutenir le peuple
palestinien, convaincue de ses droits nationaux. Pourtant,
le maintien de la cause palestinienne sans résolution est
une question de sécurité nationale pour l’Egypte.
Deuxièmement, l’Egypte refuse l’abolition des conditions de
la normalisation dont les plus importantes sont le retrait
des territoires occupés en 1967, l’octroi du droit
d’autodétermination au peuple palestinien et l’instauration
d’un Etat palestinien viable. Selon les références du
processus de paix et l’Accord de Madrid 1991, la
normalisation ne viendra qu’après l’application du principe
du processus de paix, soit la terre contre la paix.
Troisièmement, l’Egypte refuse la politique du fait accompli
suivie par Israël, dans une violation criante de ses
engagements. En effet, selon les références du processus de
paix, les questions difficiles comme Jérusalem, les réfugiés
et les frontières ne seront déterminées que dans les
négociations du statut final, et aucune partie n’a le droit
d’imposer unilatéralement le fait accompli.
L’intransigeance d’Israël de ne pas réaliser ses engagements
afin d’avorter le processus de paix a parfois exaspéré les
présidents américains. Israël voulait ainsi briser leurs
volontés. C’est ce qu’il a fait avec Gérald Ford en 1975 et
Bush père en 1991. Cependant, l’insistance de ces deux
présidents de ne pas se plier aux pressions des forces
juives a freiné les ambitions israéliennes et a obligé
Israël à arrêter ses tentatives de briser la volonté
américaine.
La
communauté des relations entre l’Egypte et les Etats-Unis
s’organise aujourd’hui dans le cadre d’un ordre mondial qui
se cristallise actuellement entre des parties qui ont besoin
les unes des autres.