Iraq.
Le premier ministre s’apprête à rompre son alliance avec le
puissant parti chiite du Conseil supérieur islamique d’Iraq,
proche de l’Iran, en prévision des législatives de janvier
prochain.
Maliki fait cavalier seul
Le
premier ministre chiite iraqien Nouri Al-Maliki s’apprête à
rompre avec ses partenaires chiites dominés par les pro-iraniens
du Conseil Supérieur Islamique d’Iraq (CSII). Il a affirmé
publiquement, dimanche, être prêt à concourir sous ses
propres couleurs aux élections législatives de janvier, si
aucun accord n’est possible avec ses anciens alliés chiites.
« Nous devons constituer une alliance nationale non
confessionnelle respectant les sunnites, les chiites, les
kurdes et les autres parties. Elle doit se faire sur une
base nationale et si cela se fait, nous serons partie
prenante de cette Alliance Nationale Iraqienne (ANI), comme
nous l’appelons actuellement », a-t-il dit dans un entretien
à la presse égyptienne publié dimanche sur son site.
Constituée en vue du précédent scrutin de 2005, l’Alliance
Unifiée Iraqienne (AUI), qui s’appelle désormais ANI, était
une coalition regroupant toutes les formations chiites.
Dominée par les pro-iraniens du CSII, alors que le parti
Dawa de M. Maliki était réduit à la portion congrue, elle
était arrivée en tête avec 128 des 275 sièges du Parlement.
« Mais si nous n’arrivons pas à cet objectif, nous irons
sous la bannière de l’Alliance de l’Etat de Droit (AED) et
je ne vous cacherai pas qu’un grand nombre de frères
sunnites font pression sur moi pour maintenir l’AED afin que
nous avancions ensemble », a-t-il ajouté. « Nous irons avec
l’AED si nous ne pouvons pas tous nous unifier autour d’un
projet national », a-t-il ajouté.
Pour les
provinciales de janvier 2009, M. Maliki avait constitué ses
propres « listes de l’Etat de droit », basées sur des
principes nationaux et non confessionnels. Elles avaient
fait mordre la poussière au CSII d’Abdel-Aziz Hakim,
omnipotent dans les régions chiites.
Mercredi,
dans le quotidien Dawa, Sami Al-Askari, député proche du
premier ministre, avait indiqué que M. Maliki voulait
constituer des listes avec des formations sunnites,
notamment tribales, qui ont annoncé leur soutien au chef du
gouvernement. « Tant qu’il n’y aura pas d’accord, il y aura
deux alliances et comme je pense qu’il n’y en aura pas dans
les prochains jours, le parti Dawa reverra ses alliances
dans l’esprit de la liste de l’Etat de droit », a-t-il
ajouté. « Le Dawa veut que la nouvelle alliance ait
réellement une base nationale et soit formée de toutes les
composantes qui veulent la rejoindre », a-t-il expliqué. «
Nos frères (du CSII) veulent qu’elle soit d’abord chiite
puis ensuite élargie à d’autres. Nous pensons que ce serait
un mauvais signal car les autres auront l’impression d’être
des partenaires de seconde catégorie », a-t-il poursuivi.
« Le
plus probable, c’est qu’il n’y aura pas d’accord avec
l’Alliance Unifiée Iraqienne (AUI) car M. Maliki veut une
alliance qui soit vraiment nationale dans son programme et
sa composition », a affirmé de son côté Ali Al-Moussaoui, le
conseiller de M. Maliki. « Jusqu’à présent, l’AUI n’a offert
ni garantie, ni assurance qui puisse convaincre M. Maliki
d’en faire partie », a-t-il ajouté.
Affaire
d’Etat
Autre
point de discorde, la répartition des candidats sur les
listes. Le CSII veut en obtenir un quart et distribuer un
autre quart pour le Dawa, un quart pour les partisans du
chef radical chiite Moqtada Sadr et un quart pour les
indépendants. « C’est inacceptable car cette distribution ne
tient pas compte des résultats des provinciales », qui a
inversé le rapport de force au profit des amis de M. Maliki,
a souligné le député Sami Al-Askari.
L’AUI
avait annoncé la semaine dernière qu’elle repoussait au 24
août l’annonce de la composition de la liste afin « de
convaincre d’autres composantes de la rejoindre », selon un
de ses responsables. Le CSII estime pour sa part que le Dawa
fait le jeu des baassistes en pêchant par orgueil. « Les
baassistes commencent à exploiter les divergences entre les
factions de (l’AUI) notamment entre le CSII et le Dawa dont
les dirigeants sont pleins d’orgueil et de vanité depuis la
victoire des listes de Maliki aux provinciales », accuse le
site Bouratha, proche du CSII.
Autre
point pesant sur les relations, le hold-up qui s’était soldé
le 28 juillet par le meurtre de 8 policiers et le vol de
près de 4 millions de dollars, qui ont été ensuite retrouvés.
Ce hold-up était l’un des plus importants et des plus
sanglants de l’histoire récente de l’Iraq. Cinq suspects ont
été arrêtés dont le cerveau, un officier de la garde du
vice-président Adel Abdel-Mehdi, du CSII. « Il y avait des
divergences entre le Dawa et le CSII qui auraient pu être
surmontées, mais ce hold-up a conduit à une rupture », a
affirmé sous condition d’anonymat un député du Dawa. M.
Maliki avait indiqué que les auteurs du hold-up étaient « un
groupe de gardes de M. Abdel-Mehdi » et que si ce dernier
avait fait de son mieux pour que l’argent soit rendu, il
n’avait pas prodigué les mêmes efforts pour remettre les
coupables.
Cette
affaire est devenue une affaire d’Etat depuis que le
ministre de l’Intérieur a révélé que le cerveau du hold-up
était un officier de la garde du vice-président, un
dirigeant du puissant CSII. Echanges d’accusations,
insinuations venimeuses, la polémique a pris de l’ampleur à
six mois des élections générales auxquelles les deux hommes
entendent participer. Le ministre Jawad Al-Bolani est à la
tête d’une formation laïque, le Parti constitutionnel
iraqien, alors qu’Abdel-Mehdi est un dirigeant du parti
conservateur, le CSII. Dès lors, les hostilités ont été
ouvertes. Le site Baratha, proche du CSII, publiait le 1er
août un article moqueur sur le manque de réactivité, selon
lui, du ministre de l’Intérieur et du premier ministre. « Le
premier crie victoire alors qu’il était assoupi et le second
a été réveillé dans la nuit par (...) Adel Abdel-Mehdi qui
venait l’informer que ses gardes avaient retrouvé l’argent
du hold-up et les coupables », écrivait Baratha.
Des
médias hostiles au CSII se sont demandés si le but des
auteurs du hold-up n’était pas de constituer une cagnotte
pour leur parti en vue des élections. Dans deux mises au
point, Adel Abdel-Mehdi a appelé « les officiels, les
politiciens et les journaux à faire preuve de responsabilité
». Dans le même temps, la télévision Al-Furat, proche de
CSII, se déchaînait contre M. Bolani, l’accusant d’avoir
tiré gloire de l’issue positive de l’affaire alors que
c’était le vice-président qui avait mis la police sur la
voie des coupables.
Hicham Mourad