Le président de l’Organisme général de l’investissement et des zones
franches, Assem Ragab, explique les retombées de la crise économique et financière
mondiale sur l’investissement en Egypte ainsi que les mesures prises par l’Etat
pour y faire face.
« Il y a une hausse de la demande au niveau du marché local »
Al-ahram hebdo : Comment l’Egypte a-t-elle été affectée par la crise
mondiale au niveau des investissements étrangers ?
Assem Ragab : Il faut premièrement reconnaître que nous ne sommes
isolés ni de la situation mondiale, ni de la crise que connaît actuellement
l’économie mondiale. Les ressources de l’Etat ont été influencées, y compris
les investissements étrangers directs et l’investissement local. Il est donc
évident qu’un rétrécissement relatif se soit produit au niveau du marché et de
la demande, causant un recul au niveau de l’investissement direct. En étudiant
la situation au cours des mois passés, nous remarquons que des investissements
ont été interrompus, alors que les investisseurs attendent de voir comment sera
la situation après la crise, comment le marché va bouger et quelles seront les
tendances de l’investissement, etc. De façon générale, il y a des
investissements, mais ils ont relativement baissé.
– Quels sont les investissements étrangers qui ont été les plus affectés
?
– C’est variable, mais les
investissements continuent de venir de par le monde. Il faut signaler que le
marché égyptien est encore en état de croissance. Malgré une baisse de la
croissance de 7 à 4 ou 4,5 %, le marché connaît tout de même une croissance et
les entreprises réalisent des marges de bénéfices convenables. En même temps,
il y a des chances de croissance du grand marché de consommation dont jouit
l’Egypte.
La crise a atteint son apogée au
dernier trimestre de 2008 et les deux premiers mois de 2009, où les
investissements étrangers se sont réduits. Mais nous avons remarqué récemment
un regain d’intérêts des sociétés des pays du Golfe et de l’Asie ainsi que de
certaines entreprises européennes, qui ne veulent pas voir réduire leur emprise
sur les marchés mondiaux.
– Quels sont les secteurs qui ont le plus réussi à attirer ces
investissements ?
– Un intérêt particulier est
accordé aux activités industrielles et logistiques ainsi qu’à la vente au
détail et les soins médicaux. Ce domaine en particulier possède des facteurs et
des expériences encourageants.
– Quels sont les avantages offerts par l’Etat et l’Organisme général de
l’investissement aux investisseurs arabes, étrangers et égyptiens pour faire
face à la crise ?
– Du point de vue économique
général, il y a une croissance du marché et une hausse de la demande au niveau
du marché local qui représente le tiers de celui du monde arabe. Ce sont des
avantages évidents. De plus, le secteur des services a connu un développement
important. L’Egypte produit aussi de nombreux entrants pour plusieurs
industries. Enfin, l’Egypte possède un élément important qui est la
main-d’œuvre, colonne vertébrale du secteur tertiaire sur lequel nous parions
énormément dans la période à venir.
– Mais plusieurs entreprises
étrangères se plaignent du manque de main-d’œuvre qualifiée. Que faites-vous
pour pallier à ce déficit ?
– Il est certain qu’il y a une
main-d’œuvre en Egypte qui a besoin de plus de formation et de perfectionnement.
Mais ceci n’empêche pas que nous possédons de nombreux talents dans les
différents secteurs industriels. C’est pour cela que nous encourageons les
investisseurs à contribuer à la formation de la main-d’œuvre.
– L’un des obstacles aux investissements est la faiblesse des
infrastructures, comme les routes en Haute-Egypte. Que fait l’Etat pour
remédier à cette situation ?
– Il faut qu’il y ait une certaine
égalité et un équilibre dans la distribution des investissements et aussi dans
le développement entre les différentes régions du pays. Il est donc question de
réaliser un équilibre entre les besoins de l’investisseur dans le processus de
développement, c’est-à-dire entre les frais d’un côté et la rapidité de la
production de l’autre. Par exemple, s’il y a un investisseur capable d’assumer
des frais énormes et qui désire réaliser une production rapide, il se dirigera
vers des régions déjà bien équipées, comme Le Caire, Alexandrie et leurs
banlieues. Mais en même temps, il devra assumer des charges plus
– La nature des investisseurs en Egypte a-t-elle changé après la crise
mondiale ? Sont-ils attirés par les mêmes secteurs qu’auparavant ?
– Les investisseurs sont devenus
plus prudents et la liquidité monétaire est moins disponible. Ils veulent
assumer moins de frais tout en étant sûr qu’il y aura des bénéfices. De plus,
les investisseurs s’intéressent aux chances de réexportation et à réaliser un
équilibre entre le marché local et les marchés d’exportation
– Est-ce que ceci s’applique à l’investisseur égyptien qui exporte sa
production ? Est-ce que l’exportateur réclame une hausse de la part de la
production exportée ou bien une hausse du taux consacré au marché local ?
– Certaines entreprises
fonctionnant dans les zones franches ont réclamé d’augmenter le taux de ventes
consacrées au marché local, surtout dans les domaines du prêt-à-porter et des
industries alimentaires. C’est une solution efficace face au rétrécissement du
marché mondial. Nous les avons alors aidées en diminuant les taxes ainsi que
certaines autres charges financières pour les aider à surmonter la crise.
– Mais comment attirer davantage d’investisseurs en Egypte malgré la
crise ?
– Ce qui importe le plus pour
l’investisseur c’est le coût de l’exercice de l’activité. Le coût du lancement
même de l’activité est très important chez n’importe quel investisseur.
Récemment, certaines initiatives gouvernementales ont été prises en vue de
réduire les charges du lancement de l’activité à travers une panoplie de
mesures, dont des avantages financiers, comme certaines exonérations douanières
et certaines réductions dans le chiffre minimal du capital des compagnies à
responsabilité limitée. Nous avons par exemple dispensé les compagnies à
responsabilité limitée des capitaux. Il y a des frais à verser au moment de
l’obtention de la licence de l’activité mais il n’y a pas de somme minimale
pour le capital des compagnies à responsabilité limitée. Dans les zones
franches, nous avons également réduit les frais, comme ceux relatifs à la
possession de la terre, la location ou bien le droit d’exploitation des terres.
Afin d’améliorer la situation des investisseurs qui sont déjà en activité, nous
avons mis à leur disposition les services dont ils ont besoin près de leurs
lieux de travail. Nous avons alors vu nécessaire d’élargir les bureaux de
représentation de l’Organisme de l’investissement, ainsi que les services qu’il
offre dans les différentes régions du pays. Nous avons quatre bureaux dans
quatre régions. Notre objectif au cours des années à venir est d’avoir des
représentations dans tous les gouvernorats d’Egypte. Le rôle essentiel de
chacun de nos bureaux n’est pas seulement d’aider à la fondation des
compagnies, mais de délivrer les licences et procurer les services de
l’après-fondation. Il leur incombe également de participer à la promotion de
l’investissement.
– Obtenir les terrains à bas prix est l’un des plus grands soucis des
investisseurs, en plus des problèmes relatifs au financement. Comment
faites-vous face à ces problèmes ?
– Les problèmes les plus
importants apparaissent dans la phase de l’après-fondation des sociétés. Nous
nous concentrons surtout sur deux points. Premièrement, les licences et les
services de l’après-fondation et, deuxièmement, les terres que nous nous efforçons
de rendre le moins cher possible. Revenons ici à la question de l’équilibre
dont nous avons précédemment parlé. Cette question est très importante en ce
qui concerne les terres que nous proposons aux investisseurs dans des régions
que nous voulons développer. Ces terres-là sont octroyées gratuitement aux
compagnies industrielles. Dans d’autres régions mieux équipées, où les demandes
sont élevées, les terres disponibles ne sont pas nombreuses et sont chères.
D’autre part, nous cherchons à créer des industries complémentaires dans les
régions que nous voulons développer. C’est-à-dire que nous préférons développer
des industries alimentaires qui s’appuient sur les cultures développées dans
les régions agricoles. Nous créerons ainsi des sociétés agro-industrielles
complémentaires et réaliserons un vrai développement des régions. Nous
éviterons de même des frais inutiles de transport. Car des industries
agro-alimentaires seraient ainsi créées dans les mêmes endroits de la
production alimentaire. L’objectif est donc de réaliser un développement
complémentaire dans chaque région selon les ressources qu’elle possède.
– Les investisseurs ont-ils aujourd’hui un problème de liquidité ?
– Non, il n’y a pas de problème
réel de liquidité, mais ce qui fait bouger les fonds ce sont l’intérêt et les
bénéfices.
Propos recueillis par Magda Barsoum