Al-Ahram Hebdo, Visages | Nasser Loza
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 3 au 9 juin 2009, numéro 769

 

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Visages

Nasser Loza, psychiatre de père en fils, est le porte-parole des malades montrés du doigt et laissés pour compte. Le directeur de l’hôpital Behman, fondé par son grand-père, est l’auteur de la récente loi sur la santé psychique qu’il a élaborée avec toute son énergie.

Un psy doublement libérateur

« Nous avons enfin réussi à supprimer le mot fou de tous les documents officiels ayant rapport aux malades psychiatriques ». Nasser Loza, responsable de la santé psychique auprès du ministère de la Santé, est fier d’avoir réussi ce premier pas visant, entre autres, à modifier la perception des maladies mentales. Car en Egypte, la tendance est de refuser aux minorités qui en sont victimes leurs droits comme citoyens. La nouvelle loi de la santé psychique exige que le malade choisisse — dans certains cas — d’être hospitalisé ou de recevoir les soins nécessaires à domicile. Et si le malade ne guérit pas à l’hôpital au bout d’un mois de traitement, il peut bénéficier d’une surveillance médicale et de consultations périodiques trimestrielles ou semestrielles. Cela, jusqu’à pouvoir réintégrer pleinement la société. Une manière de faire face à la volonté de certains membres des familles des patients de les faire interner pour de longues périodes, voire même de les mettre complètement à l’écart. « Malheureusement, on trouve des gens qui vivent depuis une cinquantaine d’années internés. Parfois les parents qui l’ont mis à l’hôpital sont décédés », raconte le psychiatre sur un ton désolé, marqué par le fait que ces malades tombent dans l’oubli.

Nasser Loza est plongé dans le monde de l’hôpital psychiatrique de Behman depuis toujours. Son grand-père, le psychiatre Beniamin Behman, en a été le fondateur. Vers la fin des années 1950, Nasser Loza a vu le jour dans cet établissement situé à Hélouan, sur une colline loin de la zone industrielle. Il a donc vécu près des malades, appartenant à une lignée de médecins qui ne les quittent jamais. Son grand-père et son propre père habitaient autrefois là où sont maintenant logés les médecins de l’hôpital. « L’ancienne loi de 1944 sur la santé psychologique n’envisageait pas qu’un malade psychiatrique puisse guérir », lance Loza, évoquant les anciennes tentatives de son grand-père d’utiliser l’insuline pour calmer ses patients. Car le premier médicament visant à soigner les hallucinations, le Largactil, n’est sorti en France qu’autour de 1954.

Loza se rappelle que l’hôpital Behman a continué à recourir à l’insuline même après la sortie du médicament français. « Je garde encore le rapport de l’Organisation mondiale de la santé de 1959 qui évoque l’hôpital Behman, vantant ses mérites et son côté inventif », dit-il avec un sourire, ajoutant que l’insuline faisait entrer le patient dans le coma et quelques heures après, le médecin injectait une solution d’eau et de sucre directement dans l’estomac pour le réveiller. Cette méthode n’avait qu’un effet calmant pour dépasser les moments d’excitations nerveuses. Actuellement, ce traitement n’est plus d’usage grâce aux nombreux médicaments disponibles et visant à soigner la dépression, la schizophrénie ou autres. Cette dernière maladie est considérée comme la plus grave et la plus difficile à surmonter, commente Loza, ajoutant : « Le schizophrène peut rechuter à tout moment, même après des années de traitement ». Sa voix douce et posée est celle de quelqu’un qui ne veut pas déranger son entourage, notamment les malades.

Cet ancien élève du Lycée Français de Maadi se sent heureux et très à l’aise dans son milieu. « Je trouve un vrai plaisir à tendre la main à un malade qui a perdu la capacité de se concentrer et de réfléchir ». Ce sentiment de satisfaction lui procure l’énergie pour revendiquer les droits de ses malades. Il mène une vraie lutte, depuis des années, afin de changer la mauvaise image qui leur a de tout temps été attribuée.

Loza s’acharne à expliquer qu’une personne atteinte de troubles psychiques se voit privée de son droit au logement, au travail et au mariage. «  La maladie psychique est comme une tare, il suffit de savoir que cette personne a été à l’asile ou qu’il était sous traitement pour que tout le monde l’évite. Personne ne veut alors l’aider à vivre normalement ». Loza s’indigne de tels agissements et n’hésite pas à rappeler que chacun peut du jour au lendemain souffrir d’une maladie psychiatrique. « C’est comme les autres maladies : hypertension, diabète et cancer et ce n’est pas contagieux ». Et d’ajouter : «  J’étais surpris pendant mon séjour à Londres par les attitudes face aux malades psychiatriques. Un jour, dans un magasin, j’ai vu comment le vendeur traitait un malade en toute patience, alors qu’il avait du mal à se concentrer, qu’il était très mal habillé et prenait son temps pour décider ou faire ses calculs ». Le vendeur n’a pas prêté attention à Loza, alors tiré à quatre épingles, et cela l’a vraiment marqué, se disant que c’était une société civilisée respectant les handicapés et les malades mentaux. « J’espère que les changements en cours dans notre société seront à même de changer l’image du malade psychiatrique, car c’est avant tout un être humain ».

Loza est optimiste quant au changement. Durant les 10 dernières années, une attention nouvelle a été donnée aux besoins des enfants handicapés par exemple. De même, Nasser Loza souhaite pouvoir réformer la vision des gens, notamment après la ratification de la nouvelle loi sur la santé psychiatrique au Parlement au mois d’avril dernier. Selon lui, en Egypte, prescrire un traitement pour un malade psychiatrique relève uniquement du rapport patient-médecin, il n’y a ni infirmière qualifiée ni assistant social efficace. Tout se passe entre médecin et malade.

Malgré les pressions professionnelles, Loza reste calme et serein. Il sépare complètement vie privée et publique. « Toute profession comporte des pressions. Moi, je suis né à Behman et mon père à l’hôpital psychiatrique de Abbassiya. Alors on a l’habitude ». Nasser Loza mène une vie stable auprès de la femme de sa vie, Nadine, qu’il a rencontrée pendant leurs études à l’Université du Caire. Plus tard, lui est parti à Londres et elle en Allemagne. Pendant 13 ans, ils se sont fréquentés et tentaient de créer des occasions pour passer des week-ends ensemble en Europe. « 13 ans d’amitié avant le mariage. Je n’ai aucun regret. On ne peut pas dire que l’on ne s’est pas connu assez ». Son visage se détend, le psychiatre rougit en parlant de sa belle moitié. Francine, sa fille unique de 16 ans, est le fruit de ce mariage heureux. « Je ne sais pas si elle veut devenir psychiatre ou pas, mais je souhaite qu’elle soit heureuse », dit-il avec une tendresse paternelle.

Malgré ses diverses occupations, il trouve le temps de se consacrer à sa famille et aux voyages. L’été dernier, il a fait une longue croisière sur un bateau à voile. « Nous avons passé quelques jours à l’île de Ré, à mi-chemin entre Nantes et Bordeaux. Des vacances inoubliables, j’espère bien refaire le même tour à nouveau ». Les grands espaces, l’horizon qui s’étend à l’infini, c’est une nécessité pour Loza. Cela lui permet de se recharger, pour reprendre sa lutte de plus belle. Déjà, il a plus d’une vingtaine de recherches à son actif, où il fait parfois références à l’époque pharaonique. En 2001, il a effectué une étude sur Le marché illégal des drogues dans le grand Caire. Il a fait appel à une coopération étendue entre chercheurs, experts opérationnels et preneurs de décision pour contrôler les drogues et prévenir les crimes. « Ce travail collectif suffira à offrir des informations complètes et précises pour donner suite au travail des organisations internationales et des ONG locales », assure Loza.

Dina Ibrahim

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Jalons

1930 : Fondation de l’hôpital Behman à Hélouan.

Février 1958 : naissance à l’hôpital Behman.

1995 : Devient fellow du Collège royal de psychiatrie à Londres.

Février 2005 : Devient responsable de la santé psychique au ministère de la Santé.

Avril 2009 : Nouvelle loi sur la santé psychique.

 

 

 




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