Le
directeur général de l’Office européen de la lutte anti-fraude
(OLAF), Franz Hermann Bruener,
qui était en visite au Caire, évoque la coopération entre
son institution et l’Egypte.
«
Nous cherchons toujours des partenaires dans les pays où
nous dépensons notre argent »
Al-ahram
hebdo : Vous êtes actuellement en Egypte, quelle est votre
mission ?
Franz
Hermann Bruener :
En fait,
je suis dans votre pays pour promouvoir l’idée de la
coopération. Nous devons travailler ensemble pour pouvoir
protéger les fonds européens dirigés vers l’Egypte pour y
être dépensés. Notre agence est ici à la recherche de
partenaires, car nous avons une vision de base selon
laquelle il existe toujours des problèmes lorsqu’il y a une
certaine somme d’argent destinée à un certain objectif. Il
ne s’agit pas d’un problème lié particulièrement à l’Egypte,
mais c’est un problème répandu dans le monde entier. Pour
cette raison, nous recherchons des partenaires qui nous
aident à empêcher toute irrégularité et, au cas où les
irrégularités se manifesteraient, nous aident à régler le
problème.
— Quel
est votre rôle dans le processus d’allocation de fonds
européens destinés à la réalisation des projets axés sur le
développement en Egypte ?
— En
fait, nous n’avons aucun rôle spécifique dans ce processus.
Cela relève plutôt du dossier de coopération entre l’Union
européenne et l’Egypte. Je dirais que nous sommes un
organisme de surveillance qui veille sur l’utilisation de
ces fonds afin qu’ils soient bien dirigés vers les objectifs
sur lesquels nous nous sommes mis d’accord et qu’ils ne
soient pas dispersés ailleurs.
—
Voulez-vous nous définir l’OLAF. Comment cet organisme
fonctionne-t-il ?
— C’est
une organisation qui a un objectif spécifique qui est celui
de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne.
Nous surveillons les fonds de l’Union européenne et nous
nous adressons à des sujets tels que la fraude, la
corruption ou la mauvaise gestion des fonds. Nous avons
également comme objectif de créer des mécanismes préventifs
visant à protéger l’argent lors du processus de son
utilisation. Ainsi, nous avons mis en place un certain
nombre de procédures qui visent à assurer un maximum de
contrôle. En fait, pour garantir de meilleurs résultats,
nous cherchons toujours des partenaires avec qui nous
puissions travailler ensemble, dans les pays où nous
dépensons notre argent.
— Quels
sont les mécanismes que vous utilisez pour surveiller
l’utilisation des fonds européens dans les pays du Sud de la
Méditerranée qui représentent un environnement très
différent de celui qu’on retrouve en Europe ?
— Nous
n’avons pas qu’un ou deux projets et je ne peux dire que
nous traitons la situation dans tous les pays de la même
manière. Je ne peux pas non plus expliquer notre mécanisme
en termes de : une première, deuxième et troisième étape,
etc. En fait, comme je l’ai déjà dit, nous cherchons des
partenaires compétents sur place avec qui nous pouvons
travailler. Je cite, à titre d’exemple, le cas d’une affaire
que nous avons eue récemment en Ouganda. Nous avons été
contactés par le procureur général de ce pays qui nous a
demandé si nous pouvions aider. Dans d’autres pays, nous
pouvons être sollicités par un commissaire aux comptes ou un
autre organisme compétent. Cela veut dire qu’il n’y a pas de
modèle unique de travail pour l’ensemble des pays que nous
couvrons, car chaque société a ses particularités et son
système dont dépend la forme de notre coopération. De notre
côté, nous discutons avec nos partenaires des meilleures
stratégies à adopter pour traiter les problèmes relatifs à
notre travail. Parallèlement, comme c’est souvent le cas, au
cas où il y aurait un soupçon d’irrégularité, les
délégations de la Commission européenne dans les pays
concernés entrent en contact avec nous et demandent notre
assistance.
—
D’après vous, les différences culturelles entre les pays du
Sud et leurs partenaires du Nord ne représentent-elles pas
un problème dans la communication et la collaboration
indispensables pour mener à bien votre travail ?
—
L’Union européenne est formée de 27 pays, avec tout ce que
cela représente au niveau de différence linguistique et
culturelle. Je pense que les Européens ont une très bonne
expérience de travail dans une ambiance pluriculturelle.
Mais nous savons aussi très bien que malgré de telles
différences, certains principes restent très clairement
définis dans toutes les cultures. La fraude et la corruption
sont par exemple des concepts que l’on comprend exactement
de la même manière dans toutes les cultures, ils sont
illégitimes et illégaux dans toutes les cultures.
— On
connaît que les fonds alloués à la réalisation de certains
projets passent par plusieurs organismes et suivent un long
parcours avant de parvenir à leur destination. Comment
peut-on garantir que cet acheminement se passe sans qu’il y
ait des irrégularités ?
— C’est
un processus assez complexe parce qu’il ne s’agit pas de
mettre de l’argent dans une enveloppe et la donner à
quelqu’un pour réaliser un projet comme il l’entend. Il y a,
tout d’abord, une claire responsabilité du pays à qui les
fonds ont été attribués. Ensuite, il y a les organismes
impliqués dans ce processus et qui doivent présenter des
rapports détaillés aux représentants locaux de la
Commission, expliquant toutes les étapes de leur travail.
Ces rapports sont ensuite soumis à des spécialistes et des
commissions de contrôle que nous faisons venir de
Luxembourg. Si par hasard ceux-ci détectent que les
démarches ne correspondent pas à ce qui a été décrit dans
les rapports, ils nous le signalent et c’est là que nous
devons intervenir.
— Ces
informations sont-elles disponibles avec cette même
transparence à l’opinion publique des pays partenaires ?
— En
principe, nous préférons travailler avec les gouvernements
de nos pays partenaires, des gouvernements que nous
supposons être démocratiquement élus. Il est vrai que
parfois certains ne sont pas contents de ce choix et se
posent des questions sur son bien-fondé. C’est une réaction
que nous ne pouvons pas éviter, parce que faire autrement
impliquerait des choix politiques et cela ne fait pas partie
de nos objectifs. Ce que nous voulons c’est aider les pays
partenaires à se développer ou à surmonter une situation
difficile, nous nous mettons donc d’accord avec les
gouvernements de ces pays pour réaliser ces objectifs.
— Les
médias sont-ils intégrés dans votre mécanisme de contrôle et
de lutte contre la fraude et la corruption ?
— Les
médias sont naturellement un bon outil de contrôle veillant
à assurer la transparence, notamment dans les affaires qui
nous intéressent. Cela dit, nos méthodes de travail sont
différentes, parce que souvent les médias sont pressés et
cherchent un résultat rapide. Nous voyons les choses un peu
autrement, car notre travail est fait sur le long terme et
sans beaucoup de bruit. Ce que nous cherchons, c’est
d’arrêter la fraude et la corruption à travers un changement
d’attitude et de comportement. Puis, quand cela se réalise,
poursuivre le travail et aller de l’avant. Par contre, nous
avons pu constater que les scandales médiatisés font trop de
bruit et empêchent souvent la reprise de travail ou la
recherche de solution.
Propos recueillis par Randa Achmawi