Al-Ahram Hebdo, Enquête | Un malaise de plus
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 3 au 9 juin 2009, numéro 769

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Enquête

Presse. La décision du Conseil consultatif de rattacher trois publications de Dar Al-Taawon (en faillite) à Al-Ahram et Al-Akhbar a entraîné une levée de boucliers parmi les journalistes de ces deux institutions.

Un malaise de plus

Devant le bâtiment d’Akhbar Al-Youm, situé à rue Al-Sahafa dans le quartier de Boulaq au Caire, des cris s’élèvent. « Injustice, injustice ». Brandissant des slogans hostiles au gouvernement, plusieurs dizaines de journalistes du quotidien gouvernemental Al-Akhbar sont réunis à l’entrée de l’édifice. Les voix résonnent. « Ô Moustapha ! Viens voir ce qu’on fait à tes fils (référence à Moustapha Amin, un des fondateurs d’Akhbar Al-Youm, NDLR) ». Peu à peu, le ton devient plus grave : « A bas Ahdi Fadli, à bas Safwat Al-Chérif », scande la nuée de journalistes. Devant les caméras des chaînes satellites venues filmer la scène, ils sont rejoints par des employés de la fondation Al-Akhbar. Et tout le monde se met à scander. « Vive Al-Akhbar, à bas Safwat Al-Chérif ». A quelques pas de là, des journalistes d’Al-Ahram, dont le bâtiment se trouve à côté d’Al-Akhbar, se rassemblent au rez-de-chaussée de leur bâtiment. Ils se préparent à organiser une marche de protestation vers le Conseil consultatif. Marche qui, sous la pression de la sécurité, n’aura finalement pas lieu.

Tout commence lorsque ce Conseil consultatif, organe officiel présidé par Safwat Al-Chérif, à qui revient la propriété de la presse gouvernementale, décide de rattacher trois publications de la fondation Dar al-taawon, en faillite, aux deux grandes institutions Al-Ahram et Al-Akhbar soulevant ainsi une levée de boucliers parmi les journalistes des deux institutions qui craignent des répercussions sur la situation financière de leurs journaux. « Le rattachement de ces publications avec leur personnel va constituer un fardeau pour le budget de nos institutions, ceci au moment où nos salaires sont loin d’être convenables », lance Diaa Rachwane d’Al-Ahram, opposé à cette décision. Al-Ahram héritera de l’hebdomadaire Al-Taawon (la coopération) et d’Al-Magalla al-zéraïya (le magazine agricole), tandis que le quotidien Al-Massaïya reviendra à Al-Akhbar. Les journalistes d’Al-Ahram et d’Al-Akhbar sont d’autant plus irrités qu’il existe des centaines d’employés dans les deux institutions qui travaillent depuis des années et qui n’ont toujours pas été titularisés. « Nous n’avons pas besoin de fardeaux supplémentaires. Certaines publications d’Al-Ahram et d’Al-Akhbar enregistrent aussi des pertes, et il existe des centaines de stagiaires qui attendent d’être titularisés », lance pour sa part Fatma Al-Dessouqi, journaliste au quotidien Al-Ahram. Et d’ajouter que le Conseil consultatif n’a pas pris l’avis des institutions concernées avant de prendre cette décision.

Dar al-taawon a été créée dans les années 1950 sous l’ancien président Gamal Abdel-Nasser, en tant qu’association coopérative pour la publication. La fondation accablée par les dettes était depuis quelques années en déroute financière. Cependant, elle possède des avoirs, dont la valeur s’élève à plus d’un milliard de L.E. « Ces avoirs vont finir dans les caisses de l’Etat, alors que ce sont les journalistes d’Al-Ahram et d’Al-Akhbar qui vont assumer le fardeau », lance Fatma Al-Dessouqi. Et de souligner que si Al-Ahram s’est acquittée d’une bonne partie de ses dettes vis-à-vis des banques et l’Etat, les dettes d’Al-Akhbar s’élèvent à 1,3 milliard de L.E.

Une délégation de journalistes des deux institutions a rencontré dimanche Safwat Al-Chérif. Soucieux d’apaiser les esprits, Al-Chérif a affirmé que le Conseil consultatif « s’engage à assumer les dépenses relatives aux journalistes de Dar al-taawon ». Il a cependant exclu toute remise en question de la décision. Des membres du conseil d’administration d’Al-Ahram défendent, eux aussi, la décision du Conseil consultatif. « Il n’y aura pas de répercussions financières sur Al-Ahram ou sur ses journalistes », assure Ahmad Al-Naggar, membre du conseil d’administration d’Al-Ahram. Et d’expliquer que le Magazine agricole est distribué à environ 18 000 exemplaires. Il n’est pas perdant. « Seul l’hebdomadaire Al-Taawon perd de l’argent et ne distribue que 4 000 exemplaires. Mais dans l’ensemble, ce n’est pas une mauvaise affaire. Ni Al-Ahram ni Al-Akhbar n’hériteront des dettes de la fondation Al-Taawon. Il n’y a aucune contrainte financière à part les salaires qui ne représentent que 800 000 L.E. par an », pense Al-Naggar. La totalité des avoirs de Dar al-taawon iront à la société Al-Qaoumiya pour la distribution de presse. Une société publique qui héritera également de l’ensemble du personnel administratif.

Mais, au-delà de ce débat, et dans un contexte plus large, c’est la situation et la gestion des groupes de presse en Egypte qui sont au centre d’un vif débat. Dans les années 1950, l’ancien président Gamal Abdel-Nasser nationalise les grands groupes de presse. C’est la naissance de la presse « nationale ». Mais aujourd’hui, à l’exception peut-être d’Al-Ahram, la plupart de ces institutions sont en faillite. Une situation dont la responsabilité incombe à l’Etat. « Durant des années, ces institutions ont été gérées dans l’unique but de la propagande gouvernementale loin de toutes considérations économiques. C’est ainsi que les rédacteurs en chef et les conseils d’administration nommés à leur tête n’ont déployé aucun effort pour faire réussir leurs institutions », analyse Gamal Fahmi, membre du conseil d’administration du syndicat des Journalistes. Outre Dar al-taawon, des groupes comme Dar al-chaab, Dar al-maaref, Dar al-hilal ou Rose Al-Yossef croulent sous les dettes. Selon le ministère des Finances, le montant de ces dettes s’est élevé à 6 milliards de L.E. Il s’agit d’impôts impayés et d’emprunts bancaires contractés pour lancer des projets et des publications qui ne sont pas économiquement viables. « En réalité, ces institutions sont devenues des outils pour récompenser les journalistes fidèles ou proches du gouvernement. Dans les années 1960, le Magazine agricole était tiré à 500 000 exemplaires. Maintenant, il n’atteint même pas les 20 000 », ajoute Gamal Fahmi. Même son de cloche pour Adel Hammouda, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Al-Fagr. « Durant des années, le gouvernement a fermé les yeux sur la corruption et les pertes sublimes par ces institutions. Mais maintenant avec la crise mondiale, il ne peut plus supporter le fardeau. Il cherche à profiter des revenus de la vente des avoirs de ces institutions perdantes », explique Hammouda.

Il pense que le problème de Dar al-taawon se posera avec d’autres institutions comme Al-Chaab et Dar al-hilal. « Mais le problème est que ces fondations ont effectivement vendu la plupart de leurs avoirs pour payer les dettes ». La question est donc de savoir comment le gouvernement va gérer la crise de ces institutions. Lors d’une récente réunion avec les présidents des conseils d’administration des groupes de presse, le premier ministre, Ahmad Nazif, a demandé à réduire les pertes.

L’une des solutions qui se profilent à présent est la privatisation. Mais elle n’est pas à envisager dans l’avenir proche. « Ces institutions constitueront un casse-tête éternel pour l’Etat », souligne pour sa part Abbas Al-Tarabili, ancien rédacteur en chef du quotidien d’opposition Al-Wafd. « Il faut d’énormes fonds pour les sauver. Ce que l’Etat est en train de faire, c’est de liquider ces institutions et faire payer la facture à d’autres fondations en meilleure santé financière », pense Al-Tarabili. Lui aussi, souligne la responsabilité de l’Etat qui a laissé sévir la corruption au sein de ces institutions. Plusieurs députés ont exigé cette semaine que le dossier de la presse nationale soit examiné par le Parlement. Quant à Safwat Al-Chérif, il a assuré que la décision de rattacher les trois publications de Dar al-taawon à Al-Ahram et Al-Akhbar était « irréversible ». « Le Conseil consultatif a utilisé ses pouvoirs en vertu de la loi de la presse en tant qu’autorité qui parraine la presse nationale », a affirmé le président du Conseil consultatif. Les journalistes des deux institutions entendent poursuivre leur mouvement de protestation.

May Atta
Ola Hamdi

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.