Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Boulot et dodo ensemble
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 juin 2009, numéro 772

 

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Nulle part ailleurs

Initiative. « Votre bureau à domicile » … telle est l’expérience lancée récemment par le ministère du Développement administratif afin de concilier entre travail et vie privée et augmenter la performance et la productivité des fonctionnaires. Une expérience qui ne fait pas l’unanimité.

Boulot et dodo ensemble

Adieu les fiches de pointage, les embouteillages et les longues heures de trajet ! C’est en dix secondes que Réhab se retrouve à son bureau. Et pourquoi pas, puisque son lieu de travail se trouve à quelques mètres de son salon. Assise devant son ordinateur, elle commence par des tâches basiques, ouvre son email, consulte le courrier du ministère, sort ses dossiers, se balade avec son portable tout en décomposant chaque tâche et progressant étape après étape. Réhab a installé son bureau dans sa chambre : laptop, fax, téléphone, étagère pour ranger ses classeurs. « J’ai tout ce qu’il faut dans cet espace aussi réduit », dit cette fonctionnaire qui travaille dans le domaine des relations internationales au ministère du Développement administratif. Et bien que sa journée commence en douceur, à 8h du matin, une heure avant l’heure officielle du ministère, cela ne l’empêche pas de temps à autre de jouer avec ses jumeaux âgés de deux ans ou de s’attarder un peu devant la télé. Autrement dit, à la maison, elle s’organise comme elle le veut, fait ses recherches sur Internet, rédige son courrier, donne des coups de fil et respecte son deadline comme si elle se trouvait à son bureau au ministère. « Le travail à domicile me permet une grande liberté d’organisation, je me sens plus productive, plus à l’aise. Je choisis mes horaires de travail, je ne subis pas toutes les incommodités de la circulation et du transport, et cela me permet d’avoir les yeux sur mes enfants », explique-t-elle. Et d’ajouter : « Attention ! Côté planning, tout n’est pas rose, il arrive que les journées s’allongent (parfois jusqu’après minuit), que les week-ends s’abolissent, que la frontière tombe entre temps professionnel et privé. Si je me mets moins vite au travail, si j’accepte une mission de trop, le temps d’abord libéré s’évanouira. Il est vrai qu’à la maison, on est maître de son temps, mais ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas instaurer un système d’organisation ». Un système adopté par Réhab, et qui lui a valu le titre du fonctionnaire exemplaire à deux reprises.

En fait, tout a commencé il y a deux ans et demi, lorsque Réhab est tombée enceinte. Au quatrième mois de grossesse, son gynécologue lui a conseillé de ménager ses efforts et d’éviter de se rendre au travail si elle veut garder ses jumeaux. Un gros problème pour Réhab qui habite à la ville du 15 Mai et dont le boulot se trouve au quartier de Salah Salem. « Chaque jour, je devais descendre à 7h du matin pour arriver au moins à 8h30 au travail, faire de l’acrobatie pour trouver un taxi, prendre le microbus et enfin le bus. Trois moyens de transport pour me rendre au boulot et trois autres pour revenir à la maison. Sans compter les 300 L.E. que je dois dépenser chaque mois pour le transport », soupire-t-elle au milieu des feuilles volantes étalées sur le canapé et la table basse du salon. Face à l’état de santé de sa femme, le mari a décidé qu’elle ne se rendrait plus au travail. Du coup, Réhab a informé son patron de son état de santé. Ce dernier lui a proposé de continuer à faire son travail à partir de la maison. « Pouvoir concilier entre mon boulot et ma vie familiale est la chose à laquelle j’aspirais. Et grâce au soutien de mon patron, Amani Essawi, et à l’esprit ouvert du ministre le Dr Ahmad Darwich, ce rêve est devenu une réalité », dit-elle. 

Les femmes d’abord

Or, Réhab n’est pas la seule à travailler à partir de chez elle, mais plutôt la première fonctionnaire sur laquelle a été appliqué le système du travail à domicile. Une initiative lancée tout récemment par le Dr Ahmad Darwich, ministre du Développement administratif, et qui porte le slogan « Votre bureau à domicile ». Et ce, pour offrir une opportunité de travail à un plus grand nombre de femmes, et surtout pour profiter du système du gouvernement électronique et la hausse des usagers, dont le nombre atteint actuellement les 15 millions de personnes, soit environ 20 % de la population égyptienne. Apparu il y a quelques années dans les pays occidentaux, le travail à domicile touche à l’heure actuelle plusieurs institutions dans les quatre coins du monde. Et ce, pour les nombreux avantages qu’il représente.

 

Les avantages du système

Les employés à domicile sont attirés par ce nouveau système de travail car il permet de réduire les frais et le temps de déplacement ainsi que les dépenses qu’exige une vie active quotidienne, à savoir habillement et transport. Il a été constaté que le rendement du travail à domicile est nettement supérieur que celui fourni par un employé au sein de l’entreprise. La raison : pas de temps improductifs (pauses, absences, temps mort, travail inutile, erreurs ...). Tout cela est réduit à néant. Il est donc prévu que de plus en plus d’employés vont délaisser leur bureau au profit d’un travail à domicile, même si ce dernier n’occupe encore qu’une part relativement faible de la population active. Une tendance à la hausse en comparaison avec le travail temporaire où le fonctionnaire touche à la pige. 

 Evolution historique

« D’ores et déjà en plein essor, le travail à distance va être dans les prochaines années une des formes courantes d’activité professionnelle. Les évolutions économiques (coût du transport, coût de l’immobilier), les aspirations individuelles (besoin de liberté et envie de temps), ainsi que les progrès techniques (mise en réseau des moyens de productions via Internet) nous mènent au développement naturel du travail à domicile. Pourquoi donc ne pas l’appliquer en Egypte ? », souligne Nasser Fouad, conseiller médiatique du ministère du Développement administratif. Et d’ajouter : « Peu importe que le fonctionnaire se trouve à son travail ou pas, l’important est qu’il soit productif. Et une telle productivité ne peut être réalisée avec les problèmes de transport, d’embouteillage et de trafic intense. Une perte de temps, d’énergie et de productivité aussi bien pour l’employeur que pour le fonctionnaire ». D’après lui, cette initiative a été appliquée seulement à une dizaine de fonctionnaires au ministère comme une expérience, et au fur et à mesure, elle peut être adoptée par plusieurs institutions et organisations, surtout dans le domaine de l’édition, de l’informatique, de la programmation, du webmastering et de la traduction. Autrement dit, le travail à domicile ne peut pas convenir à tous les emplois, comme ceux qui sont en contact direct avec le public tels que les guichetiers, les agents de sécurité, les médecins, les professeurs, etc. Et pour réussir une telle expérience, éviter toute corruption ou paresse, il était important de mettre des critères pour que le travail à domicile soit pris au sérieux. « Pas question d’accorder ce genre de boulot à n’importe qui. C’est au patron de décider et de choisir le fonctionnaire qui va travailler chez lui ou se rendre à son travail. Et le baromètre qui détermine si ce dernier mérite un salaire est sa productivité et la qualité de son travail, et ceci ne peut être évalué que par le patron ou le chef d’entreprise. Et pour empêcher les dépassements qui se font au cours des évaluations sur la productivité et sur lesquelles la plupart des travailleurs obtiennent les 100 %, il faut trouver une méthode plus efficace pour le cas de ceux qui travaillent à domicile. Compter le nombre de pages livrées par un traducteur ou celui des plaintes étudiées par le chercheur juridique peut être une méthode à appliquer », explique Nasser, tout en ajoutant que cela nécessite généralement du matériel d’informatique et de communication plus performant. Se déroulant entièrement à domicile et loin des yeux des managers, ce type de travail à domicile présente le risque de voir la vie privée prendre le dessus sur le travail.

 

Ne pas avoir son patron sur le dos

Pour Marianne, qui travaille dans la section des relations publiques au ministère du Développement administratif, le travail à domicile permet non seulement à la femme de concilier son rôle de mère et le besoin de travailler, mais aussi de faire son boulot avec le minimum de stress et sans être contrainte par le temps. Pour elle, choisir de travailler à domicile accentue chez elle ce sentiment d’indépendance.

En effet, si certaines personnes ont besoin d’être surveillées par un supérieur pour accomplir convenablement le travail, d’autres, au contraire, n’ont pas besoin de cela. La pression hiérarchique les inhibe au lieu de les motiver. Ces personnes ne peuvent s’épanouir au travail autrement que dans la liberté. Le travail à domicile est alors la solution pour ne plus avoir de « patron sur le dos ».

C’est aussi la possibilité de choisir ses horaires de travail. « Par exemple, beaucoup de personnes sont plus productives de 9h à 13h et de 20h à minuit, et se laissent aller de 13h à 17h (le coup de barre de l’après-midi). Ainsi, pourquoi ne pas sortir des horaires de bureau classiques pour choisir des horaires adaptés à son propre rythme et être plus efficace ? », se demande Marianne, tout en ajoutant qu’un tel système a épargné à beaucoup de fonctionnaires le fait de fuir leur bureau en se contentant seulement de pointer pour se rendre à un autre boulot.

 

Réserves et failles

D’ailleurs, les experts en développement humain ne partagent pas le même avis. Ils pensent que le travail à domicile est une méthode qui demande une grande résistance, une capacité d’autonomie et d’organisation pour être en mesure d’assurer toutes les tâches et d’assumer toutes les responsabilités en même temps. Une méthode qui convient à être appliquée en Occident et non pas en Egypte où le fonctionnaire n’arrive pas à répartir les activités entre les tâches professionnelles et les obligations familiales. « Chez nous, il n’existe pas l’autodiscipline. L’employé n’effectue pas son travail dans son bureau, pourra-t-il alors le faire à partir de chez lui ? ».

De plus, ce système contredit la loi 47 pour l’année 78 qui instaure des mesures strictes pour tous les fonctionnaires concernant la présence, l’absence et les congés. D’après le Dr Moustapha Hussein, beaucoup de fonctionnaires ne savent pas encore utiliser la technologie moderne. « Cela ne sera donc qu’un moyen légitime pour faciliter la fuite des employés et cela encouragera à la paresse et au chômage déguisé », dit-il.

Mais certains fonctionnaires rejettent l’idée du travail à domicile. Sami Abdel-Fattah, qui travaille au ministère de la Justice, voit que cette méthode convient beaucoup plus aux femmes mariées. « Mais pour un homme, le fait d’aller au travail donne du goût à la vie. Aucun de nous n’accepterait de travailler à la maison. Nous ne sommes pas des femmes », lance-t-il. Quant à Afaf Ragab, elle voit les choses différemment. Selon cette fonctionnaire, le travail au bureau est indispensable pour elle. « Se rendre au travail constitue toute une vie sociale, surtout que je ne sors pas beaucoup, je n’assiste pas aux cérémonies et je ne suis pas abonnée dans un club. Bref, mon travail est toute ma vie et le lien avec le monde extérieur », conclut Afaf qui ne nie pas que le travail est aussi son seul moyen de trouver un mari.

Chahinaz Gheith

 




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