L’Union des écrivains,
chargée des candidatures pour le Nobel
Mohamed Salmawy
Notre
grand écrivain Naguib Mahfouz, prix Nobel de littérature,
recevait au mois d’octobre de chaque année les formulaires
des candidatures pour le Nobel. Ces formulaires étaient
accompagnés d’une lettre adressée par la fondation Nobel lui
demandant de proposer des noms d’écrivains égyptiens
qualifiés, selon lui, d’obtenir le prix. D’autant que la
fondation Nobel n’accepte que les candidatures émanant
d’organismes déterminés parmi lesquels les précédents
lauréats.
Mais
notre grand écrivain laissait les formulaires vides chaque
année, et ceci tout au long de 17 ans. Depuis que Naguib
Mahfouz fut lauréat en 1988 et jusqu’à sa mort en août 2006,
il n’a proposé aucun candidat. La logique qui lui dictait
d’agir comme tel était la crainte que s’il lui arrivait de
proposer un nom donné, il serait injuste vis-à-vis d’autres
écrivains pouvant être mieux qualifiés à remporter le
prix. D’autre part, il se pouvait qu’il y ait des noms qu’il
connaissait sans pour autant avoir lu leurs ouvrages à cause
de la faiblesse de sa vue et de son manque de lecture.
J’avais
eu l’occasion de rencontrer le président du comité Nobel,
Sture Allen, au cours d’une visite que j’ai effectuée en
Suède. Il m’a alors demandé : Pourquoi Mahfouz ne propose-t-il
pas de noms pour le prix ? Les noms proposés à la
candidature du Nobel par un écrivain égyptien seront d’une
grande aide à la littérature dans votre pays. J’ai répondu
que son sens de l’engagement littéraire et aux écrivains en
Egypte constituait la raison qui l’empêchait de proposer des
noms. J’ai également expliqué au président du comité Nobel
que Mahfouz ne suivait plus le mouvement littéraire depuis
des années à cause de son incapacité à lire et sa
connaissance de la production littéraire se limitait
uniquement à ce que lui transmettaient ses amis. Il
réalisait parfaitement cela et son honnêteté l’empêchait de
juger d’un sujet qui lui venait d’autrui.
Sture
Allen a bien compris la position de Mahfouz. Il a ajouté que
notre grand écrivain demeurera l’exemple de l’honnêteté et
le critère de la noblesse des mœurs. Dès lors, la fondation
Nobel n’a plus jamais envoyé de formulaires de candidatures
à Mahfouz tous les ans en octobre.
J’ai été
énormément inquiet parce que l’Egypte n’avait d’organisme
proposant les candidatures reconnues par le prix Nobel.
L’année dernière, les journaux arabes ont débattu du droit
d’un grand écrivain soudanais qui n’est autre qu’Al-Tayeb
Saleh pour l’obtention du prix. Des écrivains ont demandé
que l’Union des écrivains arabes propose la candidature
d’Al-Tayeb Saleh pour le Nobel. J’ai alors certifié que la
fondation Nobel n’acceptait que les candidatures émanant
d’organismes bien déterminés. J’ai alors appelé l’écrivaine
originaire de l’Afrique du Sud, Nadine Gordimer, et je lui
ai demandé de proposer le nom d’Al-Tayeb Saleh, qu’elle
connaissait bien, ainsi que ses œuvres, tel qu’elle me
l’avait rapporté.
Face à
ces faits, j’ai trouvé important de m’adresser à la
fondation Nobel en lui disant qu’il était inapproprié que
l’Egypte n’ait pas d’organismes reconnus par la fondation
pour les candidatures au prix. Surtout après le décès du
seul écrivain égyptien lauréat de ce prix et qui
représentait un partenaire reconnu par la fondation.
Mes
correspondances avec le comité Nobel ont duré des mois au
terme desquels ils ont reconnu, en fin de compte, le droit
de l’Union des écrivains d’Egypte à devenir une partie qui
proposerait les candidatures au Nobel de littérature. Et ce,
après qu’ils eurent étudié toutes les informations
concernant l’Union des écrivains et son histoire. Je leur
avais envoyé de la documentation démontrant que l’Union des
écrivains d’Egypte était l’équivalent d’un syndicat des
écrivains et que ses fondateurs n’étaient autres que les
célèbres Tewfiq Al-Hakim, Abdel-Rahman Charqaoui, Youssef
Al-Sebaï et Naguib Mahfouz qui en était le président
honorifique jusqu’à sa mort. Je leur ai dit également que
cette institution regroupait environ 2 000 membres actifs,
outre les membres non actifs et les memberships honorifiques.
J’ai
récemment reçu une lettre de la fondation me disant qu’elle
allait adresser, pour la première fois, les papiers de
candidature à l’Union des écrivains d’Egypte en octobre
prochain, afin de proposer le nom de l’écrivain égyptien
qualifié au prix en 2010, à condition qu’il leur parvienne
avant la fin de janvier prochain.
En
réalisant l’importance de cette responsabilité nationale,
l’Union mettra en place un système garantissant l’honnêteté
à laquelle était attaché Naguib Mahfouz. La candidature
exprimerait l’avis d’un nombre d’organismes compétents :
universités, instituts littéraires, critiques et écrivains,
qui apporteraient leurs avis quant aux candidatures.
J’ai
reçu une lettre du président du comité Nobel dans laquelle
il se disait heureux parce qu’il y a en Egypte un organisme
prestigieux pour les candidatures au Nobel, à savoir l’Union
des écrivains d’Egypte. D’autant que la littérature
égyptienne a une longue histoire. De même les écrivains
égyptiens, pour reprendre ses propos, enrichissent la
bibliothèque littéraire internationale chaque année avec
leurs ouvrages traduits.
La plus
belle chose dans cette lettre est certes les propos du
comité Nobel qui affirmaient que la décision rectifiait une
situation incorrecte. Surtout qu’il était inapproprié que
l’Egypte n’ait pas d’organisme proposant les candidatures au
Nobel.