Grippe Porcine. Avec l’apparition des premiers cas en Egypte, des mesures de précaution ont été prises, mais sans grande panique. Les Autorités sont vigilantes, invitant les citoyens à plus d’hygiène.

 

Etat d’alerte modéré

 

« il n’y a aucun cas de grippe porcine dans les branches de McDonald’s », ainsi titre le message qui n’a cessé d’être véhiculé sur les portables des Egyptiens depuis l’apparition du virus A(H1N1) en Egypte. Le fast-food américain précise dans le sms que les branches de Maadi ont été fermées uniquement pendant une heure, comme mesure de précaution après le recensement d’un cas dans une compagnie pétrolière dans ce quartier résidentiel. Les rumeurs en effet se propageaient comme une traînée de poudre sur fond d’augmentation du nombre des malades, de quoi créer un état de panique. Mais était-il justifié ?

En une semaine, les cas enregistrés ont sauté de 3 à 18. Il s’agit jusqu’à présent de personnes ayant toutes voyagé récemment aux Etats-Unis ou au Canada. Sept d’entre elles habitaient à la résidence de l’Université américaine à Zamalek. Deux étudiants venant des Etats-Unis pour les études d’été ont attrapé le virus, mais ils n’ont été diagnostiqués que 8 jours après leur arrivée au Caire. Ils avaient alors contaminé leurs collègues à la résidence. C’est l’Université américaine qui a dévoilé les cas et averti le ministère égyptien de la Santé. Le campus a été fermé. Les étudiants, aussi bien que les profs et les employés, ont immédiatement subi des tests. Et la résidence a été placée en quarantaine pendant une semaine. Personne à part le corps médical ne pouvait accéder au bâtiment qui a été encerclé par la police.

La tension se sentait à Zamalek, ce quartier de l’élite et des ambassades. Il était assez facile de repérer des cafés souvent très animés devenus plutôt vides et des piétons en masques. Olivier, un Franco-Egyptien, a renoncé à se rendre à son restaurant favori de sushi « car il a été aussi fréquenté par les étudiants américains ».

Fouad, un autre résident de Zamalek, a décidé de ne plus emmener sa fille à la crèche, « de crainte d’une contamination ».

Le centre culturel Al-Sawi, très fréquenté, situé sous le pont du 15 Mai, a décidé de distribuer des masques avec chaque ticket. La faculté des beaux-arts, placée à quelques mètres de la résidence américaine, a demandé aux parents de procurer des masques pour leurs enfants qui suivent des cours d’été.

En dehors du quartier, les gens semblent moins inquiets, même si la grippe porcine est le sujet qui domine presque toutes les conversations.

Dans le métro du Caire qui transporte quelque 2,5 millions de passagers par jour, très peu ont pensé à porter des masques. Uniquement trois personnes dans le wagon réservé aux femmes. Et dans le reste du train, on ne compte même pas une dizaine. La plupart s’est contentée de poser un mouchoir sur le nez et d’autres femmes voilées ont couvert la bouche et le nez avec le bout de leur voile. (Lire reportage page 5).

Le gouvernement s’est efforcé de se montrer plutôt calme. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) venait d’annoncer le déclenchement de la phase d’alerte 6 maximale, déclarant la première pandémie de grippe atypique du siècle. Le chef du gouvernement a pourtant cherché à rassurer les Egyptiens : « Ni la nourriture, ni les piscines ne véhiculent le virus ».

Les Autorités affirment que le contrôle est renforcé à l’aéroport pour tenter de détecter tout nouveau cas qui arrive en Egypte. Les hôpitaux sont en état d’alerte.

« Aucune mesure supplémentaire n’est pour l’instant nécessaire », dit le ministre de la Santé. Pas de changement dans les moyens de transport. Le métro restera ouvert, les écoles aussi continueront à accueillir les élèves qui passent en ce moment les examens du bac. Aucune annulation non plus de futurs matchs.

L’Egypte qui, tout à fait au début de l’apparition du virus au Mexique, a décidé d’abattre tout son cheptel porcin, se contente en ce moment d’informer la population sur les moyens de précaution contre l’influenza.

Une campagne, financée par l’Aide américaine et lancée sur les ondes de la radio, appelle les gens surtout à « se laver sans cesse les mains avec de l’eau et du savon ». Le gouvernement, même s’il n’a pas annulé les voyages à La Mecque, appelle les Egyptiens à éviter ce rassemblement autant que possible.

Au Parlement, le comité de la santé a demandé au ministre de la Santé, Hatem Al-Gabali, de venir présenter le plan du gouvernement en cas d’une propagation du virus ou de sa transformation en pandémie dans le pays.

Un black-out entoure d’ailleurs ce dit plan gouvernemental et les fonds accordés par l’Etat pour l’appliquer. Le président de commission de la santé au Parlement, Hamdi Al-Sayed, a affirmé à l’Hebdo qu’il ignorait les détails de ces mesures. Le Parlement s’est uniquement penché sur la possibilité ou non d’avoir recours aux laboratoires des hôpitaux universitaires aux côtés de ceux du ministère de la Santé. Selon lui, « les députés ont décidé de l’accepter uniquement en cas de pandémie en Egypte et que dans aucun des cas les labos privés ne seront impliqués dans les analyses ».

 

Le vrai danger

Le député qui est également président de l’ordre des Médecins estime que les mesures adoptées par le gouvernement pour lutter contre le virus H1N1 sont assez adéquates. Ce qui l’inquiète le plus, c’est la grippe aviaire.

L’Egypte figure parmi les pays qui ont enregistré le plus de cas, elle a pourtant compté 30 % moins de décès que le taux mondial. Une mutation du virus et sa contamination d’un homme à l’autre, c’est dans tous les cas ce que craint l’Egypte le plus. C’est pourquoi Le Caire travaille sur la production d’un vaccin contre la grippe aviaire.

Quant à la grippe porcine, les laboratoires internationaux se sont lancés dans une course contre la montre pour produire au plus vite un vaccin avant l’arrivée de l’automne.

La compagnie suisse Novartis a annoncé en fin de semaine dernière avoir produit un premier lot de vaccin contre le virus A(H1N1) qui va servir à des études cliniques. Le vaccin devrait être prêt d’ici septembre ou octobre. La compagnie dit dans un communiqué avoir reçu des demandes de plus de 30 gouvernements. La plus importante demande vient des Etats-Unis, avec un coût de 289 millions de dollars. D’autres compagnies pharmaceutiques font aussi la course.

Dans les rues du Caire, l’on parle plus des masques et de leurs prix qui ont connu un saut considérable. Ainsi sommes-nous passés de 25 piastres à 7 L.E. le seul masque.

Les institutions religieuses tentent de signer présent dans l’affaire. Le ministère des Waqfs a demandé aux imams de raccourcir la prêche de vendredi. A la mosquée et à l’église, l’on donne des conseils d’hygiène et l’on demande aux Egyptiens de renoncer à certaines habitudes : éviter la bise. Faire d’une pierre deux coups donc pour les oulémas conservateurs.

Samar Al-Gamal

Chérine Abdel-Azim