Désertification.
La Journée mondiale de lutte contre ce phénomène est
célébrée ce 17 juin avec des festivités organisées par la
Convention des Nations-Unies sur la lutte contre la
désertification (UNCCD). Mais elle n’a pas été mentionnée
dans la dernière stratégie égyptienne pour l’agriculture
jusqu’à l’an 2030.
Les
menaces encore mal saisies
Aujourd’hui
17 juin, le monde célèbre la Journée mondiale pour la lutte
contre la désertification. Une lutte contre la dégradation
des sols et contre tout changement menant à la diminution
des produits agricoles et causant la pauvreté. Vu les signes
de changements climatiques dont le monde témoigne depuis
presque un siècle, les responsables des Nations-Unies ont
opté pour mettre l’accent en 2009 sur le thème suivant : «
Préserver terre et eau = Protéger notre avenir à nous ». Un
thème qui signifie que la sécurité humaine sur la planète
dépend du développement durable des sols et de l’eau. Pour
célébrer cette journée, le secrétariat de la Convention des
Nations-Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD)
a lancé un concours international de photographie. Les
photographes amateurs et professionnels sont appelés à aider,
par leurs photos, à la prise de conscience des enjeux de la
désertification, de la dégradation des terres et de la
sécheresse.
En
Egypte, pays désertique numéro un dans le monde selon les
différentes études faites par les instances écologiques
internationales, les célébrations se sont bornées à ce
modeste concours auquel a fait appel le Centre de Recherches
sur le Désert (CRD) relevant du ministère de l’Agriculture
et de la Bonification des terres. Pourtant, il s’agit d’une
question vitale pour ce pays qui compte, selon l’Agence
centrale égyptienne de mobilisation du public et des
statistiques (CAPMAS), 75,22 millions de personnes fin 2008.
Pourquoi ? Tout simplement parce que non seulement 86 %
environ du territoire égyptien est situé dans une zone
d’extrême aridité, mais le pire est que l’Egypte, située à
l’extrême droite du nord du continent africain, n’est pas un
pays pluvieux. Une négligence de la part des responsables
égyptiens, peut-être. Mais ce qui est sûr c’est que la
notion de désertification n’a pas été mentionnée dans la
stratégie que le ministère de l’Agriculture et de la
Bonification des terres s’apprête à soumettre à l’Assemblée
du peuple dans les mois qui viennent. Il s’agit d’une
stratégie pour l’agriculture en Egypte d’ici à l’an 2030 ! «
Est-il possible qu’une stratégie étatique portant sur les
politiques de l’agriculture en Egypte ne mentionne
absolument pas la désertification ni même le désert ? Est-il
logique qu’aucun chercheur du CRD ne figure parmi ceux
d’autres domaines scientifiques qui ont exposé cette
stratégie ? Nous parlons de changements climatiques
affectant la production des terres agricoles, commençant par
la sécheresse, passant par la détérioration des sols et
arrivant jusqu’à l’érosion et la salinité. Mais cela
signifie-t-il une marginalisation complète d’un tel
phénomène dangereux menaçant le pays ? », déplore Samer Al-Moufti,
spécialiste du désert et ancien secrétaire général du CRD.
Si la
désertification est en même temps la cause et la conséquence
de la pauvreté, elle est également synonyme de famine.
L’UNCCD définit la désertification comme la dégradation des
sols dans les zones arides, semi-arides et sub-humides
sèches. Elle se produit lorsque les sols sont fragiles, le
couvert végétal amenuisé et le climat particulièrement
impitoyable. Ces régions sont habitées par un cinquième de
la population mondiale. Un tiers de la superficie des terres
émergées du globe (4 milliards d’hectares) est menacé par ce
phénomène, et plus de 250 millions de personnes sont
directement affectées par ce problème, selon la même source.
Les principales causes de la désertification sont les
variations du climat et les activités humaines. Mais aussi
les décisions et les plans élaborés sans étudier ni tenir
compte de l’intérêt national du pays concerné. La
planification de l’avenir de l’agriculture en Egypte qui
sera discutée prochainement à l’Assemblée du peuple en est
la preuve.
Augmenter la production agricole de 4,1 % à 5 %
Dans
la stratégie du ministère de l’Agriculture, les responsables
ont proposé des solutions pour préserver le sol et l’eau en
Egypte. Pour ce qui est des terres atteintes de salinité, il
s’agit de fertiliser les sols et de les régénérer grâce à
des matières organiques, tout en assurant un bon drainage.
Quant à la préservation de l’eau, il suffit de sensibiliser
le paysan pour qu’il applique les systèmes d’irrigation qui
rationalisent l’utilisation de l’eau dans l’irrigation et
diminuent la perte de l’eau de 30 %, sinon plus. Ces
propositions exigent d’être financées. Solutions : les dons
et la coopération internationale entre l’Egypte et les
autres pays comme ceux de l’Union européenne et le Japon.
L’objectif selon cette stratégie est d’augmenter la
production agricole de l’actuel 4,1 % à 5 %. Ainsi, il faut
d’évidence prendre en considération les changements
climatiques. « Cette stratégie est basée sur l’hypothèse
selon laquelle l’Egypte obtiendra le même quota d’eau lors
de la conclusion de la nouvelle convention entre les pays du
Bassin du Nil. Nous devons reconnaître que l’application des
dispositions de cette stratégie ainsi que le changement des
habitudes des paysans dans l’agriculture ne sont pas
contrôlables. En tant qu’Etat, le ministère devrait
soumettre une stratégie pour mener à bien les politiques qui
organisent cette activité humaine dans le pays ! », affirme
Mohamad Abdel-Hamid Nofal, président de l’administration
centrale pour les terres et l’eau au sein du ministère de
l’Agriculture.
Si ces
mesures sont appliquées ou ont été appliquées dans la
plupart des gouvernorats, cela n’empêche que l’Egypte, dont
10 % ou presque du Delta est menacé de submersion, a déjà
commencé à perdre des terres situées dans le nord de son
territoire en raison de la désertification résultant des
changements climatiques. « La côte du Delta fait 270
kilomètres, l’érosion a déjà attaqué plusieurs endroits à
l’extrême gauche de la côte de Rosette. La salinité aussi
menace les terres agricoles et d’ailleurs plusieurs paysans
ont quitté leur gagne-pain et se sont déplacés. En fait, la
question est d’une telle importance qu’entre les années
fiscales 2001 et 2006, la Banque mondiale a consacré 1,4
milliard de dollars à des projets de gestion des ressources
naturelles, dont 701 millions spécifiquement destinés à la
gestion durable des terres », explique un professeur à la
faculté d’agronomie à l’Université d’Alexandrie qui a requis
l’anonymat.
Il ne
s’agit donc pas de documents que les responsables ou les
fonctionnaires devraient remplir et soumettre. Il est
question, comme Al-Moufti le souligne, « de la mise en place
de règles obligatoires à tout le monde et de donner
l’opportunité aux activités des ONG pour exercer des
pressions sur le gouvernement afin qu’il prenne la bonne
décision. Il est question de sensibiliser le public pour
qu’il connaisse exactement les dangers naturels auxquels il
doit faire face. Sans oublier de rendre efficace toute
décision et toute loi stipulée. Bref, il s’agit pour moi de
prendre la question au sérieux parce que l’Egypte est
exposée, d’après toutes les recherches scientifiques, à la
sécheresse et la désertification à cause des changements
climatiques sévères ».
D’après
plusieurs scénarios, il se peut que le Nil soit exposé à une
diminution critique de l’eau menaçant tous les pays
riverains. Quant aux eaux du Lac Nasser, elles ne peuvent
pas suffire à une population égyptienne qui atteindra plus
de 80 millions d’individus dans les années à venir.
Racha
Hanafi